Mois : mars 2016

JO 2024 : l’appel au peuple

Au moment du choix de la ville d’accueil pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024, qu’est-ce qui fera la différence ? «Le soutien populaire, affirme Bernard Lapasset, président du comité. Nous avons besoin d’une dimension dans laquelle la France se mobilise.» Le dossier, promet-il, «sera parfait mais l’important, c’est ce qu’il y a derrière». A savoir : «Donner du sens à notre projet.»

Pour contribuer à le forger, la population est conviée à débattre autour, non pas des JO, mais du sport, de la société, de l’aménagement du territoire et aussi, de la fête et de la participation. Vaste programme. «C’est nouveau. C’est la première fois qu’un comité fait cela», souligne Lapasset.

Techniquement, le dispositif passe évidemment par une plateforme web sur laquelle tout un chacun peut laisser sa suggestion. Mais il prévoit aussi que dans chacune des cinq «familles» partenaires du projet (les deux comités olympiques et paralympiques, la ville de Paris, la région Ile-de-France et l’Etat), soient organisées des réunions tout public dans lesquelles tout le monde puisse s’exprimer. Afin d’aider les bonnes volontés à diriger les débats, le comité fournit «un kit» de discussion, téléchargeable sur son site, qui permet de choisir un thème, puis un sous-thème, avec des «fiches enjeux». Tout cela est bien un peu scolaire et pas très ludique, mais ce matériel est sûrement utile pour dépasser la discussion de café du commerce. A en juger par les échanges entre journalistes lors de la conférence de presse, le risque est réel.

La première de ces réunions aura lieu le 5 avril au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), avec un groupe de «la génération 2024», autrement dit les 15-25 ans. Du lot des propositions, le comité espère bien tirer de quoi prouver que les Jeux, ce n’est pas seulement «quinze jours d’olympiques et onze jours de paralympiques», selon l’expression de Bernard Lapasset, mais «tout ce qui aura eu lieu avant».

Sibylle Vincendon

La playlist de Nili Hadida de Lilly Wood & The Prick

Depuis la formation de leur duo et la sortie de leur premier album (Invincible Friends) en 2010, Lilly Wood & The Prick (Nili Hadida au chant et Benjamin Cotto à la guitare et au clavier) n’ont pas arrêté, enchaînant les disques et les concerts. Après que l’Allemand Robin Schulz ait repris leur titre Prayer in C en 2014, en faisant un tube diffusé sur les radios de la planète (il s’en est vendu 2 500 000 exemplaires dans le monde), les deux inséparables avaient besoin de se retrouver loin de Paris, et de son confort. Le studio Moffou de Bamako au Mali est ainsi devenu la base arrière de Shadows, leur troisième et dernier disque, sorti un triste jour, soit le 13 novembre 2015. Alors que leur tournée européenne s’achève (jeudi au Zénith de Paris), Nili Hadida a composé une playlist reliée au train-train quotidien des tournées et du retour au bercail. Une journée type du mois de mars, ça ressemble donc à ça : 

Le bon réveil : Apparition de Stealing Sheep

«J’ai besoin de quelque chose de rythmé le matin pour bien me réveiller et surtout appréhender la journée de bonne humeur. Comme je suis une éponge, il me suffit d’écouter un morceau joyeux pour égayer ma matinée.»

Sur le chemin du travail : Love Yourself de Justin Bieber 

«J’adore écouter des choses un peu inavouables sur mes écouteurs alors que je suis en public. En ce moment, mon morceau inavouable, c’est Love Yourself de Justin Bieber. En cachette ou au casque. Et on apprend les paroles par coeur s’il vous plaît !» 

A la salle de sport : That’s Us d’Arthur Russell

«J’ai découvert ce morceau grâce à un garçon qui m’a brisé le coeur. Comme je suis un peu maso, je le mets en boucle quand je vais courir à la salle. Ca me motive. Il dure six minutes et si je le joue quatre fois, une demi-heure !»

Décompresser cinq minutes : California de Joni Mitchell 

«Il y a toujours un moment dans la journée où quelqu’un vous rend fou. En ce qui me concerne, ça arrive régulièrement et Joni Mitchell a le don de me calmer, c’est doux et réconfortant. Je m’identifie beaucoup à ce morceau qui me berce depuis toujours.»

En cas de coup de blues : Summer Rain de Sage 

«J’ai ce truc un peu pervers de me complaire dans ma tristesse. Quand parfois je replonge à cause dudit garçon j’écoute Summer Rain de Sage et je pleure cinq bonnes minutes. Parfois c’est bien d’évacuer.»

Pour faire le ménage : Better Man de Leon Bridges 

«J’aime la soul depuis très jeune, c’est ma musique de coeur. Mon dieu restant Otis Redding. En ce moment j’écoute Leon Bridges, un artiste de New York qui a la trentaine. A l’écoute de ce titre, on pourrait croire à une production de la Motown, c’est bluffant.»

Pour un verre : Nisyan d’Ahmed Fakroun 

«C’est de la disco libyenne des années 70 et il y a un côté très suave et rétro qui met dans un mood assez agréable.»

A aller voir en concert : Bambi de Suuns

«C’est mon groupe préféré de ces dernières années, ils jouent bientôt au Trabendo. Je les y ai déjà vus et c’était l’un de mes meilleurs concerts. Il y a quelque chose de très grave et très moderne à la fois. La production est pour moi un équilibre parfait entre électro et rock. Le troisième album en collaboration avec l’artiste libanais Jerusalem in My Heart est à écouter !»

Dans la nuit : Steal de Maribou State feat. Holly Walker 

«Pour danser mais pas trop. Parfait morceau de fin de soirée avant d’aller se coucher.» 

Au repos : So Good at Being in Trouble d’Unknown Mortal Orchestra

«Je dors la plupart du temps dans un tour-bus. Nous sommes en tournée la moitié de l’année. Pour pouvoir m’endormir, j’ai besoin d’être dans une bulle et de faire abstraction des bruits et du ronron du bus. En ce moment, c’est avec ce morceau.»

Marie Ottavi

« C’est toujours dramatique, le travail » : un ouvrier raconte l’usine

« Je vous écris de l’usine » est une admirable chronique ouvrière parue de 2005 à 2015 dans le mensuel de critique sociale «CQFD». Jean-Pierre Levaray y raconte la vie quotidienne dans son usine d’ammoniac et d’engrais, une de ces poudrières classées Seveso 2. Ce site de Grand-Quevilly, dans le Rouennais, était une filiale de Total avant d’être revendu en 2014 à des Autrichiens et à un fonds d’Abu Dhabi. Triste classique, auquel a préludé une série de «plans de sauvegarde de l’emploi» (PSE), comme on dit pour mieux jeter son personnel après usage.

« Dans leurs calculs, les ouvriers comptent pour du beurre», lit-on dans la chronique d’avril 2006 intitulée «Putain d’usine: on ferme !» Tout est consigné d’une plume fine et incisive, le meilleur comme le pire. La fraternité ouvrière et la servilité des cadres, toujours du côté du manche, le salaire qui peine à monter – 1,8% pour eux contre 33% pour celui des actionnaires -, le matériel vétuste, les accidents, nombreux, comme celui arrivé à un intérimaire turc recruté pour descendre dans un four immense changer un catalyseur.

L’ouvrier est en bas, en scaphandre depuis une heure. Il fait 45°C. Tout pourrait s’enflammer au contact de l’air, alors de l’azote est injecté en permanence. Sa tâche est dangereuse au point qu’il porte un capteur pour contrôler son rythme cardiaque; il est sous surveillance vidéo, relié par un filin au collègue chargé de le remonter au cas où. Quelque chose dans le système d’alerte n’a pas marché ce jour-là quand l’homme a crié. CHU, brûlures aux pieds, le gars aurait pu y passer. Ces choses vues alternent avec le récit des calculs froids des stratèges, jamais rassasiés, même par leurs gains colossaux, «des bénéfices immoraux», dit Jean-Pierre Levaray.

Anne Crignon

Je vous écris de l’usine, par Jean-Pierre Levaray,

préface d’Hubert Truxler, dit «Marcel Durand»,

Editions Libertalia, 368 p., 15 euros.

