Mois : novembre 2015

« Spectre » : Il est bon, le Bond

He is back ! En deux heures et demie, il a le temps de casser deux hélicos, un avion, quelques Range Rover, une Maserati, un wagon-restaurant, de voir exploser le bâtiment des services secrets, grand comme le palais de Ceausescu, d’agacer ses supérieurs, de se faire injecter du smart blood (du sang avec des nanopuces), de se faire forer deux trous dans le crâne, de subir les sarcasmes de Franz Oberhauser alias Blofeld, de bazarder un colosse par la porte du train, de séduire trois créatures, dont la sublime Lucia (Monica Bellucci). Il a le diable dans la peau, Bond, James Bond. Comme le dit le méchant :

Vous êtes un cerf-volant dansant dans la tempête. »

Résultat : un 007 d’excellente cuvée, un poil moins spectaculaire que « Skyfall », mais nettement plus réjouissant que les versions avec les sourires paresseux de Roger Moore ou les mines tragiques de Timothy Dalton. Au moins, quand Daniel Craig balance un bourre-pif, on y croit.

Pour ce 24 opus (on ne compte pas les versions non estampillées par EON Productions), notre agent secret part sur la piste d’une organisation mystérieuse, Spectre, dont le but est le piratage des données de neuf pays, pour la domination mondiale. Daech, à côté, c’est une blague. Boko Haram, une crotte de mouche.

La Foire du Trône de l’espionnage

Spectre, c’est du lourd. D’autant plus que le big boss a des liens familiaux avec Bond (je ne vous en dis pas plus) et que tous les personnages des films précédents étaient pris dans les mêmes tentacules (juste pour qu’on comprenne bien, le générique est truffé de pieuvres). Mais rassurez-vous : James sauve la Couronne et, accessoirement, la planète.

Filmé avec malice par Sam Mendes (« American Beauty »), ce « 007 Spectre » démarre lors du jour des Morts à Mexico – c’est spectaculaire –, continue à Tanger, dans un bar louche, se poursuit à Rome et se termine dans le désert marocain. Entre-temps, James a quand même réussi à jeter sa bagnole (qui vaut trois millions de livres sterling) dans la Tamise.

Bref, tout est là : la luxueuse chanson du générique, le thème musical, l’exotisme, l’érotisme soft, la violence, la castagne, les belles montres, la paranoïa, l’univers de conte de fées. « 007 Spectre » est le film fun ultime, la Foire du Trône de l’espionnage, et, pour James Bond, c’est une sorte de Parc-aux-Cerfs où les filles attendent son bon plaisir. 007 est donc un cerf ? Volant, parfois.

François Forestier

♥♥♥ « 007 Spectre » , par Sam Mendes. Film d’action américain, avec Daniel Craig, Christoph Waltz, Léa Seydoux, Monica Bellucci (2h30).

XXI – Lidya – Allez Monsieur, il ne vous reste plus qu’une station

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Ce seul moment où nous nous regardons, c’est celui là, cette situation là. 

Nous ne parlerons pas à la terrasse d’un café, nous n’échangerons jamais autrement que dans le lieu de la photographie . Sans doute est ce l’endroit le plus naturel pour être avec quelqu’un.

Car le naturel , c’est ce moment là, dans quel autre élément , vous me donnez plus de temps et d’attention là que dans n’importe quelle autre situation, vous êtes avec moi plus longtemps que je pourrais vous accaparer.

– Allez Monsieur, il ne vous reste plus qu’une station pour me photographier.

© Bruno Levy

 

Glucksmann était « capable de dévaster un studio de télévision par la colère »

Encore les dates, ces bonnes vieilles dates, nos béquilles: Censier 1974, à la vitrine du libraire d’en face, entre deux numéros de «Tel Quel», la tête triste, médicale, de Soljenitsyne et celle, beatnik, d’André Glucksmann. «L’Archipel du Goulag», «La cuisinière et le mangeur d’hommes». Deux livres pour entrer dans mon époque. Ou plus exactement : deux livres pour vivre mon époque.

Mai avait passé, nous n’aurions pas vingt ans avec Sartre, mais avec les zeks de «l’Archipel». J’avais vu, de ma petite fenêtre donnant sur le cimetière Montparnasse, les funérailles de l’auteur des «Mots», dernier acte du XIXème siècle révolutionnaire. Avec Soljenitsyne a commencé la suite, celle-là même où nous sommes encore.

