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Nobel de Littérature : suivez en direct l’annonce du lauréat

Il y a un an tout rond, c’est le nom de Patrick Modiano qui était sorti du chapeau des vénérables membres de l’Académie de Stockholm.

Cette année, les bookmakers parient comme d’habitude sur Svetlana Alexievitch, Haruki Murakami,Joyce Carol Oates et Adonis, mais aussi sur le Norvégien Jon Fosse, ou encore sur des auteurs africains comme Ngugi wa Thiong’o, Nuruddin Farah et Ben Okri. Certains obstinés enfin se refusent à exclure l’hypothèse Philip Roth.

En fait, personne n’en sait rien du tout.

Réponse en direct et en vidéo, ce jeudi 8 octobre, à 13h (heure française).

Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015

Les prix Nobel se suivent et ne se ressemblent pas tant que ça. On imagine assez mal Patrick Modiano utilisant Twitter pour annoncer, lui-même, que l’Académie de Stockholm est sur le point de lui attribuer le Saint Graal des écrivains.

C’est pourtant ce que vient de faire quelqu’un se présentant comme la Biélorusse Svetlana Alexievitch, deux petites heures avant la proclamation officielle:

L’Académie suédoise m’a décerné le Prix Nobel de Littérature 2015. J’ai reçu à l’instant un appel de Suède. Je suis heureuse, très heureuse! Merci.

Il s’agissait d’un canular, revendiqué un peu plus tard par un journaliste italien.

De la part des jurés du Nobel, cependant, pas question de canular. Leur choix est clairement une manière de renouer avec une vieille tradition: celle qui consiste, à la frontière de la littérature et de la politique, à couronner un écrivain engagé, et donc par la bande les valeurs qu’il défend.

Le haïku avec lequel ils ont très officiellement justifié leur décision est d’ailleurs assez éloquent comme ça. S’ils ont couronné Svetlana Alexievitch, c’est

pour son oeuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque.

En l’occurrence, Svetlana Alexievitch n’est pas n’importe qui. Surtout dans le climat de néo-guerre froide entretenu par le nationalisme d’un certain Vladimir Poutine. Née en Ukraine en 1948, journaliste et écrivain, cette grande dame a en effet consacré l’essentiel de son oeuvre à restituer la mémoire du monde soviétique. Cinq de ses livres ont ainsi eu un succès considérable dans son pays, parmi lesquels «les Cercueils de zinc» (sur la guerre d’Afghanistan), «Ensorcelés par la mort» (sur les suicides qui ont suivi la chute de l’URSS) et «la Supplication» (sur Tchernobyl).

En 2013, enfin, elle avait publié une somme, «la Fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement», qui lui avait valu de décrocher en France le prix Médicis essai (traduit du russe par Sophie Benech, chez Actes Sud). Le grand entretien qu’elle avait alors accordé à notre camarade Vincent Jauvert sur l’Homo Poutinus est plus que jamais d’actualité. Il est à (re)lire ici, sans attendre.

G.L.

Post-scriptum. Sauf erreur, le Nobel n’avait pas récompensé d’écrivain russophone depuis Soljenitsyne en 1970 (avant ça il y avait Boris Pasternak, en 1958). Par ailleurs, Svetlana Alexievitch est la quatorzième femme à remporter le Nobel depuis sa création en 1901.

Les 1ères pages de « la Fin de l’homme rouge »

Israël : «Netanyahou devra faire preuve de psychologie s’il veut éviter l’explosion».

Contrairement à ce que prétendaient les dirigeants israéliens jusqu’à ces dernières heures, la situation ne se calme pas à Jérusalem et en Cisjordanie. En fait, elle empire puisque la «sakinaout» (les attaques au couteau) se multiplient à l’intérieur même de l’Etat hébreu. A Kyriat Gat (sud d’Israël) mais également à Pétakh Tikva (grande banlieue de Tel-Aviv).« Bien sûr, il ne s’agit pas d’attentats kamikazes comme durant la deuxième intifada mais sur le fond, même si ces attaques sont lancées par des « loups solitaires » agissant de leur propre fait, le résultat est le même : les gens ont peur. Ils n’osent plus sortir dans la rue. Les cafés sont vides et l’on observe une baisse de fréquentation des spectacles», explique Ayala Hasson, chroniqueuse à «Kol Israël».

Depuis deux jours, les contrôles aux entrées des lieux publics et des centres commerciaux ont été renforcés sur l’ensemble du territoire israélien. A Jérusalem-ouest (la partie juive de la ville), les écoles ont entamé un mouvement de grève pour obtenir la présence de vigiles armés devant leurs portes. A l’instar du maire de la ville Nir Barakat, plusieurs élus municipaux appellent également leurs administrés titulaires d’un port d’arme à sortir avec leur calibre pour «réinstaurer un sentiment de sécurité dans les rues». Une solution magique ? Pas sûr. Jeudi matin le trafic de la ligne tramway a d’ailleurs été interrompu pour une durée indéterminée immédiatement après la première attaque au couteau de la journée (deux blessés). Cela, alors que des dizaines d’hommes en arme se trouvaient aux environs.

«Netanhayou devra faire preuve de psychologie»

A l’intérieur de l’Etat hébreu, le sentiment de malaise est d’autant plus fort que les manifestations violentes d’Arabes israéliens soutenant leurs «frères» Palestiniens des territoires occupés se multiplient. A Jaffa (Tel-Aviv) mais également à Lod (centre du pays) et à Nazareth (Galilée). Sur les routes traversant les villes et villages arabes israéliens, les autobus et les voitures privées sont désormais caillassés plusieurs fois par jour.«Nous n’en sommes pas revenus à la situation d’octobre 2002 lorsque la minorité arabe (20% de la population israélienne) s’était soulevée et que treize personnes avaient alors été tuées par la police mais il y a des réminiscences», estime Moshé Elad, un chercheur israélien spécialisé dans l’étude des intifadas tout en relevant que  «le gouvernement de Benyamin Netanyahou devra faire preuve de beaucoup de psychologie s’il veut éviter une grosse explosion».

