Adam Laloum : clavier bien inspiré

La silhouette longiligne jusqu’au bout des doigts, presque fragile, le vêtement à peine apprêté quand il entre sur scène, Adam Laloum n’a pas l’attitude d’un conquérant. Et lorsque les derniers accords résonnent sous ses mains, il a le salut modeste, encore étonné de susciter tant d’enthousiasme. Le public, séduit, loue son jeu nuancé et intense, son timbre poétique qui force l’admiration.

Originaire de Toulouse, le pianiste de 28 ans récolte des lauriers et affirme sa singularité au milieu de la pépinière de virtuoses de sa génération. Chambriste, en récital ou avec orchestre, il est de tous les festivals qui comptent et ses disques collectionnent les récompenses (> voir sa discographie). Le prochain album Schubert – Schumann a été enregistré cet été.

Pourtant sa rencontre avec le piano a bien failli être contrariée. Il n’a que six ans quand un professeur décrète qu’il n’est pas fait pour le clavier. Mais le bel instrument trône toujours à la maison, joué par le grand frère Tom, et la légende familiale raconte qu’une tante musicienne amatrice lui redonne le goût du piano.

Avec quelques notions de solfège, l’enfant fait ses premières gammes en autodidacte, déchiffrant toutes les partitions à portée de main, avant de ressentir, à dix ans, le besoin d’aller plus loin et de prendre au sérieux cet objet de désir. Commence alors un parcours classique d’instrumentiste : direction le conservatoire de Toulouse, avant d’intégrer à 15 ans le Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris.

Mais c’est après ses années de formation, qu’il va réellement apprendre en quoi consiste le métier de musicien, notamment en côtoyant des professeurs pour lesquels il a la plus vive reconnaissance : Daria Hovora, Claire Désert, qui le fait jouer en petits concerts privés, Jean-Claude Pennetier, rencontré lors de l’Académie Maurice Ravel qui lui dévoile l’importance de se donner entièrement à son art et Evgeni Koroliov dont il suit régulièrement l’enseignement à Hambourg.

« Il ne brûle pas les étapes »

C’est en jouant le 24ème concerto en ut mineur de Mozart, qu’Adam Laloum remporte en 2009, le prestigieux concours Clara Haskil qui fait la part belle aux musiciens plutôt qu’aux virtuoses, le propulsant comme par surprise sur le devant de la scène. Voilà ce qui rend le jeu d’Adam Laloum si particulier : un mélange de force et de tendresse, de puissance et de délicatesse, d’urgence et de contrôle ; sans esbroufe, sans effet de manche, tout en simplicité et subtilité.

D’année en année, le jeune homme discret et attachant gagne en assurance et en légèreté. Il cache sous une apparence juvénile une tête bien faite et une grande maturité d’esprit. René Martin, directeur artistique du festival de la Roque-d’Anthéron et fondateur du label Mirare, atteste :

Adam a cette richesse qu’on doit avoir quand on mène une carrière. Il ne brûle pas les étapes. Il est très lucide. Il a conscience de ce dont il a besoin sans se laisser happer par les compliments. Après chaque concert, il sait exactement comment il a joué. C’est ce qui lui permet de grandir. »

« On apprend de tout le monde »

La vie d’un concertiste est rude, confesse Adam Laloum : « Il faut être fort mentalement, savoir prendre du recul et s’endurcir pour gérer la pression des concerts qui se suivent avec des programmes très différents, tout en gardant l’exigence artistique. Si l’on n’est pas bien organisé, on peut se retrouver dans des situations très difficiles ». Les moments de pause sont rares. Pas facile de jouir d’un temps libre sans culpabiliser. « Quand on est musicien, on n’a jamais l’esprit tranquille, et la culpabilité est un frein à l’épanouissement ».

L’artiste a toujours développé un penchant pour la musique de chambre qu’il cultive avec bonheur. Avec deux amis du Conservatoire, la violoniste Mi-Sa Yang et le violoncelliste Victor-Julien Laferrière, il fonde en 2012 le trio Les Esprits qui se produit régulièrement en concert :

J’aime cette idée du collectif qui nous empêche de nous centrer sur notre propre nature, nos petites angoisses personnelles. C’est important de côtoyer d’autres musiciens. On apprend de tout le monde. Jouer avec quelqu’un d’autre, ça ouvre l’esprit et l’on se ressource ».

De cette passion et d’un coup de cœur pour un village des Corbières a germé l’idée d’un festival, réunissant une quinzaine d’interprètes, Les Pages musicales de Lagrasse, dont la première édition se déroule en ce début septembre (2 au 12). Endossant le rôle de directeur artistique, Laloum s’enflamme : « C’est une belle réussite, en partie grâce à la générosité des habitants de la commune. Nous attirons chaque soir 150 personnes dans une église qui ne compte pas beaucoup plus de places ».

Quand on lui demande de raconter une de ses plus belles expériences musicales, il répond : « C’était le premier soir du festival, quand j’ai joué après avoir réglé des détails techniques et ensuite, assis dans la salle en écoutant mes amis inspirés et épanouis donner le quintette à deux violoncelles de Schubert ».

La musique, c’est avant tout cela. Des moments de partage et de dialogue entre musiciens qui s’estiment.

Lise Tiano

Discographie

2011 : Brahms, pièces pour piano. Mirare

2013 : Schumann, Grande Humoresque et sonate N°1 opus 11. Mirare

2013 : Schumann, Schubert, Brahms avec Lise Berthaud à L’Alto. Aparté

2014 : Brahms : Sonates N°1 et 2 pour Clarinette et piano ,Trio en la mineur pour clarinette, violoncelle et piano avec Raphaël Sévère et Victor-Julien Laferrière. Mirare

2014 : Trio les Esprits : Beethoven,Trio en mi bémol majeur opus 70 n°2, SchumannTrio n°3 en sol mineur opus 110 . Mirare



Dates

1987 : Naissance à Toulouse

2002 : Entrée au CNSMD de Paris dans la classe de Michel Béroff

2007 : Participe à l’Académie Maurice Ravel et obtient le prix Maurice Ravel

2009 : Premier prix du concours Clara Haskil de Vevey

2011 : Premier disque Brahms

2012 : Nominé aux Victoires de la Musique

2012 : Fonde le trio « Les Esprits »

2013 : Disque Schumann

2015 : Création du festival Les pages musicales de Lagrasse

About the author

A propos

FRANCE MEETINGS EST UN PETIT BLOG SANS PRÉTENTION SUR LE BEAU PAYS QU'EST LA FRANCE. C'EST DE L'ACTU, DE LA CULTURE, DE LA POLITIQUE, DE L'ECONOMIE... TOUT SUR LA FRANCE.