Extraits

Je vous écris de l'usine

P’tif chef et grosse envie

Bon, y en a qui courent après, mais il y en a sur qui ça tombe, comme une malédiction. Un jour, l’ingénieur ou le chef de service vient te voir et te propose de devenir chef d’équipe. Il y en a qui, comme moi, ont toujours refusé, mais la plupart acceptent. Ça fait mieux sur la carte de visite, la paie est légèrement plus élevée et puis «ça donne des responsabilités». Parfois je me demande si la direction ne propose pas aux collègues de devenir p’tits chefs pour les casser ou les faire rentrer dans le rang. J’en ai vu combien, de ces ouvriers rebelles transformés en exécutants serviles après avoir obtenu des responsabilités (modestes) et des (petites) fonctions de commandement?

C’est un peu le cas de Denis. Dans sa jeunesse, avant d’entrer dans la boîte, il avait été «blouson noir». Plutôt porté sur la baston, il finissait souvent le week-end au commissariat. Devenu salarié, il s’était un peu rangé. Il s’était marié, aussi. Il continuait à ne pas se laisser faire et disait toujours non quand il ne voulait pas de tel ou tel boulot débile. Un rien macho, mais viscéralement indocile. Pendant un temps il a été syndiqué à la CGT et même, un court moment, délégué du personnel.

Et puis voilà qu’il y a quelques années, sa hiérarchie lui offre une promotion de chef d’équipe, quasiment au bénéfice de l’âge: c’était le plus âgé de l’atelier. En fait de montée en grade, il devait continuer à se farcir les quarts et à faire presque le même boulot, mais avec désormais neuf types sous son autorité. Son salaire n’a été augmenté que de 56 euros par mois. Pas de quoi faire la fête, mais Denis a accepté. Parce qu’il avait travaillé toute sa vie dans cet atelier, parce qu’il n’avait plus que quelques années à tirer, parce que ce serait en quelque sorte son bâton de maréchal.

Mais voilà, une fois devenu p’tit chef, Denis n’a plus été pareil. Était-ce le fait d’avoir des comptes à rendre ou d’exercer un bout de pouvoir? Denis est devenu un vrai con. Un pousse-cul comme il les avait combattus auparavant. À croire qu’il avait perdu la mémoire. Il la jouait dictateur, refusant toute discussion lorsqu’il y avait une tâche spécifique à exécuter. Impossible de se faire entendre, d’autant que Denis étant costaud, il jouait de ses muscles pour imposer ses vues.

Pire : il avait ses préférés, auxquels il donnait un boulot correct, et ses têtes de Turc, qu’il malmenait. Un climat malsain s’est donc vite installé dans l’équipe. D’où l’incident d’il y a quelques jours. Pas une action d’éclat, juste un petit geste vengeur. C’est le moment de la pause-café, toute l’équipe est assise autour de la table du réfectoire en attendant que la cafetière se remplisse. Denis trône en bout de table et parle de tout et de rien devant l’équipe qui ne l’écoute plus, tellement ils en ont marre de lui et de sa façon d’être. Il y a une heure, Denis a pris à partie Michel et Max et ça a failli se terminer en bagarre.

« Bon, je vois que vous n’avez pas envie de causer, dit Denis. Je vais faire un tour avant que le café soit prêt.» Il se lève et sort dans l’atelier. On pense qu’il en profite pour aller dans le vestiaire et se servir, en douce, un whisky caché dans son placard. Mais ce sont les mauvaises langues qui le disent. Le café est prêt et Manu le sert dans les tasses. C’est à ce moment-là que ça se passe. Max dit à Manu: «Passe-moi la tasse de Denis.» Manu obtempère et Max se lève, la tasse de Denis à la main, et se dirige vers l’évier. Là, il déboutonne sa braguette, sort son instrument et lâche quelques gouttes d’urine dans la tasse.

Ensuite il remballe le matériel, repose la tasse à la place de Denis et y ajoute le café. Personne ne dit quoi que ce soit. Personne ne critique. Personne ne trouve que c’est dégueulasse. Denis revient, s’assoit, commence à boire son café puis lâche: «Il est pas terrible ton café.»«Non, répond Manu, je l’ai raté, rajoute du sucre.» Denis s’exécute et boit son café, cul sec, sous les regards de toute son équipe. «Bah quoi? Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça? Vous m’avez fait une connerie?» «Même pas», répondent les collègues en chœur. Voilà, c’est comme ça que ça s’est passé. Une histoire du quotidien, et celui qui me l’a racontée comme moi-même ne savons qu’en penser…

[Septembre 2006]

Quand on enchaînait les ouvrières à leurs machines

Clairement hors cadre

Souvent ils viennent me voir, lors d’une présentation de mes bouquins dans une librairie. D’autres travaillant dans la même usine que moi m’abordent dans un couloir ou à l’atelier… Tous ont la même requête: «Pourriez-vous parler des cadres? Parce que, nous aussi, nous souffrons du travail.» La plupart du temps, je leur réponds que j’ai du mal à me mettre à leur place, qu’il n’y a qu’eux qui peuvent parler de leur malaise au travail, et puis je finis toujours par dire qu’ils ont plus de bagage pour écrire que moi. En fait, je le sais qu’ils souffrent et qu’ils en chient. Pour la plupart, je sais qu’ils travaillent tous jusqu’à point d’heure. Mais je m’en fiche carrément: soit ils sont cadres dirigeants et ils sont là pour nous faire trimer davantage (voire pour nous virer), soit ils sont cadres techniques et acceptent le stress parce qu’ils ont la carotte au bout du bâton, celle de devenir un jour de vrais chefs, de gagner vraiment beaucoup d’argent, d’être mieux considérés… que sais-je encore?

C’est vrai que lorsqu’on est un jeune cadre, il faut s’accrocher davantage, et lorsqu’on est un vieux cadre, on se fait vite mettre au placard. Lorsqu’on est une jeune femme cadre, c’est encore plus dur, face à tous ces encadrés qui se la jouent vieux beaux paternalistes et il faut en faire des tonnes pour être considérée. Je sais également que ces gens ont des vies de famille encore plus perturbées que les nôtres (d’ailleurs ils fantasment beaucoup sur «la famille»); qu’il y a souvent de pauvres histoires de cul entre cadres dans les services et les bureaux, parce que leur univers est des plus restreints… Je m’aperçois aussi qu’ils ont des bagages scolaires importants mais que culturellement ça ne vole pas haut et que le soir, lorsqu’ils rentrent chez eux, ils ne savent que regarder TF1. Bref, je n’irai pas les plaindre et qu’ils se démerdent, j’ai déjà assez à faire de mon côté.

Pourtant, on m’a raconté cette histoire qui vient de se passer au siège parisien d’une entreprise publique en passe d’être privatisée. Claire, cadre technique dans cette boîte, vient d’apprendre qu’elle allait être mutée à Caen. Son mari, qu’elle a connu quatre ans auparavant au siège de l’entreprise, travaille maintenant à Lyon. Leur vie s’est faite ainsi, entre Paris et Lyon, et grâce au TGV c’était facile. Beaucoup d’heures de transport et de stress, mais aussi vivables que s’ils avaient vécu en banlieue. Pour avoir des enfants, ils attendaient une vie plus sereine. Bientôt, peut-être. Mais voilà, cette mutation à Caen rendrait la vie plus difficile, beaucoup plus difficile.

Claire a fait des pieds et des mains pour ne pas être mutée. Rien. Ils ne voulaient rien entendre, là-haut, à la direction générale. Il ne restait à Claire qu’à démissionner, mais c’était hors de question: le train de vie d’un couple de cadres, la maison et tout le reste l’en empêchaient. Cette mutation lui a pris la tête, d’autant que son mari ne semblait pas voir le problème. Il disait que ça ne durerait pas longtemps. Claire se sentait lâchée de toutes parts. Et puis, il y a eu ce dernier jour de travail à Paris. Claire a envoyé un carton d’invitation à tous ses collègues, pour un pot d’adieu. Ils sont venus nombreux dans la «salle automne», pour partager un moment avec elle, mais aussi pour déserter les PC et le travail.

Devant tous et toutes, Claire n’a pas fait de discours, elle a juste trinqué (du champagne) avec chacun. Puis, tout le monde étant pris par des discussions, elle s’est éloignée, s’est approchée de la fenêtre qu’elle a ouverte. Le temps que l’assemblée s’en rende compte, Claire était déjà debout sur le rebord. «Claire, fais pas de connerie», ont crié certains, mais, sans adieu, elle a sauté. Voilà, encore une histoire triste, mais c’est toujours dramatique, le travail.