A Ramallah, l’Autorité palestinienne (AP) condamne la «répression israélienne qui pousse à un nouvel embrasement de la région» mais sur le fond, Mahmoud Abbas reste opposé à toute action violente. Selon les estimations de l’Aman (les Renseignements militaires israéliens), le Fatah et les «Tanzim» (sa branche armée contrôlant la plupart des camps de réfugiés de Cisjordanie) ne sont d’ailleurs pas partie prenante aux violences en cours même si certains manifestants brandissent leur drapeau.

Au terme d’une nouvelle réunion sécuritaire tenue dans la nuit de mercredi à jeudi, Netanyahou a confirmé la carte blanche qu’il accorde à la police, aux garde-frontières et Tsahal (l’armée) pour «écraser la vague de terreur». C’est dans ce cadre et avec ce blanc-seing qu’interviennent les «mistarvim» (les «déguisés en Arabe»), des unités spéciales opérant en civil et dont les membres parlent l’arabe avec l’accent palestinien. Mercredi, plusieurs «mistarvim» ont été filmés alors qu’ils se trouvaient au milieu des émeutiers de Cisjordanie et qu’ils les arrêtaient ensuite de manière musclée. En réalité, ces policiers mi-soldats mi-agents secrets opèrent de longue date sur le terrain puisqu’ils sont apparus à la fin des années 70 sur l’ensemble des territoires occupés. Donc, y compris dans la bande de Gaza où ils se sont souvent livrés à des exécutions extrajudiciaires. Les «déguisés» opèrent partout où il y des violences. Pendant les périodes plus calme, les mêmes procèdent à des arrestations de suspects palestiniens dans les quartiers arabes de Jérusalem-est et dans les villages de Cisjordanie.

 

Jeudi matin, nombre d’entre eux étaient déployés dans la banlieue de Ramallah et d’Hébron où se déroulaient de sérieux affrontements. Vendredi, ils opéreront aux environs de la vieille ville de Jérusalem puisque les députés arabes israéliens et leurs supporters ont décidé de se rendre sur l’esplanade des mosquées en signe défi à Netanyahou, qui a instamment prié les élus et les ministres de ne pas y aller.

Nissim Behar à Tel-Aviv

Grand Bivouac: «Mettre en avant les énergies positives»

«Cette année, on a vraiment un beau plateau. Alors, évidemment, c’est le rush…» A une semaine de l’ouverture du Grand Bivouac, Guy Chaumereuil, son fondateur, fait un point sur cette nouvelle édition.

«Les beaux matins du monde…» Le festival propose un beau thème cette année!

Oui. C’est parti d’un constat. Ces dernières années, nous avions souvent mis l’accent sur des thématiques un peu arides, un peu dures. Et puis, il y avait l’actualité que nous connaissons tous, et qui n’est guère réjouissante… Alors, pour cette édition, nous avons voulu faire pencher la balance de l’autre côté. Pas de béatitude mais en mettant en avant les énergies positives. D’où cette image du matin lumineux, lorsque l’on ouvre les volets à l’aube d’une belle journée. On se reprend à espérer, à avoir envie d’entreprendre. Il est temps de vivre!

Les invités ont donc été choisis dans cette optique…

Parmi les dizaines de personnalités que nous accueilleront au Grand bivouac (140 rendez-vous sont prévus pendant les trois jours et demi de la manifestation qui a comptabilisé en 2014 32000 entrées payantes, ndlr). Je vous citerai quelques exemples: Mathieu Riccard, le moine bouddhiste et son message d’empathie et d’altruisme; Axel Kahn, scientifique, essayiste et marcheur, qui illustre bien notre propos. Il a traversé deux fois la France. Une fois du Nord-Est au Sud-Ouest, où il a rencontré un pays replié sur lui-même, qui se «déprise», et la seconde fois, de la Bretagne à Menton, où il a pu explorer l’autre face du pays, une France qui espère et relève la tête… Il y a enfin «Mafrouza», ce documentaire extraordinaire d’Emmanuelle Demoris qui se passe dans un bidonville d’Alexandrie aujourd’hui rasé. Dans cet amas de détritus, il y a une pulsion de vie, de joie… Un hommage à tous ceux qui restent debout.

Le festival aborde également la question du climat…

Oui, ce n’était pas la particularité des précédents Grands Bivouacs, mais dans l’optique de la Cop 21, nous avons décidé de multiplier les rendez-vous sur le climat et l’environnement. Je pense aussi à des choses étonnantes comme ce documentaire sur les parcs naturels, de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, qui peuvent être un point de conjonction entre des pays qui s’affrontent. Il en existe par exemple un entre les deux Corée…

Un coup de cœur?

Ce superbe film, «Mustang, le royaume des peintres paysans» de Corinne Glowacki, qui raconte comment un peintre italien apprend aux paysans à restaurer leurs temples. Au moment où Daech en Syrie détruit ses statues et ses sites, c’est un contre-exemple extraordinaire et une illustration de ces «beaux matins» du monde que nous allons découvrir…

Le Grand Bivouac. Albertville (Savoie) Toutes les infos sur le site.

Libération sera présent au GB avec un stand où exposeront les lauréats dessins de l’édition 2015 du concours Libé-Apaj.

Fabrice Drouzy

Booxup, le Tinder des livres

Comme sur Facebook, le booxuper crée un profil sur lequel il peut afficher les livres de son choix et constituer sa propre bibliothèque. L’application utilise aussi un procédé de géolocalisation qui permet de réunir les utilisateurs selon l’endroit où ils se trouvent au moment où ils se connectent. Et ça marche. Lancée en mars dernier, Booxup compte déjà 10.000 utilisateurs et quelque 30.000 livres.

Nichés sous les toits du mythique hôtel La Louisiane, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, ses créateurs, David Mennesson et Robin Sappe, ont un objectif: «devenir la plus grande bibliothèque du monde». Ils n’y sont pas encore, mais y travaillent à plein temps. «Je n’ai jamais vu les personnes à qui je prêtais mes livres», raconte Thomas, un booxuper installé à Antibes.