Et André Glucksmann aura incarné dans cette histoire non encore racontée en son fond véritable, métaphysique, la figure de l’intercesseur. Le philosophe de Clausewitz, le commentateur du «Petit livre rouge» pour qui Mao offrait – aussi étrange que cela paraisse aujourd’hui une porte de sortie hors de la gangue stalinienne, le beatnik de la GP tombe sur «L’Archipel».

Soudain, ce n’est plus le «militant» qui mène la danse en mettant un chloroforme à ses doutes intimes, car il y a quelqu’un d’autre dans la pièce, qui regarde en face, comme la vérité devant le mensonge. Le zek de «l’Archipel» a quelque chose à dire, son livre sous le bras. Glucksmann, ici, est l’homme qui demande qu’on écoute ce que le miséreux du cercle polaire a de si important à raconter.

Pour l’étudiant que j’étais alors, cette lecture de «Soljé via Glucks», fut une sorte d’acte inaugural, intellectuel, littéraire. Tout a commencé là pour moi. Pas un mot écrit, depuis, qui ne soit redevable à cette prodigieuse leçon de vérité sur soi-même. Depuis, j’ai souvent relu et m’y plonge encore régulièrement, des pages au hasard de «l’Archipel». Et toujours, je crois entendre en surimpression cette voix de converti qu’avait Glucksmann, capable de dévaster un studio de télévision par la colère, l’impatience de faire lire ce qui avait changé sa vie.

On a beaucoup moqué l’invention des «nouveaux philosophes», on a ri de ces colères médiatiques. Les faits, pourtant, sont têtus : si Glucksmann, et avec lui un Clavel, un Bernard-Henri Lévy, un Christian Jambet, n’avaient pas si vigoureusement secoué le cocotier, nous en serions encore aux gloses d’une vieille gauche radicalo-stalinienne. Ces gloses n’ont d’ailleurs pas disparu tout à fait, l’onde de choc n’a pas fini sa trajectoire. Il y a encore du travail. Il va simplement falloir faire sans Glucks.

Son dernier livre, un hommage à Voltaire, prenait de plein fouet la nouvelle doxa du prétendu politiquement incorrect, celle-là même dont se drapent les nouveaux imposteurs de la prétendue scène intellectuelle. Il reprenait le sabre de combat, en hommage à son grand-père réfugié sur les routes de l’Europe nazie.

Glucksmann ne se laissait pas intimider par ces bonnes raisons que l’on ne cesse de trouver, le plus normalement du monde, à la mise à mort de la charité. Un assassinat de civilisation. La charité est un acte essentiel d’essence biblique, par lequel on témoigne de la prééminence du plus pauvre, quelle que soit la situation. C’est ce que Glucksmann appelait la morale d’«extrême urgence», appliquant aux guerres contemporaines ces fruits de lecture où le nom d’Emmanuel Levinas prend place au premier rang.

On rit beaucoup, aujourd’hui, chez Mr Ruquier, de ces fadaises éthiques, «droitdel’hommistes». Ceux qui rient aujourd’hui de ces colères démodées ont sur eux le rictus de l’éternelle lâcheté. Qu’André Glucksmann ne voie pas cela nous sert ici d’amère consolation.

Michel Crépu

Rédacteur en chef de la «NRF»

Le site internet de la «NRF»

VIDÉO. La polémique d’André Glucksmann avec Francis Cohen de « l’Humanité »

(« Apostrophes », 24 juin 1974)

VIDÉO. André Glucksmann à propos de la contestation

(« Apostrophes », 24 juin 1974)

Autour de la mort d’André Glucksmann

> Le philosophe André Glucksmann est mort

> André Glucksmann par Michel Foucault

> André Glucksmann, ce que je lui dois, par Michel Crépu

> Le testament philosophique d’André Glucksmann, par Pascal Bruckner

> ENTRETIEN. Quand Glucksmann analysait le nihilisme contemporain

> ENQUÊTE. Que reste-t-il des « nouveaux philosophes »?

> 40 ans après, l’incroyable histoire de « l’Archipel du Goulag »

> DOSSIER. En 2015, qui sont les intellectuels de gauche?