[Novembre 2006]

La quille

Dans l’usine, il n’y a pas eu de plan de restructuration depuis bientôt sept ans, et il n’y a donc pas eu de ces départs en préretraite tant souhaités par les plus anciens. Du coup, la moyenne d’âge étant élevée, on peut s’attendre à ce que, d’ici quatre ans, plus du tiers de l’ensemble du personnel aura quitté l’usine. Ce qui est énorme. Et rien n’a été prévu ces dernières années pour pallier cette perte de savoir. Pour l’instant, la direction essaie d’embaucher pour combler les trous, mais les jeunes n’ont pas trop envie de bosser dans une industrie en perte de vitesse.

Heureusement pour la direction, il y a quelques boîtes de la chimie qui ferment dans le coin, alimentant un vivier de salariés. En regardant de plus près, tout en se gardant d’une vision par trop «complotiste», on peut penser qu’un départ aussi massif permettra au repreneur de l’usine de restructurer en économisant un plan de suppression d’emplois. Globalement, cela fonctionnerait, mais on sait qu’il y aura des manques dans certains services.

Le mois dernier, huit sont partis. Sur un total de 340, ça commence à se voir, et ce n’est qu’un début. Parmi ces huit collègues, des copains, mais pas tous. Certains comptaient les jours depuis déjà des années tandis que d’autres semblaient surpris d’apprendre qu’ils devaient quitter le bleu de travail. Jadis, la quille signifiait pot de départ, avec speech du chef de service, organisation d’une collecte, cadeaux et autres. Lorsque j’ai été embauché, le cadeau pour bons et loyaux services, c’était une paire de chaussons et un fauteuil. Pourquoi pas une concession directe au cimetière ? Aujourd’hui ce n’est plus le cas. La plupart des pots, quand ils ont lieu, se font en petit comité ou hors de l’usine. D’une part parce que le « zéro alcool » règne dans la boîte (en théorie, du moins), d’autre part parce que la plupart des collègues n’ont pas envie de faire la fête à l’usine. De plus en plus, d’ailleurs, ils filent en catimini, comme s’ils s’en allaient en congé.

Christian n’est pas de ceux-là. Avec ses allures de bûcheron rigolard, crinière et barbe grisonnantes, il a passé trente-cinq années dans la boîte. Pendant ses dernières années de boulot, il s’est investi dans le syndicat, après avoir occupé une partie de son temps libre à bouquiner la philosophie. Christian a bossé la majeure partie de son temps dans un des ateliers les plus sales de l’usine à fabriquer des engrais. Mais, à cause de ses articulations usées et de problèmes cardiaques, il a fini sa carrière comme gardien. Un gardien philosophe ça ne court pas les rues. Deux mois avant son départ, il a pris la résolution de ne plus bosser à son poste. Sans craindre une éventuelle sanction. Il n’avait pas envie de voir son chef, et ce dernier avait peur des possibles étincelles que produiraient leurs altercations. Christian a donc passé une partie de ses heures de travail au syndicat ou dans les autres services à causer avec d’anciens collègues. Il a sauté sur chaque occasion de réunion pour batailler avec la direction. Il en a aussi profité pour piquer pas mal d’heures au patron, ce qu’il ne pourra plus faire en retraite.

Pourtant, malgré ces arrangements très personnels, Christian est allé de moins en moins bien. «Ce n’est pas le travail que je vais regretter, loin s’en faut. C’est plutôt le fait que j’ai bossé tant d’années, avec des contraintes, des horaires, des collègues, et que j’ai un peu peur de l’avenir, dit-il. C’est un saut dans le vide, une petite mort, une page qui se tourne.» Il a fallu qu’il vide ses armoires et placards au vestiaire. «C’est vraiment bizarre cette impression: comme si tout s’effaçait. Bientôt mon nom disparaîtra des registres.»

Oui, c’est ce blues-là qui a atteint Christian. Difficile à imaginer de la part de ce colosse. Arrêter de bosser était depuis des années son souhait le plus fort, mais là, face à l’échéance de la retraite, il a du mal à s’y faire. Fichue aliénation liée au travail salarié !

Pour fêter son départ, il a organisé un pot au local syndical (lieu protégé) où beaucoup de monde est venu le saluer ou le chambrer. N’arrivant pas à quitter ses potes, il a promis de revenir de façon assidue aux prochaines réunions… Puis il est allé, pour la dernière fois, au service du personnel chercher son solde de tout compte.

[Avril 2013]

Séquestrer son patron : mode d’emploi

Travailleurs, travailleuses…

C’est vrai, 8 mars ou pas, je ne parle pas souvent des femmes de mon usine. C’est aussi vrai que, lorsqu’on travaille à la fabrication, on en côtoie très peu: juste les femmes de ménage qui arrivent encore plus tôt que nous au turbin, l’infirmière et les serveuses de la cantine. Les seuls endroits où le travail est plus «spécifiquement» féminin, c’est l’administration, la comptabilité, l’accueil des chauffeurs routiers et le labo. À l’autre bout de la chaîne hiérarchique, depuis quelques années, l’encadrement s’est légèrement féminisé, mais pas n’importe où. Pas aux postes stratégiques que se gardent nos cadres machos. On retrouve des femmes aux ressources humaines, à l’environnement et à la sécurité… Évidemment?

Il y a près d’une vingtaine d’années, deux jeunes femmes ont été embauchées au sein du secteur informatique. Il se trouve qu’elles étaient syndicalistes, situées à l’extrême gauche, et combatives. On peut dire qu’elles ont fait évoluer les mentalités des prolos de la boîte en ne se laissant pas marcher sur les pieds par le patron. Du coup, elles n’ont pas eu de mal à se faire une place et à être vraiment reconnues par les collègues. Elles n’ont pas eu besoin non plus de ferrailler longtemps pour que les calendriers et autres photos de filles à poil disparaissent des réfectoires et des ateliers.

Aujourd’hui, l’une d’elles est partie et travaille dans les risques technologiques, «pour emmerder encore plus les patrons», et l’autre est toujours présente sur le site, où elle s’investit énormément dans le comité d’hygiène et sécurité, au grand désespoir de nos différentes directions, car quand elle s’occupe d’un dossier (amiante, risques explosifs, rythmes de travail…) elle ne le lâche pas. Mais c’est d’une autre femme dont il va être question.

Odette a été embauchée il y a quatre ans, quand une loi sur l’égalité au travail a stipulé que les femmes pouvaient travailler la nuit et postuler à tous les travaux dits masculins. Cela fit d’ailleurs s’enorgueillir la DRH: avoir embauché une femme, jeune, black et issue d’un quartier difficile… elle faisait dans le social et le féminisme à la fois. Ce fut, semble-t-il, la seule qui se présenta pour un poste en fabrication, car depuis, pas une femme n’a pris sa suite. Certains vieux militants de la CGT dirent que ce n’était pas une bonne chose car travailler de nuit ou les week-ends n’est pas franchement libérateur, mais si c’était au nom de l’égalité, ils ne pouvaient se prononcer contre.

Odette fut postée dans mon atelier, réputé plus «propre» et plus «civilisé», le personnel y étant un peu plus qualifié. Mais accepter une femme dans une équipe ne fut pas si simple. Certains vieux ours n’avaient définitivement pas envie de travailler avec une «gamine». Pourtant, dans l’équipe où elle a atterri, ce furent les mecs qui changèrent un peu: certains arrêtèrent de péter ou de roter en public et surtout chacun châtia son langage, il n’était plus question de traiter l’autre de gonzesse ou d’en avoir plein les couilles.

Mais, si elle faisait correctement son boulot, elle a eu du mal à s’intégrer. Odette se sentait forcément seule dans cet univers viril. Ses collègues masculins par galanterie ou se voulant protecteurs l’accompagnaient souvent sur le terrain pour l’aider à fermer une vanne trop rouillée ou ramasser du matériel jugé trop lourd pour une femme. Ce ne fut pas du goût de son chef d’équipe qui la trouvait insuffisamment autonome et qui voyait en elle un poids pour l’équipe.

N’arrivant pas à se faire une place, mais aussi parce qu’il y a trop de fuites et de risques dans l’atelier, Odette vient de démissionner. Elle a trouvé un boulot dans un laboratoire de l’industrie pharmaceutique. Un univers un peu plus féminin.