Un jour, une jeune fille installée dans un foyer à 200 mètres de chez lui envoie un message: elle souhaite lui emprunter son livre sur la filmographie de Tim Burton. «C’était un sacré périple pour le lui remettre, se souvient-il: nos horaires ne correspondaient jamais. Mais elle avait l’air tellement intéressée par ce réalisateur que je me suis donné un peu de mal.» Après de nombreux messages envoyés par l’application, il finit par déposer le livre à l’accueil du foyer, accompagné d’un message personnel. «J’espère qu’elle s’est éclatée», dit Thomas. Il n’a pas cherché à récupérer son livre : «Je n’en ai pas besoin.» Il n’en a jamais emprunté non plus. Comme si le seul but de son adhésion à Booxup était, juste une fois, de faire plaisir à quelqu’un.

Certains n’ont pas attendu 2015 pour mettre en place un réseau de lecteurs autour de chez eux. Sylvie, parisienne et dévoreuse de romans, avait déjà pris l’habitude d’échanger ses livres avec le voisinage. Pourtant, en avril dernier, un accident au marathon de Paris la cloue deux mois au fond de son lit. Un ami lui conseille alors l’application. «Ma première expérience “booxupienne” fut assez forte d’un point de vue littéraire», raconte-t-elle. A son chevet, un aimable booxuper lui apporte «Je vous écris dans le noir», de Jean-Luc Seigle. Elle a «adoré ce livre». Il n’y aura pourtant que deux prêts en tout et pour tout, pendant la période de sa convalescence.

Ce qu’elle préfère, quand elle a l’usage de ses jambes, c’est se rendre dans la librairie parisienne Le Divan, sa préférée. C’est d’ailleurs la question que pose cette application, comme tout ce qui fonctionne à partir d’une économie de partage: Booxup pourrait-il, en se développant, nuire à l’économie du livre?

Échangisme littéraire

Charlotte l’assume complètement : pour elle, l’application est «une bonne alternative à Amazon». Mais c’est aussi à ses yeux une occasion formidable de «redonner vie aux vieux bouquins» ronflant depuis des années sur son étagère. Finie, l’ère de la bibliothèque individuelle qui ne profite qu’à trois lecteurs en un siècle? «C’est chaque fois une expérience très joyeuse», dit-elle. Livre à la main, elle a rejoint sur la butte Montmartre un booxuper souhaitant lui emprunter son roman préféré, «Inconnu à cette adresse», de Kathrine Kressmann Taylor. Malgré les appréhensions, la discussion fut «sympathique et courtoise», dit-elle en riant, ne remarquant même pas l’écho romantique de la situation avec le titre du roman.

Pourtant, si ses créateurs n’insistent pas sur l’aspect poétique de Booxup, l’application réunit tout de même tous les ingrédients pour une rencontre digne d’un récit à l’eau de rose. Là où tous les sites de rencontres de type Tinder imposent le modèle américain du date, impersonnel et sans surprise, Booxup préserve une part de mystère typiquement français où l’autre, l’inconnu, au bout de votre rue, ignore si votre démarche est galante ou purement littéraire. D’ailleurs, vous-même n’êtes pas obligé de le savoir. Comme dans une bibliothèque municipale, on peut être venu lire un livre et croiser par hasard un regard.

Ce détournement d’utilisation n’est pas ce que David Mennesson souhaite mettre en avant. Mais il avoue avoir reçu les avances d’une jeune femme qui lui avait emprunté son «On/Off», d’Ollivier Pourriol. Il a aussi appris qu’une booxupeuse aurait entretenu une conversation pendant quelques jours avec un homme, avant de réaliser que son interlocuteur était… son père.

Ce mois-ci, les booxupers pourront découvrir une nouvelle version de l’application, embellie et optimisée. De quoi espérer un élargissement considérable de leur nouvelle communauté, mais aussi s’attirer des problèmes: l’application fait depuis peu l’objet d’une enquête préventive de la part de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui surveille de près toutes les start-up risquant, à l’instar d’Uber ou Airbnb, de mettre à mal le système de vente traditionnel.

Manifestement, la nouvelle économie de partage, qui s’introduit doucement mais sûrement dans notre mode de vie, séduit presque autant les lecteurs qu’elle préoccupe les vendeurs. Pourtant, quoi de plus naturel qu’emprunter un livre ?

Pia Duvigneau

Article paru dans « L’Obs » du 1er octobre 2015.

Les révoltes de Henning Mankell

Le Nouvel Observateur. Vous vivez depuis plus de vingt ans la moitié de l’année au Mozambique et l’autre en Suède. Vous aimez dire: «J’ai un pied dans la neige, l’autre dans le sable.»

Henning Mankell. Rien ne m’obligeait à partir en Afrique: c’était un choix intime. A 20 ans, quand j’étais jeune auteur, j’avais la nette impression de rechercher un autre point de vue sur le monde que celui de l’ethnocentrisme européen. C’était il y a très longtemps, en 1972. J’ai débarqué en Guinée-Bissau, à l’époque encore colonie portugaise. Ce fut une expérience initiatique. C’est le même désir qui me pousse toujours à retourner en Afrique: pour avoir une meilleure perspective sur le monde. Je dis souvent que cette expérience africaine a fait de moi un meilleur Européen. C’est aisément explicable. Cette mise à distance me permet de mieux voir le monde – qu’il s’agisse de ma femme, de mon travail ou de ce que je lis dans le journal – et d’en percevoir lucidement le fonctionnement autant que les failles: l’importance persistante pour l’Europe de l’héritage des Lumières et de la Révolution française, mais aussi les problèmes qui se posent à notre continent. Ce que j’ai appris en Afrique m’a permis de devenir une personne meilleure, et donc, je l’espère, de vivre une vie meilleure. Grâce à l’Afrique, j’en sais davantage sur le monde.

Un exemple vous vient-il à l’esprit?

Le roman que je viens d’écrire s’appelle «le Chinois». Depuis quelque temps, je suis effrayé de voir comment les Chinois se comportent en Afrique. Ils me font l’effet de nouveaux colonisateurs, ce qui m’est d’autant plus pénible que j’ai grandi dans l’idée que la Chine aidait les pays africains à se libérer. Et si j’ai écrit ce livre, c’est parce que sur ces agissements je sais des choses que l’on ignore généralement. J’ai vu les Chinois à l’œuvre, au Mozambique et ailleurs en Afrique. La Chine a un problème de surpopulation rurale. Ses 200 millions de paysans ne cessent de s’appauvrir, et un jour ils risquent de se révolter et de «prendre la Bastille», c’est-à-dire de s’attaquer au Parti communiste. Les dirigeants chinois envisagent donc d’exporter le problème et de transplanter en Afrique les paysans les plus pauvres (pas moins de 4 millions d’entre eux!) pour qu’ils y cultivent la terre. C’est une forme terrible de colonisation, et c’est exactement ce qu’ont fait les Portugais autrefois au Mozambique.