PHOTOS. André Glucksmann, un pourfendeur du totalitarisme

PHOTOS. André Glucksmann : retour sur la vie du

Le philosophe avec son fils Raphaël Glucksmann. C’est ce dernier, sur Facebook, qui a annoncé son décès. « Mon premier et meilleur ami n’est plus. J’ai eu la chance incroyable de connaître, rire, débattre, voyager, jouer, tout faire et ne rien faire du tout avec un homme aussi bon et aussi génial. Voilà, mon père est mort hier soir. »

(LEVY BRUNO/SIPA)

Cohn-Bendit: «On ne se brouille pas avec André Glucksmann, on discute»

Réactions à la mort d’André Glucksmann, survenue dans la nuit de lundi à mardi.

 

Daniel Cohn-Bendit : «On s’est rencontrés en Mai 68 et on ne s’est plus quitté»

«Avec André, on s’est rencontrés en 1968 et on ne s’est plus quitté. Nous avons toujours eu une relation d’amitié très profonde. Aujourd’hui, il faudrait en parler au passé, mais j’ai du mal. Nos liens ont été constants, sans jamais de rupture. Quand j’étais interdit de séjour en France, il venait me voir en Allemagne. Un jour, le président Valéry Giscard d’Estaing a invité à l’Elysée les «nouveaux philosophes» dont il était. Dans une lettre ouverte publiée dans le Monde, André à dit « non, je ne viendrais pas déjeuner avec vous tant que vous n’aurez pas levé l’interdiction de séjour de Dany ». BHL, lui, y est allé pour plaider ma cause. Giscard est intervenu pour lever l’interdiction.

«Avec André, on n’a pas toujours été d’accord. Mais on s’est toujours retrouvé sur l’antitotalitarisme, on a défendu ensemble les boat people. Sur la Bosnie aussi, on était exactement sur les mêmes positions.

«Ce qui est fascinant chez André, même s’il est péremptoire, c’est que la radicalité de sa pensée lui permet de surmonter, voir de modifier ses positions. Quand il a rompu avec le maoïsme, et s’est inscrit dans le courant des « nouveaux philosophes », moi qui étais libertaire, je lui ai dit bienvenue au club. En 2007, il soutient Sarkozy. Mais quand ce dernier dit des bêtises sur Mai 1968, André écrit un livre pour dénoncer ces bêtises. Quand Sarkozy dit des insanités sur les Roms, André publie un texte pour les défendre. Quand Sarkozy vend des frégates à Poutine, il le condamne publiquement. 

«Il y a dans notre société médiatique quelque chose de profondément regrettable. En septembre 2014, André a publié un livre intitulé Voltaire contre-attaque, un livre prémonitoire six mois avant les attentats de Charlie. Ça n’a intéressé personne : il était déjà très malade, et il ne pouvait plus débattre sur les plateaux télé…

«André est un être gentil et doux. On ne se brouille pas avec lui. On discute. Sa mort, je m’y attendais, il était très faible, il en avait marre, c’était dur. Mais quand je l’ai apprise hier soir, cela m’a fait un choc. J’ai dit à ma femme : « Voilà on ne pourra plus discuter. Il manque un maillon dans la chaîne du débat. » Ce maillon, il ne sera plus jamais là. Et ça me rend profondément triste.

«André est mort le 9 novembre. Vous savez ce que c’est que le 9 novembre ? C’est 77 ans après la nuit de Cristal en Allemagne et les premiers pogroms contre les juifs, c’est 26 ans après la chute du mur de Berlin. Il est mort un jour symbolique qui recadre sa vie et sa pensée.»  Recueilli par N.R

Romain Goupil : «Un intellectuel capable de penser contre lui-même»

«André Glucksmann était un érudit, un philosophe, un intellectuel… Mais surtout un penseur capable de penser contre lui-même, acceptant de prendre des risques, de se tromper, de ne pas toujours avoir raison et de le dire.»

«Dans les années 70, lui comme nous étions beaucoup à croire en des jours meilleurs. C’était l’époque il ne fallait pas désespérer Billancourt, où il fallait se taire pour atteindre un but ultime. Mais lui a tout remis en cause en dénonçant une immense supercherie que l’on payait en drames humains. Il faut se souvenir que cela a provoqué une fracture incroyable.»