En partant, elle m’a confié qu’elle voulait amasser de l’expérience dans l’industrie (et si possible de l’argent) pour retourner dans son pays afin d’y construire et d’y gérer une station d’épuration d’eau. Chacun ses rêves…

[Novembre 2013]

© Libertalia

Affaire Goodyear : “On se croirait revenu au temps du bagne”

« La France est vraiment un pays sexiste » : visite chez Annie Ernaux

Dans la voiture qui conduit chez Annie Ernaux, la radio passe une vieille chanson: «Etre une femme libérée, tu sais c’est pas si facile.» C’est une radio qui a du pif. Annie Ernaux rigole: «Je l’ai beaucoup chantée à mes fils quand ils étaient enfants. L’un d’eux m’a même un jour demandé d’arrêter… Ils sont plus féministes que moi, vous savez.»

Aujourd’hui, ses deux garçons ont eux-mêmes des enfants. Ils ont quitté la maison de Cergy où l’auteur des «Années» vit avec ses deux chats et ses souvenirs, qu’elle gratte jusqu’à l’os pour en tirer des livres limpides et complexes, singuliers et universels, qui racontent plus d’un demi-siècle d’histoire de France.

Elle les a presque tous écrits ici, à la main, depuis «la Femme gelée» jusqu’à «Mémoire de fille» en passant par «Passion simple» ou «l’Evénement», sur des feuilles volantes qu’elle classe dans d’épaisses chemises, avant de saisir la version définitive sur l’ordinateur. «Ça me prend beaucoup de temps», précise-t-elle comme si cet aspect artisanal, presque flaubertien, la raccrochait souterrainement aux lois laborieuses du café-épicerie que tenaient jadis ses parents à Yvetot, en Normandie.

Annie Ernaux est le nom d’un puzzle dont les pièces s’assemblent, livre après livre, pour former une des œuvres majeures de notre époque. Ses lecteurs ne s’y trompent pas, qui se comptent par centaines de milliers. Les universitaires non plus, qui multiplient les colloques sur son usage de la mémoire, les formes prises par son engagement ou sa fidélité à ses origines populaires. Elle a décidé de ne plus y assister:

« A une époque j’ai voyagé dans le monde. C’était agréable et ça ne me coûtait pas de payer mon écot… parce que c’est ça: vous voyagez mais il faut aller dans des universités, faire des choses comme ça. Comme dit Gérard Genette: ‘‘Les missions, c’est la façon la plus coûteuse de voyager gratis’’. Oui, j’ai bien aimé aller au Japon, en Chine… Maintenant je trouve que c’est trop coûteux en discours. Et puis je vieillis, voilà.»

Les critiques, eux, sont parfois passés à côté de son «écriture plate», qu’elle a forgée pour ne prendre personne de haut: «J’en ai pris plein la gueule, quand même», dit-elle en applaudissant le succès du jeune Edouard Louis, ce talentueux fils de prolo qui l’invoque comme un modèle: «Au moins, cette parole-là est désormais admise. On n’écrit pas forcément la même chose, et puis je suis une femme, mais c’est un écrivain d’avenir.»

“Une journée sans écriture, c’est une journée ratée

Dehors, le prunus est en fleur, et le silence à peine troublé par le passage lointain d’un tracteur. Annie Ernaux est arrivée ici en 1977, résume son journal, «avec un mari, une mère, deux enfants, un chat, une chienne». Elle a failli déménager quand son mari est parti en 1982, mais le Renaudot, remporté en 1984 avec «la Place», lui a permis d’acheter la maison. C’était l’époque où les prix littéraires et les prix de l’immobilier vivaient encore sur la même planète.

Depuis, elle a vu la ville nouvelle pousser et multiplier sa population par six ou sept. Au loin, les champs des maraîchers ont été remplacés par un étang artificiel qui, sous un ciel pommelé très anglais, prend doucement le soleil de mars. Plus loin encore, on distingue Paris, cette capitale si littéraire avec qui l’auteur de «Journal du dehors» a su garder ses distances. «C’est à 30 kilomètres à vol d’oiseau», dit-elle en indiquant la silhouette, maigre comme un clou, de la tour Eiffel. Ni vraiment en ville, ni tout à fait à la campagne, on dirait qu’Annie Ernaux a trouvé sa place – son «vrai lieu», pour reprendre le titre de ses entretiens avec Michelle Porte.

Elle ne peut pas écrire ailleurs. Et il lui faut sa dose quotidienne. «C’est la prière du jour. Enfin, la prière du matin, puisque j’écris le matin. Je ne me lève pas à 5h, non, mais je mets au travail vers 9h-9h30, et j’y reste le temps que j’ai envie d’y rester. Je dépasse rarement 2 heures de l’après-midi, quand même. Après, je peux vivre… Mais pour moi une journée sans écriture, ou sans réflexion sur le projet en cours, c’est une journée ratée, une journée à laquelle il manque quelque chose. Sans projet d’écriture, c’est simple, je ne peux pas profiter de la vie. L’écriture est une espèce de gaz qui se répand partout. Vivre, c’est me demander, à chaque fois que je pense quelque chose, pourquoi je pense ça, et comment je pourrais l’écrire.»

La dernière visite de Jérôme Garcin à Michel Tournier

Vive les putains

Ces dernières années, Annie Ernaux vient donc de les vivre en s’interrogeant sur une jeune fille qui lui était en grande partie inconnue («une étrangère qui m’a légué sa mémoire»). Cette fille s’est retrouvée une nuit, dans un lit et «dans le noir», avec H., le moniteur-chef de la colonie de vacances où elle avait trouvé son premier job d’été. Il lui a demandé de se déshabiller. Elle a obéi. Lui aussi s’est mis nu. Bientôt, «il force». Elle crie parce qu’«elle a mal». S’entend dire: «J’aimerais mieux que tu jouisses plutôt que tu gueules!»

Le lendemain, dans un mélange d’incrédulité et de passion naissante, la fille annoncera: «J’ai couché avec le moniteur-chef»; qui l’ignorera pour aller coucher avec une jolie blonde. Quelques soirées plus tard, passées dans les bras d’autres garçons, elle trouvera trois mots tracés au dentifrice rouge sur la glace de son lavabo: «Vive les putains». Et l’année suivante, sa candidature sera refusée par la colonie de vacances. Entre-temps, un jeune instituteur «à la peau grêlée» lui aura lâché des mots qui ne s’oublient jamais: «Tu ressembles à une putain décatie.»

La fille s’appelait Annie Duchesne. Sa nuit avec H. date de l’été 1958, «un été immense comme ils le sont tous jusqu’à vingt-cinq ans avant de se raccourcir en petits étés de plus en plus rapides dont la mémoire brouille l’ordre ne laissant subsister que les étés spectaculaires de sécheresse et de canicule. » Elle avait 18 ans. C’était «la première fois qu’elle quittait ses parents», qu’elle «sortait de son trou», qu’elle passait un 15 août sans aller à la messe, qu’elle découvrait l’ivresse de faire partie d’un groupe de jeunes gens coupés du monde, dans la bulle libertaire d’une colonie de vacances de l’Orne.

Annie Ernaux (Collection Annie Ernaux)

Annie Ernaux, quand elle s’appelait encore Annie Duchesne,

en 1958, l’année de ses 18 ans. (©DR, collection Annie Ernaux)

Le souvenir n’est pas la vérité

Aujourd’hui, Annie Duchesne s’appelle Annie Ernaux. Elle raconte tout cela, méthodiquement, dans «Mémoire de fille». Et voilà comment on se retrouve, en tête-à-tête, à parler de «perte de virginité» avec cette grande dame en noir, qui ouvre de beaux yeux bleu délavé:

« Ce garçon, H., devait penser le plus grand mal de ‘‘la fille de 58’’. Comme les autres. Mais il m’est impossible de savoir ce qu’il avait dans la tête. On ne peut imaginer de plus grande séparation dans la perception d’une même expérience. En tout cas je ne fais pas en sorte de le réduire à son sexe, à cette brutale sexualité. D’ailleurs par la suite, la fille va y consentir. Elle va même la désirer. Son désir d’appartenir à ce garçon va devenir aussi fort qu’un désir de viol. Si elle pouvait le violer, elle le ferait !… Mais c’est une fille, donc elle ne peut pas.»