On peut faire subir n’importe quoi aux pauvres. Et, bien sûr, les dirigeants du Mozambique tireront de cette politique chinoise un profit financier. Dans les années 1960, pendant mon adolescence, la Chine jouissait d’un immense prestige. Mao était parvenu à nourrir 1 milliard d’habitants. Mon prochain livre a donc aussi pour objet ma propre désillusion. Il y a cinq ans, la Chine a fait une donation au Mozambique, et en a profité pour y envoyer sa propre main-d’œuvre. Une rumeur a bientôt couru selon laquelle ces travailleurs chinois maltraitaient leurs homologues africains déjà sur place, mais le scandale a été étouffé. Cet incident a été pour moi un déclic: je me suis lancé dans des recherches en Chine et en Afrique qui ont abouti à ce livre.

Ce n’est pourtant pas le pétrole qui attire les Chinois au Mozambique.

Oui, il n’y a pas de pétrole, mais d’autres matières premières éveillent leur intérêt. La Chine manque de tout, notamment de matières premières. Elle voit aussi un moyen de résoudre ses problèmes en exportant massivement vers le marché africain. Si vous prenez l’avion de Johannesburg à Harare (Zimbabwe), vous constaterez que presque tous les passagers sont chinois. Ils sont en train de créer une situation sur laquelle les Africains n’ont aucun contrôle. De même, ils envoient en Algérie des milliers d’ouvriers, qui bien souvent étaient des prisonniers en Chine. Cela aussi, on l’ignore souvent. Ce livre, qui brasse beaucoup de questions, sera publié simultanément dans de nombreux pays en mai prochain, deux mois avant les jeux Olympiques de Pékin.

Vous dites: «Nous savons comment meurent les Africains, mais jamais comment ils vivent.»

Chaque fois que je reviens en Europe et que je regarde le journal télévisé, je ne vois que des images de mort. Mais les Africains vivent aussi: ils aiment, luttent, rêvent, travaillent. Et on n’en sait jamais rien. J’essaie donc d’offrir une autre image de l’Afrique que celle, majoritairement négative, véhiculée par les médias, auxquels j’en veux beaucoup. Pourquoi une telle situation? Aujourd’hui, l’Afrique ne représente pas grand-chose pour nous, économiquement et politiquement. Mais on a tort: dans ce contexte de mondialisation, on ne peut pas faire comme si l’Afrique n’existait pas. C’est un vaste malentendu. Et j’espère que les jeunes finiront par se révolter contre cet état de fait.

Quels sont les devoirs de l’Europe envers l’Afrique ?

Nous devrions d’abord faire en sorte que les Africains soient aussi bien nourris que le reste du monde. Si on demande où se trouve le centre de l’Europe, certains répondront Bruxelles (centre politique de l’Union européenne), Londres (centre économique et financier), Paris ou Berlin (en tant que foyers culturels). Pour moi, le centre symbolique de l’Europe, c’est la petite île de Lampedusa, au sud de l’Italie. Car c’est là qu’échouent chaque jour les cadavres d’immigrants clandestins venus d’Afrique. Je trouve ça dégueulasse [en français dans le texte]. Et ce scandale nous oblige à nous demander: pouvons-nous accepter un tel monde? N’y a-t-il pas un autre moyen d’envisager l’immigration? J’ai un rêve simple: construire un pont entre le Maroc et l’Espagne. Nous savons bien que nous avons besoin de ces immigrants.

Les immigrants et leur destin jouent un rôle important dans vos pièces de théâtre et vos romans.

C’est l’immigration qui a fait l’Europe. L’histoire européenne est une affaire d’immigration et d’émigration. Il y a un siècle, beaucoup de Suédois sont partis aux Etats-Unis en quête d’une vie meilleure, qu’ils y ont trouvée. Nous avons la mémoire courte! Les Européens conservateurs ont peur que les immigrants ne viennent leur piquer leur boulot. Foutaises! Ils viennent faire les boulots que nous ne voulons pas faire. Cette hostilité risque de nous poser des problèmes: dans vingt ans, quand nous serons très vieux, qui s’occupera de nous? Je place donc beaucoup d’espoir dans la jeunesse actuelle, car notre génération a perdu la bataille. Nous vivons dans un monde terrible, où les gens ne tirent aucune leçon de leur mémoire et de leur expérience. Je me demande ce que dirait Voltaire s’il voyait l’Europe d’aujourd’hui. Je crois qu’il s’exclamerait: «Il est grand temps de recommencer les Lumières!»

Quand vous retournez en Suède, comment voyez-vous l’évolution de votre pays ? Le modèle suédois, ce paradis social-démocrate d’Olof Palme, est-il un mythe ou une réalité ?

Je continue de croire que la Suède est une société juste, comparée à d’autres. Mais je suis conscient qu’elle est confrontée à des problèmes qui n’existaient pas il y a quinze ans. On assiste à une évolution dangereuse de l’Etat-providence. Certes, il était nécessaire de procéder à des réformes, mais beaucoup de celles-ci ont des effets négatifs. Je suis donc inquiet pour l’avenir. Même si aujourd’hui encore les immigrants qui arrivent en Suède se croient au paradis, en comparaison avec leur vie d’avant. Mais il faut veiller à ne pas perdre l’esprit de solidarité, qui est le fondement de notre société. Il faut être prêt à lutter pour le conserver.

Mais dans tous vos romans policiers la Suède n’a vraiment rien d’un paradis.