«Il n’a cessé de lutter contre l’Etat totalitaire et de porter ce devoir d’humanité, avec les boat people, Sarajevo… Il était capable de mobiliser beaucoup de monde pour les combats qu’il estimait devoir mener. Nous étions parfois seuls comme sur l’Irak. Et Il était tout seul à soutenir Sarko. Mais là encore, il a été capable d’écouter et revenir sur ce soutien pour défendre les Roms.»

«Aujourd’hui, au moment où sont présentés comme intellectuels des représentants d’une France rance et repliée sur elle-même, au moment où nous nous battons contre l’indignité que représente la Jungle de Calais, cette voix universaliste, qui était celle d’André, nous manque.»

Sarkozy voit se tourner «une page de la pensée française»

L’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy a rendu un hommage superlatif à André Glucksmann celui dont l’amitié l’«honorait». Du «philosophe» soixante-huitard, il évoque «l’engagement maoïste au début des années 1960» puis «la dénonciation du marxisme comme théorie totalitaire». Selon lui, il aurait ainsi démontré«que l’idéologie ne pouvait pas toujours museler la pensée et que la philosophie ne pouvait pas servir de garantie a des systèmes politiques inhumains». Sarkozy célèbre la «lucidité intellectuelle» d’un intellectuel qui n’aurait «jamais cessé de dénoncer ces maîtres à penser prêts à cautionner le pire». Cette «amitié» entre Sarkozy et Glucksmann remonte à février 2007, quand l’auteur des Maîtres-penseurs choisi de soutenir le président de l’UMP contre la socialiste Ségolène Royal à l’élection présidentielle. André Glucksmann fondait alors sa décision sur les questions internationales, notamment la Tchétchénie. Avec ses déclarations anti-Poutine, Sarkozy opérait à ses yeux une «rupture» salutaire avec Jacques Chirac qui disait son amitié pour son homologue russe. L’ex-nouveau philosophe a dû déchanter dès 2009, quand l’ancien chef de l’Etat a mangé son chapeau zen allant signer, à Moscou, le contrat de vente des navires de guerre français de type Mistral. Il avait expliqué sa déception à Libération en 2012. A.A.

Hollande : «Il ne se résignait pas à la fatalité des guerres et des massacres»

Dans un communiqué, l’Elysée a estimé qu’André Glucksmann «portait en lui tous les drames du XXe siècle».

«Fils de réfugiés dans les années 1930, il avait connu le sort des enfants juifs cachés pendant la deuxième guerre mondiale. Ancien assistant de Raymond ARON à la Sorbonne, André Glucksmann a toute sa vie durant mis sa formation intellectuelle au service d’un engagement public pour la liberté.

«Il devint dans les années 1970 l’une des grandes figures du combat antitotalitaire, capable de réunir Jean-Paul Sartre et Raymond Aron à l’Elysée pour défendre la responsabilité de la France terre d’asile face au drame des « boat people » d’Extrême-Orient.

«Pénétré par le tragique de l’histoire autant que par son devoir d’intellectuel, il ne se résignait pas à la fatalité des guerres et des massacres. Il était toujours en éveil et à l’écoute des souffrances des peuples. La liberté de l’Ukraine fut l’un de ses derniers combats.»

Nathalie Raulin

Enquête sur le «Bloody Sunday» : un ex-soldat britannique arrêté

Un ancien soldat britannique a été interpellé dans l’enquête sur le drame du «Bloody Sunday» en 1972, l’un des épisodes les plus sombres des trente ans de violences dans la province d’Irlande du Nord. Il s’agit de la première interpellation depuis l’ouverture d’une enquête criminelle en 2012 sur ce drame survenu le 30 janvier 1972, lors duquel 14 personnes avaient été tuées par l’armée britannique à l’occasion d’une manifestation pacifique.

«Nous sommes au courant qu’un ancien soldat a été arrêté par les services de police d’Irlande du Nord en lien avec l’enquête sur les événements du Bloody Sunday», a déclaré le ministère de la Défense dans un communiqué.

La police nord-irlandaise a de son côté indiqué qu’un homme de 66 ans avait été arrêté. «Le suspect est interrogé dans un commissariat de Belfast», a-t-elle ajouté, expliquant que cette interpellation marquait «une nouvelle phase dans l’enquête».

Un rapport rédigé à la suite d’une enquête publique avait conclu en 2010, après douze ans d’investigations, que des parachutistes britanniques avaient tiré les premiers dans la foule manifestant à Londonderry, deuxième ville nord-irlandaise. Le Premier ministre britannique David Cameron avait présenté dans la foulée des excuses, décrivant l’action de l’armée comme «injustifiable» et ouvrant la voie au paiement de dommages.

