Les polémistes de droite à la fête

Les intellectuels doivent bien exister, mais ils se cachent. Ils ont disparu du paysage médiatique. Un prof d’Oxford, Sudhir Hazareesingh, auteur d’un récent livre sur le débat d’idée en France a publié un article sur le sujet sur le site Politico. Titre : « The decline of the French intellectual » (le déclin de l’intellectuel français). Il constate qu’en dehors des penseurs médiatiques « superficiels » (BHL), on ne croise plus que des intellectuels pessimistes et anti-modernes (Onfray, Debray, Finkielkraut, Houellebecq…).

Ils voient tout en noir et tout au passé. Rien à voir avec les intellectuels d’antan, ceux « de gauche », qui pensaient tout en termes de lutte, de progrès, d’avenir. Et il n’est pas étonnant que l’extrême droite, qu’elle soit lepéniste ou buissonnienne, les invoque à tout bout de champ.

Comme par un jeu de vases communicants, l’effacement des intellectuels de gauche s’accompagne d’un essor des polémistes de la droite dure. Ils n’avaient jamais vraiment disparu, mais ils étaient jusque-là bien moins populaires : leur production restait confidentielle. Aujourd’hui, leurs livres aux titres effrayants sont des best seller : « La France Orange mécanique », « Le Suicide français », « Le Grand remplacement », « Ce Pays qu’on abat »…

Faute d’antidote, ils instillent goutte par goutte dans le débat public des idées saumâtres qu’on pensaient oubliées. A l’instar de Nadine Morano, on peut désormais affirmer benoîtement à la télévision que la France est « un pays de race blanche », en s’abritant certes sous les mots prêtés au Général de Gaulle, un homme né en 1890. On parle de rétablir la peine de mort (la moitié des Français n’y est-elle pas favorable ?). On parle d’instaurer la préférence nationale (« qui-a-toujours-existé-regardez-le-statut-des-fonctionnaires »). On reparle du « droit du sang ». On va jusqu’à remettre en cause le principe, pourtant évident, d’asile politique.

« On parle de cette question de race »

De nouveaux visages d’extrême droite, jeunes, apparaissent sur les écrans. Courtois, policés. Côté FN, il y a eu Marion Maréchal Le Pen. Côté Buisson il y a maintenant Geoffroy Lejeune, 27 ans, rédacteur en chef de « Valeurs Actuelles », qui porte son sang neuf jusque dans son patronyme. Samedi soir, sur le plateau de « On n’est pas couché » de France 2, on l’a vu présenter son livre, « Une élection ordinaire », où il imagine Eric Zemmour devenir président. Lejeune explique d’abord qu’il en a marre, vraiment, d’être traité de fasciste. Puis il se félicite du réveil des questions identitaires. Et donc des questions raciales, car, comme il l’explique sans frémir :

La thématique raciale aujourd’hui, on appelle cela ‘identitaire’ pour faire propre, mais la vérité, c’est qu’on parle de ça, on parle de cette question de race. »

A quiconque l’accuserait de réveiller un débat irrespirable, il a une réponse rhétorique toute prête : ce n’est pas moi qui aie commencé à parler de race, c’est SOS racisme avec ses billevesées « black blanc beur »… Ses propos passent en douceur, c’est la ouate. Les hôtes de l’émission vantent son livre intelligent, son « courage »… Seul un invité finit par s’étrangler, l’écrivain et dramaturge Xavier Durringer, qui s’alarme, ému, du retour d’un discours ‘vraiment d’extrême droite’ :

Avant, ils pensaient mais ne se permettaient pas de parler. Maintenant ils commencent à parler. Et demain, ce sera l’action, et c’est ça qui est terrible ».

Face à ce jeune homme calme, souriant et urbain, la prophétie lugubre et maladroite de Durringer tombe à plat. Geoffroy Lejeune n’a plus qu’à se frotter le nez en esquissant un demi-rictus. Son silence dit poliment : Ca y est, vous voyez, qu’est-ce que je disais, on me traite encore de fasciste…

Pascal Riché

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