Tant d’intimité, ça pourrait être embarrassant, même devant une délicieuse part de gâteau aux noix. Ça ne l’est pas plus que ça. Pas plus que le livre, en tout cas, qui du début à la fin est miraculeux de dignité, d’intégrité et d’intelligence:

« C’est un livre sur tout ce qui pouvait arriver à une fille en ce temps-là. Ce qui domine alors la vie des filles, c’est la virginité, avec la menace de la grossesse, qui est un déshonneur pour les familles et oblige à se marier. Le mot important, c’était ‘‘la conduite’’. Tout tenait dans ce mot-là: ‘‘Il faut que tu te conduises…’’ Nous sommes dix ans avant 68, mais c’est comme si c’était un siècle avant. Je voulais saisir cette fille dans ce monde-là, et faire sentir le décalage avec aujourd’hui, tout le temps. Cela posait un gros problème d’écriture.»

En effet. Annie Ernaux sait depuis bientôt trente ans qu’elle devait consacrer un livre à «la fille de 58», comme elle devait consigner son avortement dans «L’Evénement». Sauf que rien n’était simple. Dans «les Années», on se souvient bien d’une allusion furtive aux insultes du lavabo. Et en 2003 elle avait tenté une première version «qui ressemble à un lâcher de souvenirs, à un déballage, à une psychanalyse».

Mais l’auteur de «la Vie extérieure» n’a jamais confondu son œuvre avec un divan freudien. Elle sait, surtout, que «le souvenir n’est pas la vérité». Ce qu’elle voulait, ce n’était pas se souvenir, c’est «être la fille de 58», qu’elle a depuis longtemps complètement cessé d’être. «Rejoindre la fille que j’étais, ça veut dire que je voulais savoir ce qu’elle ressentait: les pensées se sont enfuies, mais il y a des sensations qui restent là, des paroles, toute une écume qui permet de la retrouver en faisant abstraction de ce qui s’est passé après.»

VIDEO. Annie Ernaux : où sont passées nos espérances?

Le grand privilège de la mémoire blessée

C’est ici que son récit, pour reconstruire ce «présent antérieur», se double d’une enquête fascinante. Parce que sa mère avait brûlé, en 1963, le journal intime dans lequel elle évoquait «les années clé», Annie Ernaux a examiné à la loupe ses rares photos de l’époque, et noté: «Plus je fixe la fille de la photo, plus il me semble que c’est elle qui me regarde.» Elle a remis la main sur les lettres qu’elle écrivait alors à deux amies, mais sans être dupe de la façon dont on se met en scène quand on écrit à des amies. Elle a retrouvé ce qu’elle lisait, chantonnait, pensait de la Guerre d’Algérie (elle était pour le maintien de l’ordre).

Elle a même minutieusement traqué, sur Internet, les jeunes gens qui l’avaient humiliée des dizaines d’années plus tôt. Sans exclure «le désir complètement pervers d’être leur jugement dernier», elle a été tentée de les appeler pour leur demander: «Est-ce que vous vous rappelez, Annie Duchesne? Elle était grande, elle avait des lunettes, de cheveux bruns, longs. Elle a été monitrice, pas très longtemps. Elle avait remplacé la secrétaire médicale…»

Elle s’est finalement retenue de «tester leur oubli». Comme si elle n’en avait pas besoin «pour éprouver ce pouvoir: eux ne se souviennent pas, mais moi oui. C’est le grand privilège de la mémoire blessée, peut-être.» Elle n’a donc pas écrit ce livre pour «lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l’intention de certaines personnes», comme dit Patrick Modiano. D’ailleurs, son éditeur lui a fait retirer quelques détails permettant d’identifier H. C’est la première fois que ça lui arrive. Ça lui coûte «un peu».

Hollande, ce fossoyeur de la gauche

Parfois, elle s’interrompt pour indiquer des mésanges qui sifflotent sous la fenêtre – et que l’un de ses chats observe avec une passion suspecte pour l’ornithologie. Puis elle reprend : «‘‘Mémoire de fille’’, c’est une honte de fille, mais au départ il n’y a pas la honte. La honte vient l’année d’après, de l’extérieur, et paradoxalement de ma lecture de Simone de Beauvoir: elle démontre par A plus B que je me suis comportée en objet.» C’est une impression dont il reste toujours quelque chose.

Annie Ernaux, qui considère désormais François Hollande comme «le fossoyeur de la gauche», exclut de voter à nouveau pour lui un jour parce qu’elle a trop à lui reprocher, dans «une société plus inégalitaire, et surtout qui ne cherche plus à être égalitaire»: la «loi travail», ses propos sur les «sans-dents», l’attitude de la France à l’égard des réfugiés, la façon dont il a martelé le mot «guerre» à Versailles («alors que ce que disait Villepin était beaucoup plus sensé»).

Mais ce qui l’a aussi profondément «choquée, peut-être pour des raisons plus intimes, c’est quand il a répudié Valérie Trierweiler. Là j’ai vu que la France était vraiment un pays sexiste. J’ai été une des seules à prendre sa défense, dans un entretien à ‘‘Elle’’. Quand elle a souhaité reprendre ce que j’avais dit pour la quatrième de couverture de l’édition de poche de son livre, j’ai accepté. Je l’assume complètement.»

Etre une femme libérée n’est toujours pas si facile.

Grégoire Leménager

Mémoire de fille, par Annie Ernaux,

Gallimard, 160 p., 15 euros

(à paraître le 1er avril).

“Je voulais venger ma race” : grand entretien avec Annie Ernaux

Annie Ernaux, bio express

Annie Ernaux est née Duchesne, en 1940, à Lillebonne (Seine-Maritime). Prix Renaudot avec «la Place» (1984), elle a notamment écrit «Une femme» (1988), «Passion simple» (1992), «la Honte» (1997) et «les Années» (2008). Une grande partie de son oeuvre a été rassemblée, en 2011, dans un volume de la collection «Quarto».

Quand Annie Ernaux fait de la littérature de supermarché

Paru dans « L’Obs » du 24 mars 2016.

Les 1ères pages des « Années » d’Annie Ernaux

Maltraitance animale : Le Foll ordonne des inspections dans tous les abattoirs d’ici un mois

Stéphane Le Foll a ordonné mardi aux préfets de procéder d’ici un mois à des «inspections spécifiques sur la protection animale dans l’ensemble des abattoirs» du pays, après la diffusion de nouvelles images de maltraitance animale dans un abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées-Atlantiques. En cas de défaut avéré constaté à l’occasion de ces inspections», le ministre de l’Agricuture demande «la suspension sans délai de l’agrément de ces établissements», précise son communiqué. Mardi, cinq mois après une vidéo montrant à l’abattoir d’Alès, un mois après les actes de cruauté d’un autre établissement du Gard, à Vigan, l’association L214 a diffusé deux nouvelles vidéos de cruauté envers des animaux, cette fois à l’abattoir intercommunal de Soule, à Mauléon-Licharre, donc, une entreprise pourtant certifiée bio et label rouge.

Animaux mal étourdis ou brutalisés, moutons saignés alors qu’ils présentent encore des signes de conscience, voire agneau de lait écartelé encore vivant, les deux images sont particulièrement choquantes, y compris pour le directeur du site, Gérard Clémente qui, interrogé par l’Agence France Presse, semble découvrir ces pratique. «Je suis dégouté, c’est inadmissible», a-t-il déclaré se disant à la fois atterré et en colère, lui qui a reconnu dans les vidéos ses installations ainsi que deux employés, qu’il entend mettre à pied pour des actes «innommables». «J’ai la vétérinaire en pleurs».

Selon Sébastien Arsac, porte-parole de L214, les images ont été tournées «sur une semaine» en caméra cachée, «environ deux semaines avant Pâques», période d’activité intensive dans les abattoirs. Selon Le Monde, à l’origine de l’information, mardi, l’association doit déposer plainte dans l’après-midi auprès du procureur de la République de Pau pour maltraitances, sévices graves et actes de cruauté.

Le maire de Mauléon-Licharre, Michel Etchebest, a annoncé dans un communiqué prononcer «la fermeture de l’abattoir pour une durée indéterminée, à titre conservatoire» afin qu’une enquête puisse faire la lumière sur ces pratiques. Le ministre de l’Agriculture avait exigé dans son communiqué «la suspension immédiate de l’activité de l’abattoir».

LIBERATION

Avion d’Egyptair détourné à Chypre : le pirate de l’air arrêté

À chaud

Les passagers de l’avion détourné sur l’aéroport de Larnaca ont pu sortir sains et saufs.