A lire aussi Un rapport cinglant sur le «dimanche sanglant»

AFP

Polémique autour de nouvelles places à l’Opéra de Paris

Voilà bien l’une de ces polémiques dont on a le secret en France. La direction de l’Opéra de Paris veut supprimer certaines des cloisons qui depuis toujours séparent les premières et les secondes loges à l’Opéra de Paris, le vrai, celui commandé par Napoléon III à Charles Garnier, et non l’usine sans âme de la place de la Bastille. Depuis la révélation, il y a quelques jours, de ce projet de fait déjà mis en œuvre, c’est la guerre.

Pour trente sièges supplémentaires

D’un côté les « progressistes » qui ont mis en place des aménagements destinés à créer une trentaine de places supplémentaires aussitôt vendues au public (sur 2.100 déjà existantes) et donc à engranger plus de recettes (200.000 à 300.000 euros par saison sur des recettes de 80 millions par an, lesquelles représentent un grosse part du budget global de l’Opéra qui est de 206 millions), et cela en ces temps où l’argent manque cruellement partout dans l’univers de la culture.

Des aménagements, ce qui est aussi plus respectable, qui viseraient également à améliorer la visibilité du spectateur, visibilité extrêmement inconfortable quand celui-ci siège au deuxième rang des loges de côté et pire encore au troisième d’où elle est quasiment nulle. Les « progressistes » avancent encore que ces cloisons rétractables, donc amovibles, ne devraient être ôtées que le temps des représentations et replacées ensuite, chose dont on peut légitimement douter en songeant au surcroît de main d’œuvre qu’exige l’opération.

Une dérive à l’américaine

De l’autre les « conservateurs » qui ne sont rien d’autre que des gens qui respectent un monument célébrissime légué par le Second Empire, ainsi que la volonté d’un architecte qui eut du génie, Charles Garnier, lequel a créé l’un des plus beaux théâtres du monde pour la restauration duquel on a dépensé des millions à bon escient.

Eux parlent à juste titre du désastreux effet visuel que produirait la disparition des cloisons qui rythment la succession des loges disposées sur le pourtour de la salle. Ils dénoncent en passant le mercantilisme qui sévit à l’Opéra de Paris où la Rotonde des Abonnés a été partiellement abandonnée à un restaurant qui n’apporte rien de particulier à l’Opéra et où la librairie de ce théâtre a été abandonnée… aux Galeries Lafayette qui l’ont remplie de babioles indignes d’une maison d’art lyrique. Bref, une dérive à l’américaine aux effets souvent très déplaisants que n’excuse pas toujours le besoin d’argent et qui dénature l’institution au lieu de l’améliorer et d’améliorer réellement l’accueil du public.

Un appel indigné

Hugues Gall, prédécesseur de l’actuel administrateur général de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, a rédigé un appel indigné pour dénoncer ce que beaucoup ressentent comme un saccage digne des années 1970 et une dérive mercantile. Et des milliers de personnes ont déjà signé une pétition demandant le retrait de cette décision vue comme une barbarie.

En France, et souvent avec raison, toucher au patrimoine relève du crime, même si cela parfois entraîne un immobilisme excessif. Mais ce n’est pas ici refuser les changements que de dénoncer ceux qui ne ressemblent qu’à une course effrénée à l’argent. Risquer de dénaturer gravement une salle comme celle de l’Opéra de Paris pour espérer récolter 300.000 euros au mieux, n’est-ce pas perdre un peu de son âme pour assez peu de chose ? Et n’y aurait-il pas, au sein de l’Opéra, des économies intelligentes à faire, à commencer par celle de la dispendieuse présence de ce magnifique taureau qui incarne le veau d’or dans « Moïse et Aron » et qui coûte à l’Opéra 5000 euros par représentation ?

Raphaël de Gubernatis

James Bond, l’espion le plus bourrin du monde ?