Ce paradis est un mythe créé par vous, et non par nous. Ce sont les étrangers qui ont été fascinés par ce «modèle suédois» et… par la blondeur des Suédoises! La Suède n’est pas responsable de la mythologie qui l’entoure. Et naturellement elle connaît son lot de problèmes, notamment celui que j’évoque dans mes livres: le rapport entre démocratie et système judiciaire. Si la justice dysfonctionne, la démocratie ne peut pas fonctionner. La Suède a connu de nombreux scandales, qui donnent à penser que la corruption et le crime organisé se développent. On constate même des tendances racistes, certes beaucoup moins prononcées que dans d’autres pays. Les Suédois ont suivi avec attention les émeutes dans les banlieues françaises. Nous n’en sommes pas encore là, mais cela risque d’arriver si nous ne sommes pas vigilants. Car la Suède a le même type de banlieues, exclusivement peuplées d’immigrés pauvres, et où le système éducatif est sacrifié.

Il y a quelques semaines a été organisé un voyage pour permettre à des adolescents des banlieues de Stockholm issus de l’immigration de découvrir la banlieue parisienne. A leur retour, ils ont tous déclaré qu’ils étaient mieux lotis! Mais il faut prendre garde. Le problème majeur est un problème de pauvreté, à la fois économique et culturelle. L’Europe tout entière souffre aujourd’hui d’ignorance. Il nous faut une nouvelle ère des Lumières, une nouvelle Renaissance. Je suis effaré par le manque de culture des adolescents. Un jeune Suédois récemment interrogé sur les causes de la Seconde Guerre mondiale a répondu que Hitler et Staline se disputaient Marilyn Monroe! C’est très drôle, mais c’est aussi consternant… Les jeunes ne comprennent pas que la démocratie peut être menacée par un retour du fascisme.

En quoi vos romans policiers sont-ils un bon miroir de la société suédoise?

Je crois que le recours à une intrigue criminelle est l’un des plus anciens procédés littéraires. Il suffit de penser à «Médée», une pièce écrite il y a 2500 ans, où l’héroïne tue ses enfants par jalousie. C’est un polar ou je ne m’y connais pas! Quand on me demande quelle est la meilleure intrigue policière jamais écrite, je réponds toujours «Macbeth». Le crime comme miroir de la société ne date donc pas d’Edgar Poe ou de Conan Doyle. Un crime, un conflit mortel agit comme un révélateur des pensées des personnages, des réactions de la société. Et puis, tout le monde aime lire un bon polar! L’intrigue criminelle est un bon moyen de capter l’attention du lecteur, de séduire les jeunes de banlieue par exemple. En Suède, j’ai beaucoup de lecteurs parmi les immigrants récents. Et j’en suis ravi, car cela veut dire que mes livres les aident à apprendre le suédois. Je suis convaincu que dans vingt ou trente ans un auteur de romans policiers finira par recevoir le prix Nobel. C’est un genre tellement vivant! Et qui oserait nier qu’un auteur comme John le Carré nous apprend des choses importantes sur notre monde?

Votre vie littéraire est très variée: vous écrivez des romans policiers, des romans «littéraires», des pièces de théâtre, des livres pour enfants. En outre, vous êtes éditeur et directeur de théâtre en Afrique. Comment parvenez-vous à concilier toutes ces activités ?

Je travaille beaucoup! Une journée n’a que vingt-quatre heures, et il est impossible d’emprunter cinq ans de vie à quelqu’un d’autre… La seule solution, c’est donc de décider ce qu’on ne va pas faire. Par exemple, si chaque jour je regarde la télévision une heure de moins que le reste des gens, cela me fait gagner 365 heures par an, ce qui laisse le temps de faire beaucoup d’autres choses. Un écrivain doit aimer tous ses livres d’un même amour, comme un parent aime ses enfants. Il ne peut en renier aucun. Et je crois profondément que tous mes livres ont un air de famille.

Vous définiriez-vous comme un écrivain engagé ?

Oui! Pour moi, c’est une évidence. Quand je me réveille le matin, je sais que je vais me retrouver dans un monde dont je ne peux pas faire abstraction. Un exemple: aujourd’hui, nous sommes en train de parler littérature, alors qu’il y a dans le monde des millions d’enfants qui n’auront jamais la possibilité d’apprendre à lire et à écrire. Pour eux, un livre n’est rien. C’est terrible. Mais le plus terrible, c’est que nous aurions pu remédier à ce problème depuis des années. Il y a deux ou trois ans, une organisation britannique, je crois, a évalué le coût d’une éradication complète de l’analphabétisme. Cela reviendrait très cher, mais pas plus cher que ce que nous dépensons chaque année en nourriture pour chats et pour chiens… Cela me révolte de penser que des millions d’enfants ne connaîtront jamais cette expérience merveilleuse qu’est la lecture. L’analphabétisme est une épidémie au même titre que le sida.

A Maputo, vous êtes metteur en scène du théâtre Avenida. Quel est votre répertoire ?

En ce moment, je monte «Un tramway nommé Désir» de Tennessee Williams. Je conserve le décor de La Nouvelle-Orléans, mais je transpose l’action au sein d’une famille noire, en 1995. La première aura lieu le 3 février. Il m’arrive de mettre en scène des tragédies grecques, mais comme 75% des spectateurs ne savent ni lire ni écrire, il ne faut pas leur imposer des intrigues trop liées à une autre tradition culturelle. Je pourrais très bien monter «Hamlet»: nous disposons des acteurs appropriés. Mais le public a besoin de connaître sa propre histoire. Voilà pourquoi j’écris beaucoup des pièces que nous montons.

Dans votre roman «Profondeurs», publié cette semaine en France, comme dans toute votre œuvre, les personnages sont souvent dépressifs. Appartenez-vous à cette tradition scandinave de la mélancolie et de l’anxiété, de Strindberg à Hamsun?

Si vous voulez de la littérature vraiment mélancolique, allez voir au Portugal ! Je ne suis pas sûr que la mélancolie soit un trait dominant de la culture suédoise ou scandinave. C’est un mythe propagé par les films de mon beau-père, Ingmar Bergman. Il disait souvent, pour rire, que tout ça était de sa faute! Mais il existe une mélancolie inhérente à l’Europe qui aujourd’hui se cherche une identité nouvelle.

De quoi parliez-vous avec Bergman ?