Un avion de ligne de la compagnie Egypt Air transportant 81 passagers (dont 21 étrangers) a été détourné mardi par un inconnu, et a atterri à Larnaca, à Chypre. Un «Airbus A-320 transportant 81 passagers entre Alexandrie et le Caire a été détourné, son pilote a affirmé qu’un passager assurait détenir une ceinture d’explosifs et l’a obligé à atterrir à Larnaca», a annoncé dans la matinée le ministère égyptien de l’Aviation civile, dans un communiqué. 

Le pirate de l’air a contacté la tour de contrôle de l’aéroport de Larnaca à 8h30 (7h30 à Paris) et l’avion a été autorisé à atterrir à 8h50, a précisé la police chypriote. L’appareil a été isolé sur le tarmac du principal aéroport de Chypre. Un peu plus tard, le preneur d’otage a autorisé plusieurs passagers à descendre de l’avion. Il retenait toujours à bord à la mi-journée trois membres de l’équipage, un officier de sécurité et trois passagers. La prise d’otage s’est achevée peu avant 14 heures avec l’arrestation du preneur d’otage. tous les passagers ont pu sortir sains et saufs.

Le pirate de l’air, qui selon des médias grecs serait un professeur d’université en plein chagrin d’amour, a demandé l’asile à Chypre et réclamé de voir son ex-femme chypriote. Ce détournement n’est «pas lié au terrorisme», selon le président chypriote.

Suivez l’évolution de la situation en direct (si le live ne s’ouvre pas dans votre application cliquez ici)

15:02Le pirate de l’air est «psychologiquement instable» selon les autorités

EgyptAir.

On l’évoquait plus tôt en quelques mots : le pirate de l’air ayant détourné un avion d’EgyptAir à Chypre a agi individuellement et est «psychologiquement instable», a indiqué le ministère des Affaires étrangères chypriote.«Ce n’est pas du terrorisme. Il s’agit de l’action individuelle d’une personne psychologiquement instable», a déclaré Alexandros Zenon, un haut responsable du ministère.

14:38

EgyptAir.

Le pirate de l’air est un «déséquilibré», annonce le ministère chypriote des Affaires étrangères.

14:34

Message de service.

J’attends que tous les amoureux se désolidarisent du preneur d’otages pour montrer qu’ils sont contre l’amour radical #EgyptAir#islamodebat

29.03.16Karim marxx. @karim_marxx Suivre

14:20

«Sains et saufs».

Les passagers et l’équipage de l’avion qui a été détourné vers Chypre sont tous sains et saufs, annoncent les autorités égyptiennes peu après que l’homme à l’origine de ce détournement a été arrêté.

13:55

Egyptair.

Le pirate de l’air qui avait détourné un avion sur Chypre a été arrêté, annonce le gouvernement chypriote.

13:39

Relâche.

Au moins quatre nouvelles personnes ont quitté l’avion Egypt Air détourné lundi. Il ne devrait donc rester que trois otages dans l’appareil. Trois personnes sont descendues par la passerelle tandis qu’une quatrième a été vue sortir par un hublot du cockpit de l’Airbus stationnant sur le tarmac de l’aéroport.

12:51«Il y a toujours une femme derrière une affaire comme ça», lance le président chypriote

Vu à la télé.

«Au moins 49 passagers ont été libérés. Nous faisons notre maximum pour libérer en toute sécurité les passagers», a déclaré lors d’une conférence de presse le président chypriote Nicos Anastasiades, qui n’a pu s’empêcher une boutade un brin beauf : «Cette affaire n’est pas liée au terrorisme. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a toujours une femme derrière une affaire comme ça…»

11:56

«Chagrin d’amour».

Le preneur d’otages de l’avion d’EgyptAir serait un professeur d’université en plein «chagrin d’amour, selon des médias grecs. Du côté des autorités, c’est la confusion, plusieurs noms et nationalités ayant été attribuées au preneur d’otages.

Côté aviation civile égyptienne, on dit « ne pas être en mesure de dire s’il est Libyen ou Egyptien ni de confirmer son nom » #Egyptair (3/3)

29.03.16Jenna Le Bras. @JennaLBs Suivre

11:48

Otages.

Le pirate de l’air qui a détourné hier vers Chypre un avion d’EgyptAir retient toujours à bord à la mi-journée trois membres de l’équipage, un officier de sécurité et trois passagers, a annoncé le ministre égyptien de l’Aviation civile Cherif Fathy.

11:04EgyptAir : le «terroriste» n’en était pas un

Idiot.

Selon la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabia, le preneur d’otages serait de nationalité égyptienne. Le ministre des Affaires étrangères chypriote a précisé à son sujet qu’il ne s’agissait pas d’un «terroriste», mais d’un «idiot». Quelques minutes plus tôt, le président chypriote Nicos Anastasiades avait affirmé que le détournement de l’avion n’étaient «dans tous les cas pas lié au terrorisme», alors que les motivations du pirate de l’air, qui a demandé à voir son ex-épouse chypriote, ne sont toujours pas claires.

10:44Le pirate de l’air qui a détourné l’avion d’EgyptAir veut voir son ex-femme chypriote

Amoureux.

Le pirate de l’air qui a détourné l’avion de la compagnie EgyptAir vers l’aéroport de Larnaca, à Chypre, a demandé à voir son ancienne épouse chypriote. La femme habite dans le village d’Oroklini, proche de l’aéroport, selon une source du gouvernement. Quelques minutes plus tôt, l’homme avait demandé l’asile à Chypre.

Cinq autres personnes ont par ailleurs été libérées de l’Airbus.

10:14Les passagers d’Egypt Air libérés à Chypre quittent l’avion

Vu à la télé.

L’individu qui a détourné mardi le vol d’Egypt Air sur Larnaca à Chypre aurait libéré tous les occupants de l’appareil à l’exception de quatre passagers étrangers et les membres de l’équipage, comme en témoignent ces images diffusées sur Euronews. L’aéroport a été fermé et tous les vols déroutés vers celui de Paphos, plus à l’ouest. L’Airbus d’EgyptAir est isolé sur le tarmac.

09:24

Avion détourné.

Dans un tweet, la compagnie EgyptAir indique que «tous les passagers» ont été libérés, «sauf l’équipage de cabine et cinq étrangers» (des non-Egyptiens, donc).

(Mise à jour : un nouveau tweet en anglais, supprimé depuis, a fait état de quatre passagers étrangers, en plus de l’équipage, restant dans l’avion.)

09:10Un passager a menacé de faire exploser une ceinture d’explosifs

Avion détourné.

Un passager de l’avion d’Egypt Air détourné mardi sur l’aéroport de Larnaca à Chypre a menacé de faire détonner une ceinture d’explosifs, selon le ministère égyptien de l’Aviation civile. «L’Airbus A-320 transportant 81 passagers entre Alexandrie et le Caire a été détourné, son pilote a affirmé qu’un passager assurait avoir une ceinture d’explosifs et l’a obligé à atterrir à Larnaca», indique le communiqué du ministère.

09:02

Avion détourné.

Selon les autorités chypriotes citées par l’Associated Press, les pirates de l’air de l’avion égyptien détourné vers Chypre ont autorisé les femmes et les enfants à descendre – certain-e-s seraient en train de le faire.

Notez par ailleurs que selon la compagnie EgyptAir sur son compte Twitter, il y aurait 81 passagers, et non 63 (qui était le nombre donné par des responsables de l’aéroport).

08:50

Avion détourné.

La compagnie EgyptAir annonce qu’elle va très prochainement communiquer sur le détournement d’un de ses avions, que le ou les pirates ont fait atterrir à Chypre.

Our flight MS181 is officially hijacked. we’ll publish an official statement now. #Egyptair

29.03.16EGYPTAIR. @EGYPTAIR Suivre

08:32Un avion égyptien détourné atterrit à Chypre

Dernière minute.

Un Boeing 737-800 de la compagnie égyptienne EgyptAir a atterri il y a quelques instants à l’aéroport de Larnaka, à Chypre, après avoir été détourné par des inconnus, annoncent les autorités chypriotes, citées par l’agence américaine AP. L’avion faisait la liaison entre Alexandrie et Le Caire, indiquent pour leur part les autorités égyptiennes.

Les pirates n’ont pas fait de demandes dans l’immédiat et une cellule de crise a été déployée à l’aéroport.