D’abord, il se bourre la gueule du matin au soir, avec des Martini à la noix (« shaken, not stirred », soit « secoué, pas remué »). Ensuite, il déglingue toutes les bagnoles qu’on lui confie, faut voir le malus d’assurance. Enfin, il transforme chaque mission en catastrophe. Il est temps de le dire : James Bond est un top nul. Le beau costard ne fait pas l’homme (sans ça Karl Lagerfeld serait roi de France). Dans « 007 Spectre », une fois de plus, il recycle une Aston Martin (valeur : 3 millions d’euros) en tas de boue, et casse un beau fauteuil de dentiste informatisé (valeur : au moins 1 million d’euros).

Maladroit, suffisant, inefficace (ça fait 24 films, soit plus de 53 ans, qu’il essaie de se débarrasser de Spectre et du Smersh, sans résultat, faut être bourrin, quand même !), Bond est le héros favori de Donald Trump. Je ne suis pas étonné. Les cons, ça aime être ensemble. Ils font grumeau.

A coup de centaines de milliers d’euros

Trois employés de la société Viking à Londres (fournitures de bureau, NDLR) ont travaillé ferme, pour estimer le coût d’un agent comme James Bond, du point de vue de la DRH. Je salue le travail nécessaire et stimulant de Jean-Yves, Subina et Tom, qui se sont penchés sur « Casino Royale », « Quantum of Solace » et « Skyfall ». Ils ont enquêté dur : à chaque fois que 007 allait dans un hôtel, ils ont relevé les tarifs. Pour les voyages, ils ont compilé le prix des billets d’avion. Sans oublier les frais d’assurance, le prix de Q-Tips et la note de bar, olives comprises.

Les résultats sont éloquents.

  • Dans « Casino Royale », Bond déglingue une Aston Martin (décidément, c’est une manie) et une Ford Mondeo (plus prolo). Coût : 409.000 euros
  • Dans « Quantum of Solace », il se tape une assurance véhicule de 680.000 euros, et on ne compte pas les frais de « dégâts par arme à feu sur le bâtiment de l’Opéra du lac de Constance ». Il ne respecte rien, Bond, James Bond.
  • Dans « Skyfall », alors là, il abîme les boiseries de la Chambre des Lords à coups de flingue, et fait exploser un manoir écossais à la fin. Donc, dans la colonne dégâts matériels : 1.365.267 euros. Il est un tantinet dépensier, le cabochard.

Aussi remué que secoué

Et si encore il était utile ! Mais non : il n’arrive même pas à protéger M, sa patronne, ni à empêcher que le siège du MI6 ne parte en fumée ! Pensez ! Tous ces formulaires, ces crayons, ces trombones, ces mugs de thé Fortnum & Mason, ces biscuits shortbread éparpillés ! Quel gâchis ! Pour un gars qui a le foie comme une champignonnière (il a raté le test d’aptitude dans « Skyfall ») et qui passe son temps à faire la pirogue congolaise avec des créatures en bikini, quel résultat !

Ceci dit, j’ai relu « Casino Royale », et, dans le livre, le gars n’est pas plus fréquentable que dans les films : il n’a rien trouvé de mieux que d’éliminer Le Chiffre au jeu, ce salaud, à coups de millions. Le Chiffre, dit Herr Ziffer, est patron d’une chaîne de bordels, chef d’un syndicat de 50.000 adhérents, agent de Moscou, et se signale par des « oreilles avec de grands lobes, indiquant une hérédité juive ».

Bref, non content d’être un agent aussi efficace qu’une toile cirée, James Bond est un tantinet antisémite ? A force de prendre des coups, m’est avis que notre homme est non seulement remué, mais aussi secoué.

François Forestier

PS : Merci à Jean-Yves, Subina et Tom de Londres. Maintenant, on connaît la vérité.

Pour Gaudin, une nouvelle casquette au bout d’un psychodrame

Maryse Joissains a raté son coup de poker. La présidente de la Communauté du pays d’Aix (CPA) n’a pas réussi à faire plier les élus de la future métropole Aix-Marseille-Provence, qui ont finalement désigné ce lundi matin le premier président. C’est Jean-Claude Gaudin qui prend la tête de l’institution, qui verra officiellement le jour le 1er janvier. Le maire de Marseille a été élu par 119 voix après une séance épique qui a clos un week-end de farce politico-médiatique opposant anti et pro-métropole.