Nous étions très proches, très complices. Les dernières années, j’étais l’une des rares personnes avec lesquelles il restait en contact. Nous parlions beaucoup, le plus souvent de musique. On peut parler musique de mille façons différentes. Et il avait un petit cinéma pour lui tout seul. Nous avons dû regarder ensemble quelque 150 films: des classiques muets aussi bien que des films récents. C’était toujours passionnant d’écouter ses commentaires. Il était le premier lecteur de mes pièces. Il me manque beaucoup.

Avez-vous un souvenir à l’esprit?

Il était très heureux que, comme lui, j’aime «l’Heure du loup», un de ses films les plus méconnus, les plus mal-aimés. Je crois que je représentais pour lui le frère qu’il n’avait jamais eu. La dernière fois que je l’ai vu, c’était quelques jours avant sa mort. Je savais qu’il était mourant. Et de fait, il est mort à l’heure du loup, entre 4 et 5 heures du matin, l’heure à laquelle, dit-on, les gens naissent ou meurent.

La musique joue un rôle important dans votre vie.

Je rêve toujours d’écrire comme jouait Charlie Parker. Dans ses solos, il savait toujours où il allait, et c’est justement cela qui lui permettait d’improviser. J’ai beaucoup appris sur l’écriture grâce au Bird, à Coltrane, mais aussi à Bach. Ils ont été une inspiration en matière de technique littéraire. Pour moi, écouter de la musique est toujours source de réflexion.

Quels sont les trois livres que vous emporteriez sur une île déserte ?

On vient de célébrer le cinquantenaire du prix Nobel de Camus. Il a été un auteur très important pour moi, quand j’étais jeune. Et je le relis encore quelquefois, moins pour les histoires que pour sa façon de les raconter. Que serait le monde sans les écrivains français? L’un de ceux qui ont le plus influencé ma vie, c’est Balzac. Cela fait au moins trente ans qu’il m’accompagne. Son talent pour évoquer la société reste unique et inégalé. En matière de prose narrative, le maître absolu, c’est lui. Je choisirais dans son œuvre «les Paysans». Et j’emporterais sans doute «Cent Ans de solitude» de Gabriel García Márquez, un livre capital. Et si l’on veut comprendre ce que c’est qu’être humain, je prendrais «Crime et châtiment» de Dostoïevski. Enfin, si j’ai droit à un quatrième livre, écrit par un auteur vivant, je choisirais «Sourires de loup» de Zadie Smith, qui me paraît marquer le début d’une œuvre.

Propos recueillis par François Armanet et Gilles Anquetil

Bio

Né le 3 février 1948 à Stockholm, mort le 5 octobre 2015 à Göteborg, Henning Mankell est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages traduits en 27 langues, dont la célèbre série consacrée à l’inspecteur Kurt Wallander. Toute son œuvre est publiée au Seuil.

Source: «Le Nouvel Observateur» du 10 janvier 2008.

François Fillon contre l’exclusion de Morano

Tous les soirs, coulisses, brèves, choses vues et entendues par les journalistes de Libération, et pas lues ailleurs.

Punir Morano ? Fillon n’est pas chaud

Le cas Morano sera tranché mercredi par la Commission nationale d’investiture (CNI) du parti Les Républicains (LR). Plusieurs élus ne sont pas chauds pour voter l’exclusion de l’ex-ministre de la liste LR-UDI aux régionales en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes. Hostile à «tous les procès en sorcellerie», François Fillon fait savoir qu’il ne soutient pas cette sanction, demandée par Nicolas Sarkozy.

Réchauffement et rafraîchissement à l’Elysée  

Le président de la République, François Hollande, lors d'une conférence de presse le 23 septembre 2015, à Bruxelles.«Les cours d’histoire c’est bien, mais il faudrait aussi des cours de futur et d’avenir.» C’est l’une des propositions transmises à François Hollande par quinze lycéens du Gers, âgés de 15 ans, de retour du cercle polaire. Le chef de l’Etat recevait ce lundi après-midi ces jeunes «ambassadeurs du climat» qui viennent de passer quatre jours sur l’archipel du Svalbard, en Norvège pour parler écologie, réchauffement climatique et COP21. «Les Etats privilégient l’économie, mais y-a-t-il une économie sans planète ?» lui a demandé Amandine. «On n’a pas d’autre planète, c’est vrai», a acquiescé le chef de l’Etat, qui ne veut plus «faire passer la question climatique après les autres» car «plus c’est tard plus c’est cher».

«Bleu blanc rouge», une étiquette très disputée

Former vice-president of the far-right Front National (FN) party Jean-Claude Martinez attends a press conference on July 11, 2013 to present a political initiative for the 2014 European elections aimed at defending "Family" and "Life". AFP PHOTO / MIGUEL MEDINAExclu fin août du Front national, Jean-Marie Le Pen avait annoncé le lancement prochain d’un nouveau mouvement : le «Rassemblement Bleu Blanc Rouge», destiné à réunir les marino-sceptiques de tout poil. Le label avait déjà été déposé par Nicolas Dupont-Aignan. Pas de quoi décourager un vieux compagnon de Jean-Marie Le Pen : Jean-Claude Martinez. Cet ancien député frontiste, qui a rompu avec le mouvement en 2008, a déposé la marque «Maison Bleu Blanc Rouge». «Dès que j’ai entendu Jean-Marie en parler, je me suis dit : si on le dépose pas on va se faire baiser, explique-t-il. Je n’en ai pas encore discuté avec lui, mais je suis prêt à l’aider.» L’étiquette connaîtra son baptême du feu à l’occasion des élections régionales de décembre, où Martinez sera candidat en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, tout comme l’ex-frontiste Jacques Bompard en Paca. Les affiches des deux hommes devraient porter la mention «soutenu par la Maison Bleu Blanc Rouge».

Burn out : Benoît Hamon veut aller jusqu’au bout

L'ex-ministre de l'Education nationale, Benoît Hamon, le 27 août 2014 à Paris.Benoît Hamon n’a pas lâché sa proposition de loi pour reconnaître le burn out comme maladie professionnelle. Pour l’instant, le gouvernement a gentiment enterré le dossier. Mais Hamon a repris sa plume : il a écrit à la nouvelle ministre du travail, Myriam El Khomri, pour vendre son idée. Et en attendant une réponse, il va envoyer une nouvelle missive à Manuel Valls et François Hollande.

