Lana Del Rey est bonne à marier dans « Honeymoon »

Avec sa bouche Art déco et sa choucroutante chevelure, elle semble tellement chic et bizarre qu’elle pourrait vendre de la barbe à papa dans les allées de Dismaland, le parc d’attractions baroque de l’artiste contemporain anglais Banksy. L’Américaine Lana Del Rey publie « Honeymoon », son troisième album, qui a fuité sur internet deux jours avant sa parution officielle, comme pour rappeler que les objets de désir sont des êtres de fuite.

Ici, tout est langueur, élégie boudeuse, torch song et dolorisme bleu. Les guitares aux vibrations « twang » des années 1950, remises en goût en 1990 par le générique de « Twin Peaks », flirtent avec de timides cuivres ou des roulements de caisse claire hip-hop programmés au Roland TR-808.

« Nous savons tous les deux qu’il n’est plus à la mode de m’aimer », chante Del Rey, non sans coquetterie, pour ouvrir « Honeymoon », le premier morceau du disque : une jolie ballade ténébreuse, sursaturée de violonnades qui semblent hésiter entre les cordes de Sinatra période « I’m a Fool To Want You » et celles du compositeur John « 007 » Barry.

14 chansons nuptiales

A propos de James Bond, on note que sur le refrain de « Terrence Loves You », chanson opium où sa voix onirique brille de toutes ses rivières de strass et de diamants, la chanteuse, qui se décrit elle-même comme une « Nancy Sinatra gangsta », « carjacke » sans vergogne la mélodie de « You Only Live Twice », la BO de… Nancy Sinatra.

Lana Del Rey semble partager avec Beth Gibbons, la chanteuse de Portishead, une obsession pour John Barry. Disons aussi que le refrain de « Music to Watch Boys To » déconstruit (restons courtois) celui de « California Dreamin’ » des Papas & Mamas. Ce qui n’empêche pas ce titre de figurer parmi les meilleurs du disque, avec l’agréable petit tube « High by the Beach », « 24 » ou « Swan Song » où Lana adopte délicieusement les accents de Marlene Dietrich (écoutez sa voix entre 1 min 21 et 1 min 26).

En revanche, il faut vite oublier une reprise ridicule de « Don’t Let Me Be Misunderstood » de Nina Simone. Faisons le compte pour le consommateur par temps de crise : il y a sur « Honeymoon » 14 chansons nuptiales. Une petite moitié est mirifique : on peut leur mettre la bague au doigt ; une grosse moitié est soporifique : on demande le divorce.

Fabrice Pliskin

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