Tout démarre vendredi soir, après que le tribunal administratif de Marseille a suspendu deux arrêtés préfectoraux fixant le nombre et la répartition des sièges de la future métropole. A l’origine de la procédure, quatre maires de communes proches de Marseille – Eguilles, Cabriès, Pertuis et Gardanne – qui jugeaient que les grandes villes étaient sur-représentées parmi les 240 conseillers métropolitains, les petites cités ne disposant, elles, que d’un siège. Sans se prononcer sur le fond, le juge a renvoyé la balle au Conseil d’Etat, mais en attendant sa décision, la validité de l’assemblée de ce matin était sur le tapis. Suffisamment pour annuler la réunion, a estimé Sylvia Barthélémy : samedi, la présidente (UDI) de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne, qui a convoqué l’assemblée de ce matin, avait jugé «inenvisageable dans un tel chaos» sa tenue. Fin du premier acte.

«Tu veux des coups ?»

C’était sans compter sur Maryse Joissains. Farouche opposante à la métropole, la maire LR d’Aix, qui a elle-même déposé un recours directement devant le Conseil d’Etat, a voulu lancer son pavé  dans la mare en utilisant son statut de doyenne des six présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concernés par la métropole. Ironie du sort, la loi la désigne en effet comme présidente de cette première séance. Dans la foulée de l’annonce de Sylvia Barthélémy, elle a publié un communiqué, dimanche, pour demander la tenue coûte que coûte de l’assemblée. Non pas pour élire le futur président, comme le prévoit l’ordre du jour, mais pour suspendre elle-même la séance. Les élus se questionnent : vu le flou ambiant, y aller ou pas ? C’est Jean-Claude Gaudin qui tranche dans la soirée, invitant ses partisans à se présenter pour l’assemblée. Les autres décident de suivre. Fin du deuxième acte.

Ce lundi matin, en s’installant à la tribune, Maryse Joissains avait encore le sourire : dans la salle, la quasi-totalité des élus avaient répondu présents. «Nous ne sommes pas ennemis, a cru bon de préciser l’élue. Mais nous sommes un certain nombre à contester cette métropole. Le jugement du tribunal administratif est exécutoire, il m’appartient que cette décision de justice soit respectée. J’ai ouvert la séance et j’entends bien la fermer sans qu’il n’y ait de vote !» Dans la salle, le brouhaha s’installe. «On ne va pas dire que, parce qu’on est à Marseille, on ne peut pas respecter une décision de justice !» poursuit la présidente de séance. Les huées fusent. Tour à tour, plusieurs élus demandent la parole. Face au blocage, les pro-métropoles demandent alors à la présidente de séance de partir. «Oh, tu veux des coups ?» rétorque alors Maryse Joissains à l’élue qui lui demandait de laisser sa place. La maire d’Aix ne mettra pas ses menaces à exécution, décidant finalement de quitter l’assemblée, suivie par ses partisans.

«Ne pas être surpris»

Guy Teissier, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et suivant dans l’ordre d’âge, reprend la séance. Il faut recalculer le quorum suite au départ des frondeurs. Il reste 169 élus dans la salle, suffisamment pour procéder à l’élection. Jean-Claude Gaudin fait le plein de voix dans son camp, raflant même quelques votes chez les élus de gauche, même si ces derniers se sont majoritairement abstenus. Les élus Front national avaient, eux, décidé de quitter la salle. Hervé Fabre Aubrespy, le maire de Cabriès, candidat de dernière minute – alors même qu’il était de ceux qui avaient déposé un recours – n’a obtenu lui que 13 voix.

«Aujourd’hui, ce qui compte, c’est qu’on soit préparé pour ne pas être surpris le 1er janvier 2016, a tranché Jean-Claude Gaudin pour sa première intervention à la tribune. Je souhaite travailler avec les six présidents d’EPCI, avec les 92 maires de notre périmètre.» Avant, plus tard dans la journée, de commenter la sortie de sa partenaire aixoise : «Vous ne pouvez pas dire à la va vite à 200 élus qui se sont déplacés : « Vous allez entendre mes formules et après ça, la séance est levée. » Les gens qui portent des écharpes tricolores doivent respecter la loi, même si ça ne leur plaît pas.» De son côté, Maryse Joissains n’a pas l’intention d’en rester là. «Quand on m’attaque à la kalachnikov, je ne vais pas sortir le fleuret moucheté», a-t-elle rétorqué après sa sortie. Les premiers recours en justice contre le vote ne devraient pas tarder.

Stéphanie Harounyan Correspondante à Marseille

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