Un député PS veut souffler les 110 bougies de la loi de 1905

French MP and rapporteur Philippe Doucet delivers a speech during the presentation of a report on the status of local representatives on June 19, 2013 at the National Assembly in Paris. AFP PHOTO / MIGUEL MEDINALa date du 9 décembre, qui correspond aux 110 ans de la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, n’a pas échappé aux socialistes. En vue de l’anniversaire, le député du Val-d’Oise, Philippe Doucet, chargé de ces questions pour le PS et le groupe parlementaire, planche sur une proposition de résolution – texte à valeur symbolique – instituant une «charte de la laïcité». L’idée étant de rendre intelligible par tous les grands principes de la loi de 1905. Et Doucet ne s’en cache pas, il ne veut pas laisser ce thème au FN. Ce «vallsiste» a rencontré les représentants des grandes religions, «y compris les bouddhistes», et des loges de franc-maçons. Avant de prendre langue avec les autres partis : il va contacter Thierry Solère, Gérald Darmanin et Henri Guaino pour LR. Un groupe de travail PS à l’Assemblée doit boucler ses travaux fin octobre.

Photos AFP

Le parquet demande le renvoi aux assises d’Abdelhakim Dekhar, le tireur présumé de «Libé»

Le parquet de Paris a demandé le renvoi aux assises d’Abdelhakim Dekhar pour des tentatives d’assassinats à BFMTV, Libération et à La Défense il y a près de deux ans. Un jeune assistant photographe de Libé, César, avait été gravement blessé le 18 novembre au siège du journal. Ces attaques avaient entraîné une vaste traque dans Paris. Le 20 novembre, grâce au témoignage décisif de l’homme qui hébergeait Dekhar à son domicile de Courbevoie (Hauts-de-Seine), il avait été interpellé dans un véhicule garé dans un parking de la ville voisine de Bois-Colombes.

A lire aussi : le témoignage de César, le jeune assistant photographe de «Libé»

Dekhar est aussi soupçonné d’avoir fait irruption le 15 novembre 2013 au siège de BFMTV, où, armé d’un fusil à pompe, il n’avait pas ouvert le feu, et d’avoir tiré plusieurs coups de feu devant le siège de la Société générale dans le quartier des affaires de La Défense, après son passage à Libération. Le parquet demande également son renvoi aux assises pour la brève prise d’otages qui avait suivi lorsqu’un automobiliste avait été contraint de le conduire jusqu’à la place de l’Etoile à Paris.

A lire aussi :le récit de la journée du 18 novembre 2013

Au moment de son interpellation, le suspect était à moitié inconscient, et la prise de médicaments laissait penser à une tentative de suicide. Dans une lettre, il évoquait de manière confuse l’existence d’un complot fasciste et s’en prenait à l’action des médias, des banques et la politique des banlieues. Dekhar s’était d’abord muré dans le silence, disant ne pas se souvenir des faits. Au cours de l’enquête, sa position a changé. Il a alors affirmé qu’il avait agi pour «frapper les esprits» mais qu’il n’avait jamais eu l’intention de tuer.

A lire aussi : le compte rendu des «aberrations de Dekhar»

Lorsqu’il a été arrêté, Abdelhakim Dekhar n’était pas un inconnu de la justice. Il avait été condamné en 1998 à quatre ans de prison pour avoir acheté le fusil à pompe qui avait servi à Florence Rey et Audry Maupin en 1994. L’équipée sanglante de ce jeune couple, qui fréquentait les milieux d’ultra-gauche, avait fait cinq morts dans Paris : trois policiers, un chauffeur de taxi et Audry Maupin. Après sa sortie de prison, il avait notamment séjourné en Angleterre.

LIBERATION

Onfray : « Mon problème, c’est ceux qui rendent Marine Le Pen possible »

Accusé de complaisance à l’égard de l’extrême droite, Michel Onfray semble prendre un malin plaisir à se retrouver au cœur de la mêlée. Au nom d’une légitime colère contre les injustices ? Ou d’un ressentiment contre des élites qu’il ne cesse de dénoncer? Interview.

L’Obs. Etes-vous vraiment pour une alliance entre les souverainistes de tous bords, du parti de Marine Le Pen à celui de Jean-Luc Mélenchon ?

Michel Onfray. J’ai moins le souci de ces deux-là que des électeurs souverainistes qu’on trouve disséminés à droite et à gauche. Je connais des gens de la France d’en bas qui votaient jadis à l’extrême gauche et qui soutiennent maintenant Marine Le Pen. D’anciens communistes, d’anciens cégétistes aussi.

C’est fini, l’époque où l’on passait sa vie avec le même parti. On était marié avec la droite, marié avec la gauche, on votait gaulliste, on mangeait communiste… L’électorat est devenu volatil. Il faudrait qu’en dehors des partis les souverainistes se retrouvent autour d’une figure issue de la société civile.

Vous, par exemple ?

On me le demande beaucoup, mais, non, je suis incompétent. Des gens de la mouvance de la gauche radicale m’ont déjà proposé d’être candidat aux présidentielles après m’avoir fait passer un examen dans le jardin d’un hôtel parisien. Ce qui m’a fait rire…

Je connais mes limites. Je ne vais pas me lancer dans un combat qui exige des compétences que je n’ai pas. Et puis la politique, c’est l’art du mensonge et de la compromission, je ne cours pas après ça.

« On ne dégonflera pas le phénomène Marine Le Pen en la comparant à Hitler ! »

Existe-t-il un souverainisme de gauche ?

Les souverainistes veulent recouvrer leur liberté d’agir. Qu’est-ce qu’un être souverain ? Quelqu’un qui n’est pas un esclave. Comment dès lors en est-on arrivé à ce retournement sémantique qui fait que «souverainiste» est aujourd’hui devenu une épithète infamante? Désormais, quand on parle du peuple, on est populiste ; quand on parle de démocratie, on est démagogue ; quand on parle de souverainisme, on est un vichyste.