BREAKING: Cyprus official says hijacked Egypt plane has landed at Larnaka airport, bomb suspected on board

29.03.16The Associated Press. @AP Suivre

EN IMAGES. Dessine-moi un cauchemar

L’exposition « Intrigantes Incertitudes » au Musée d’art moderne et contemporain (MAMC) de Saint-Étienne, explore l’étrange, l’angoissant et l’onirique à travers les dessins de 42 artistes.Ici, « Walking with them », de Jim Dine, 2011.Technique mixte sur papier, 96 x 76,5 cm.Né en 1935 aux Etats-Unis, Jim Dine est l’un des derniers artistes du Pop Art encore vivant. Le cœur est son motif favori, au point d’être devenu sa « marque de fabrique », mais le personnage de Pinocchio apparaît dans nombre de ses œuvres.

(Jim Dine / Courtesy Galerie Daniel Templon, Paris et Bruxelles)

Jim Harrison, l’écrivain qui parlait aux ours est mort

Jim Harrison : Les Françaises ont les plus belles fesses du monde

Le Nouvel Observateur.Quels livres vous ont influencé le plus, et à quel moment de votre vie?

Jim Harrison. C’est quand nous sommes jeunes et vulnérables que nous sommes le plus influençables. A l’époque, je lisais Dostoïevski, ainsi que les poètes symbolistes français, et je ne m’en suis toujours pas remis. Apollinaire aussi: je vais souvent visiter sa statue près de l’église Saint- Germain-des-Prés.

A part le vin et le fromage, quelle est pour vous la spécialité des Français?

J. Harrison. J’adore la cuisine française, et aussi celle de l’Italie du Nord. Depuis mes 14 ans, je m’intéresse à la littérature française. Les Françaises peuvent aussi se targuer d’avoir les plus beaux culs.

Quel est le meilleur vin que vous ayez jamais bu?

J. Harrison. Pour moi, le meilleur est le romanée-conti 1953, à égalité avec le petrus 1985. Malheureusement, ces vins sont le luxe des plus fortunés. Aujourd’hui, je préfère le Domaine Tempier Bandol.

I comme Ivrogne : petit abécédaire littéraire du vin

Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 1996 (©Baltel/Sipa)

Quels sont vos paysages favoris ?

J. Harrison. Les denses forêts de la péninsule nord du Michigan, qui ont tendance à déprimer la plupart des gens. J’aime aussi les montagnes du Montana, où les neiges qui fondent se transforment en rivières, rivières qui donnent naissance aux truites, mon obsession…

Comment expliquez-vous que vous soyez si populaire en France?

J. Harrison. Je ne sais pas… Pourquoi un pays choisit-il d’adopter un écrivain étranger? Peut-être est-ce parce que je parle de territoires sauvages et que les Français n’ont pas besoin d’entendre parler de New York, vu qu’ils ont déjà Paris (ville tellement plus intéressante que New York).

Parlez-vous aux chiens, aux chevaux, à d’autres animaux?

J. Harrison. Oui, je parle aux chiens, mais aussi aux ours, et ce depuis mon enfance. Pas plus tard qu’hier soir, à 3 heures du matin, j’ai eu envie d’écrire à ma chienne Zilpha pour lui expliquer pourquoi je n’étais pas là pour sa promenade matinale. Normalement, elle me répond d’un sourire, comme une belle femme qui ne peut pas parler parce qu’elle vient d’un pays qui n’a pas encore été inventé!

Préféreriez-vous manger en compagnie d’Homère, de Heidegger ou du grand cuisinier espagnol Ferran Adrià?

J. Harrison. Plutôt avec Catulle ou Virgile ! Mais en aucun cas avec Adrià. En effet, si je veux manger de la mousse, je préfère aller en Angleterre et boire quelques gouttes d’océan…

Avez-vous beaucoup de livres en projet?

J. Harrison. Ne plus écrire, c’est inconcevable pour moi. L’écriture représente une grande partie de ma vie. C’est ce que je suis, ma colonne vertébrale. Je suis un pasteur, un rabbin du langage. Oui, je souhaite écrire encore beaucoup de livres. En ce moment je travaille sur des essais portant sur des écrivains qui comptent énormément pour moi. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, mais ce sont ceux qui m’ont le plus aidé. Je vais souvent visiter les lieux où ils ont vécu. L’année dernière, je me suis rendu à Isle-sur-la-Sorgue, où j’ai vu la tombe et le café de René Char, que je vénère et que j’ai étudié lorsque j’avais 19 ans.

Etes-vous un bon cavalier ?

J. Harrison. Avant, j’étais un cavalier plutôt médiocre, mais je me suis blessé le dos lors d’une chute de cheval, et depuis je ne peux plus monter. Mais j’aime observer les chevaux et leur parler.

Etes-vous jamais tombé amoureux de l’un de vos personnages?

J. Harrison. Oui, j’admets être tombé amoureux de Dalva, qui m’est apparue pour la première fois dans un rêve, nue. C’était extrêmement excitant, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut faire attention à l’amour; dans mon dernier roman, «Une odyssée américaine», mon vieux Cliff tombe amoureux de l’une de ses anciennes étudiantes et sa vie tourne au cauchemar: il doit acheter des médicaments pour son pauvre pénis! Cela est arrivé à bon nombre d’entre nous lorsque nous essayons, terrifiés, de satisfaire le désir des femmes.

Vous préoccupez-vous de votre santé?

J. Harrison. Bien sûr que oui ! Dès le matin, je commence la journée avec 9 cigarettes et 9 cafés ! Ma santé n’est pas très bonne. J’ai du diabète, de l’hypertension, des problèmes cardiaques, des calculs rénaux, et un état de mélancolie permanente!

Jim Harrison (Andersen-Sipa)JIM HARRISON (1936-2016), ici en 1998. (©Andersen / Sipa)

Allez-vous souvent au cinéma?

J Harrison. Je suis obsédé par les films depuis que je suis jeune ! J’ai grandi dans un petit village où la place de cinéma ne coûtait que 12 pennies (12 centimes de dollar !). Je n’ai pas de télé chez moi, mais j’ai un projecteur et je termine souvent une longue journée en regardant un film.

Croyez-vous au surnaturel?

J Harrison. Naturellement j’y crois. J’ai reçu des instructions spéciales directement envoyées par les dieux. J’ai publié un livre aux Etats-Unis intitulé «A la recherche des petits dieux». Un seul Dieu ne peut, à lui seul, créer 19 milliards de galaxies. D’ailleurs, s’il existe 19 milliards de galaxies, pourquoi moi, je n’aurais pas une âme? Aussi infiniment petite soit-elle. Peut-être aussi petite qu’un photon, ou encore mieux, que l’un de mes neurones? Ne pas croire en la résurrection a toujours été inconcevable pour moi. Mais je constate de plus en plus les dangers du monothéisme en ce bas monde.

Vieillir, est-ce un problème pour vous?

J Harrison. Pas du tout. Comment peut-il en être autrement? De toute façon, les plus belles femmes du monde peuvent être séduites avec une montre chinoise bon marché!

Propos recueillis par Didier Jacob,

traduction Dana Burlac

Une Odyssée américaine, par Jim Harrison,

traduit de l’anglais par Brice Matthieussent,

Flammarion, 320 p., 21 euros.

Du même auteur, «Retour en terre», 10-18, 330 p., 8 euros.

« Dieu a trop à faire en Syrie pour surveiller notre vie sexuelle » : grand entretien avec Jim Harrison

Jim Harrison (Sipa)
Jim Harrison en 2004 (©Baltel/Sipa)

Ce que raconte Jim Harrison dans « Une Odyssée américaine »

Ancien prof de lettres, Cliff vient d’être largué par sa femme après trente-huit ans de mariage. L’occasion d’un amour sabbatique? Il noie son chagrin avec Marybelle, une étudiante qui a perdu depuis longtemps sa timidité. Mais Cliff se console surtout dans les bras de l’Amérique, qu’il traverse de part en part de manière hélas non écologique (il roule dans un gros 4 X4 Tahoe).

C’est l’occasion d’un nouveau roman d’aventures en Technicolor, où l’hommage aux grands écrivains le dispute à l’évocation des horizons immenses, et où Harrison démontre une nouvelle fois que nul ne parle mieux que lui de cette vie qu’il aime tant, quand il raconte par exemple une partie de pêche à la mouche et décrit ce geste d’une infinie douceur – celui de rendre à la rivière fabuleuse, comme on couche un enfant qui s’endort, la truite de trois livres, à peine prise, qui s’éloigne tranquillement.

Source: « le Nouvel Observateur » du 26 mars 2009.

Le génie est-il dans la bouteille ? Enquête sur les écrivains et l’alcool

Les 1ères pages d' »Une odyssée américaine » de Jim Harrison

Pakistan: au moins 72 morts dans un attentat-suicide à Lahore

Au moins 72 personnes sont mortes dans un attentat-suicide dimanche soir près d’un parc bondé de Lahore, grande ville de l’est du Pakistan, où des chrétiens célébraient les fêtes de Pâques. 

L’attentat a été revendiqué par les talibans pakistanais, qui ont déclaré avoir visé spécifiquement la communauté chrétienne. Mais selon l’inspecteur de police adjoint Haider Ashraf, la majorité des victimes sont musulmanes.

Le bilan s’établissait tôt lundi matin à 72 morts, a-t-il dit à l’AFP. Selon un responsable des services de secours, 29 enfants ont été tués, ainsi que 7 femmes et 36 hommes.

Le puissant chef d’état-major, le général Raheel Sharif, a indiqué avoir présidé une réunion de haut niveau afin de coordonner la réponse à cet «attentat-suicide» et «d’amener devant la justice les assassins de nos frères, soeurs et enfants». 

«Nous avons perpétré l’attentat de Lahore car les chrétiens sont notre cible», a déclaré à l’AFP par téléphone Ehsanullah Ehsan, le porte-parole du Jamaat-ul-Ahrar, une faction des talibans. 

«Nous commettrons d’autres attentats de ce type à l’avenir», a-t-il ajouté. «Les infrastructures de l’armée et du gouvernement pakistanais, les écoles et les universités figurent aussi parmi nos cibles», a-t-il dit. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier commis cette année au Pakistan. 

«Explosifs très puissants»

La déflagration s’est produite dans un parking près du parc Gulshan-e-Iqbal, proche du centre-ville. «C’était une explosion très forte et des explosifs très puissants ont été utilisés», a indiqué à l’AFP un responsable de police, Haider Ashraf. 

«Le parc était bondé», a-t-il ajouté, soulignant que des billes métalliques ont été retrouvées sur place.

Un médecin a décrit des scènes d’horreur à l’hôpital Jinnah où il opère. «Nous les soignons (les blessés) par terre et dans les couloirs, et il continue d’en arriver», a-t-il ajouté.

Le Premier ministre Nawaz Sharif a condamné cet attentat, et a reçu un appel de son homologue indien Narendra Modi exprimant sa sympathie. La Maison Blanche a également condamné un «effroyable acte terroriste».

La jeune lauréate pakistanaise du prix Nobel de la paix Malala Yousafzaï s’est dite «accablée par cette tuerie dénuée de sens». Un deuil de trois jours a été décrété dans la province du Pundjab, dont Lahore est la capitale.

«Des cris et de la pousièe partout»

Le parc Gulshan-e-Iqbal était particulièrement bondé en ce jour de printemps où la minorité chrétienne célébrait le dimanche de Pâques à Lahore, ville de dix millions d’habitants. 

Javed Ali, un habitant de Lahore dont la maison est située juste en face de l’entrée du parc, a raconté à l’AFP avoir entendu «une énorme explosion (qui) a fait voler les fenêtres en éclats». «Tout tremblait, il y avait des cris et de la poussière partout».

«Dix minutes plus tard je suis sorti. Il y avait de la chair humaine sur les murs de notre maison. Les gens pleuraient, je pouvais entendre les ambulances», a-t-il poursuivi.

Le parc, où il se trouvait lui-même quelques heures plus tôt, était «plein de monde à cause de Pâques, il y avait beaucoup de chrétiens là-bas. Il y avait tant de monde que j’ai dit à ma famille de ne pas y aller».

Au Pakistan, des groupes islamistes armés ciblent parfois la minorité chrétienne qui représente environ 2% de la population de ce pays majoritairement musulman sunnite de 200 millions d’habitants.

Au cours des dernières années, des églises ont été la cible d’attaques à Lahore, fief du Premier ministre Nawaz Sharif dans la province du Pendjab.

Quelques chrétiens ont aussi été accusés d’avoir offensé l’islam, un crime passible de la peine de mort au Pakistan, selon une loi controversée sur le blasphème.

Des heurts ont par ailleurs éclaté dans la capitale Islamabad et sa ville jumelle de Rawalpindi entre la police et des milliers de partisans d’un islamiste pendu le mois dernier, Mumtaz Qadri.

Quelque 25000 d’entre eux s’étaient réunis plus tôt dans la journée à Rawalpindi pour des prières commémoratives, avant d’avancer, armés de pierres, vers la capitale quadrillée de centaines de policiers et de paramilitaires.

Munis de boucliers et de bâtons, les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes. L’armée a été déployée dans la capitale pour «contrôler» la situation et assurer la sécurité de la zone autour du Parlement, où des manifestants se sont rassemblés dans la soirée, selon un porte-parole de l’armée. 

Ils s’y trouvaient toujours tard dimanche, criant des slogans, a constaté un journaliste de l’AFP. Des négociations étaient en cours pour qu’ils quittent les lieux, a indiqué la police.

L’exécution le 29 février de Mumtaz Qadri avait été perçue comme un moment charnière dans la lutte contre l’extrémisme religieux dans ce pays musulman.

Mais elle a aussi ulcéré nombre de courants islamiques qui avaient érigé Mumtaz Qadri au rang de héros pour avoir abattu en 2011 Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, qui s’était déclaré favorable à une révision de la loi sur le blasphème, défendue bec et ongles par les conservateurs.

AFP

Pays-Bas: interpellation d’un Français suspecté de préparer un attentat

La police néerlandaise a arrêté dimanche à Rotterdam un Français de 32 ans suspecté d’avoir été impliqué dans la préparation d’un attentat, a indiqué le parquet, soulignant que l’opération avait été menée à la demande de Paris.

Cet homme est soupçonné d’avoir été mandaté par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) pour commettre un attentat en France avec Reda Kriket, interpellé jeudi en banlieue parisienne, a indiqué une source policière française.

Selon cette source, le suspect arrêté à Rotterdam était parti en Syrie pour le jihad, à une date indéterminée.

Un mandat de recherche avait été émis par la France à l’encontre de ce natif de la région parisienne le 24 décembre 2015 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, selon la même source.

«Les autorités françaises ont demandé vendredi l’arrestation de ce Français» qui est suspecté «de préparation d’un attentat terroriste», avait indiqué le parquet néerlandais plus tôt dans un communiqué.

L’homme sera livré à la France «sous peu», a ajouté le parquet, sans préciser si ce suspect était concerné par les attentats de Paris ou non.

Cela peut prendre «plusieurs jours», a précisé à l’AFP le porte-parole du parquet, Wim de Bruin, refusant de fournir des détails sur le suspect: «il s’agit d’une enquête française», a-t-il ajouté.

Trois autres suspects ont été interpellés, dont deux hommes de 43 et 47 ans d’origine algérienne, ajoute le parquet. Aucun détail n’est encore connu sur la troisième personne interpellée. Le Français séjournait chez l’un d’entre eux, assurent les médias néerlandais. 

Des perquisitions ont eu lieu dans le quartier de Rotterdam-Ouest, dans deux rues distinctes. Selon des images diffusées par la télévision publique NOS, la police a d’abord envoyé un chien dans les logements où se sont déroulées les perquisitions, à la recherche d’explosifs.

Plusieurs maisons aux alentours ont été évacuées «par précaution», souligne le parquet. 

Reda Kriket, 34 ans, avait été interpellé jeudi à Boulogne-Billancourt, ville de l’ouest parisien, pour un projet d’attentat en France «à un stade avancé», selon le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Des fusils d’assaut et des explosifs avaient été retrouvés dans son appartement, situé dans une autre commune de la région parisienne.

Reda Kriket avait été condamné en son absence à Bruxelles en juillet 2015 avec Abdelhamid Abaaoud lors d’un procès d’une filière jihadiste vers la Syrie. Tué cinq jours après les attentats de Paris, Abaaoud est suspecté d’avoir eu un rôle-clé dans les attaques du 13 novembre.

Né à Courbevoie en région parisienne, Reda Kriket résidait à Ixelles, commune cosmopolite de Bruxelles, lorsqu’un mandat d’arrêt international a été émis contre lui en mars 2014. Il a également été condamné plusieurs fois en France pour des délits de droit commun, a indiqué une source proche de l’enquête, sans donner de détails.

AFP

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