Que s’est-il passé après 25 ans de droite et de gauche libérale au pouvoir pour qu’on en arrive au point qu’on préfère la servitude libérale à la liberté libertaire? Oui, il existe un souverainisme de gauche qui, hors parti, veut que la France recouvre sa liberté d’agir pour vouloir une politique en faveur des plus modestes.

Mais sur l’islam, par exemple, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont loin d’être d’accord…

En effet, cette question les sépare vraiment : pour elle, c’est un danger; pour lui, c’est une chance.

Et pour vous ?

Ni l’un ni l’autre. Je suis athée. Il faut faire une lecture exégétique du Coran, dans lequel on trouve de quoi justifier le meilleur et le pire. Evidemment, suivant l’imam, suivant le musulman, suivant le pays qui prélève telle ou telle sourate, vous aurez un islam plus ou moins compatible avec la république.

Dans les Evangiles aussi, vous trouvez le pire et son contraire. Dans celui de Luc, Jésus dit [de ses ennemis, NDLR] : «Egorgez-les tous devant moi» (19-27). Avec Jésus, vous pouvez obtenir la douceur et la compassion de François d’Assise tout autant que la violence et l’extermination chez Bernard de Clairvaux, le théologien des croisades. C’est le même Evangile!

Il y a deux façons d’être chrétien, comme il y a deux façons d’être musulman. Il y a des moments où l’islam peut être un danger, et d’autres non. Quand il est compatible avec les valeurs de la république, l’islam est une chance ; mais pas quand il se révèle incompatible avec la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, le féminisme.

Selon vous, Marine Le Pen ne constitue pas un danger?

Mon problème n’est pas Marine Le Pen, mais ceux qui la rendent possible. Vous connaissez l’histoire du sage qui montre la lune et de l’imbécile qui regarde le doigt… Nombreux sont ceux qui regardent le doigt aujourd’hui. Pourquoi en est-elle là? A cause de la misère, de la pauvreté, du chômage, des promesses non tenues, des résultats de référendums mis à la poubelle, à cause du mensonge dans la classe politique, de la connivence dans le journalisme avec ce monde-là, à cause de la corruption dans l’Etat. On ne dégonflera pas le phénomène Marine Le Pen en la comparant à Hitler !

En revanche, nommer deux fois à la tête du PS des gens deux fois condamnés, oui, j’affirme que ce genre de signe, entre autres, fait le jeu du Front national. Tous ceux qui la rendent possible ont intérêt à dire que c’est elle qu’il faut regarder et non eux qui la rendent possible.

Comment luttez-vous contre le Front national ?

Depuis 2002, je lutte contre les idées qu’il véhicule. J’ai créé les universités populaires comme une machine de guerre contre les idées du Front national. Ainsi, je fais mon boulot de philosophe. De même quand je dis que c’est en bombardant des pays musulmans depuis 1991 qu’on a créé le terrorisme et que ce n’est pas en continuant qu’on le supprimera.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les dix ans d’embargo en Irak ont fait 50.000 morts parmi les enfants de moins de cinq ans. Des morts qu’on ne voit pas à la télévision, mais qui existent tout de même. Quand la France et ses alliés rasent un village de 500 personnes pour tuer deux djihadistes, il est compréhensible que l’Occident suscite une haine contre lui chez les musulmans de la planète.

Il nous faut établir des liens de causalité là où l’émotion et la propagande d’Etat font la loi. Notre politique étrangère vis-à-vis des pays musulmans est belliqueuse : il serait facile de renoncer à cette politique pour assécher ce qui nourrit le terrorisme en France.

Propos recueillis par Elsa Vigoureux

Entretien paru dans le dossier Michel Onfray de « L’Obs » du 1er octobre 2015.

« Ta batterie » : Renaud revient sur l’album de Grand Corps Malade

Comme L’Obs vous l’avait annoncé dès le 15 septembre, Renaud fait son come-back avec Grand Corps Malade. Le génial auteur-interprète de Mistral Gagnant est en effet sorti de son silence pour collaborer au nouvel album du roi du slam intitulé « Il nous restera ça« , dont la sortie est prévue le 23 octobre. Et on en sait aujourd’hui un peu plus sur cette collaboration.

Figurant au casting de cet album où interviennent une dizaine d’autres artistes (Charles Aznavour, Hubert-Félix Thiéfaine, Richard Bohringer, Lino ou encore Erik Orsenna) sur invitation du toi du slam, Renaud interprète pour sa part un morceau intitulé Ta Batterie.

Un titre que Le Parisien a pu écouter en exclusivité. Evénement en soi, car aucun enregistrement de « la chetron sauvage » n’avait été dévoilé depuis 2009. Le quotidien explique qu’encore une fois, Renaud s’adresse à l’enfance, et en particulier à son fils Malone pour lui dire et chanter d’une voix « grave » et « fragile », sur fond de piano :

C’était ton anniversaire / Tu voulais une batterie / Une grosse caisse, une caisse claire / Tu voulais faire du bruit / Tape, tape, sur tes tambours / Tape, Malone, sur mon amour.

Un texte qui est le sien, mais où il presque a respecté le défi lancé au collectif d’interprètes de Grand Corps Malade, à savoir y intégrer la phrase : »Il nous restera ça ».

Car, comme l’explique Le Parisien, « dans la chanson de Renaud, elle devient : « Oui, tapes comme un sourd, il me restera ça« . Non sans qu’il mette en garde – poétiquement- son enfant contre les écueils qui l’ont tant blessé lui-même avec ces mots :

Tu voulais faire du bruit / Comme j’en ai fait parfois / Ca m’a bouffé la vie / Fais gaffe à tes petits doigts.

Avant de faire le constat de son trop long silence (en attendant son propre album, en préparation) et, encore une fois, de livrer les conseils d’un papa cabossé par la vie :

Moi je ne fais plus beaucoup de bruit / Tu l’as remarqué déjà / Oublie tous les vautours / Ton papa est bien là.

Bel augure pour le retour de Renaud qui a bien dû admettre, devant Grand Corps Malade : « Finalement, ce n’est pas si dur d’écrire une chanson« . Une chanson, peut-être. Mais avec l’exigence et le talent de Renaud, c’est une autre paire de manches…

Jean-Frédéric Tronche

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