Dans les ateliers aux cuirs racés de La Contrie

« La facilité mène aux difficultés. » La phrase, élégamment calligraphiée, est accrochée au mur de l’atelier, au sous-sol de la boutique située rue de la Sourdière, dans le 1er arrondissement de Paris. Cette devise, chère à sa famille, Edwina de Charette en a fait son sacerdoce.

« C’est dans mon sang, je ne sais pas faire autrement. Quoi que j’entreprenne, je le fais à fond. Je suis extrêmement perfectionniste. Et vraiment bien faire les choses, c’est forcément complexe »

explique la jeune femme avec ses grands yeux clairs écarquillés.

De la détermination, Edwina a dû en faire preuve pour se lancer dans la maroquinerie. Depuis 2011, cette ancienne journaliste œuvre au calme dans sa petite boutique-atelier et propose à une clientèle sophistiquée un service ultra luxe : des sacs et des petites pièces de maroquinerie entièrement personnalisables, directement confectionnées par des artisans : « de la slow maroquinerie façon Savile Row », selon ses propos.

Edwina pose avec son équipe / porte-cartes en veau lisse / Marie, récemment embauchée, prépare un zip pour un porte-documents (photos Marie-Amélie Tondu)

Rien ne destinait Edwina à piquer du cuir. Elle est en pleine reconversion quand l’aventure débute, en 2009. Elle a quitté son poste de rédactrice en chef de l’émission Paris Dernière depuis quelques années et se consacre à l’éducation de sa fille. Insatisfaite des sacs à main proposés dans le commerce, elle décide de créer le sien. Avant de rapidement déchanter. « Je ne comprenais pas », répète-t-elle à plusieurs reprises encore effarée.

Je ne comprenais pas pourquoi c’était si compliqué, en France, de se faire faire un sac sur mesure. C’était soit moche, soit hors de prix, soit les deux. Je voulais un truc tout simple et intemporel. Mais strictement rien de ce que l’on me proposait ne me convenait. »

Pas du genre à abandonner quoi que ce soit, Edwina s’entête. « Je suis allée au salon du cuir, et j’ai cherché. Cherché des maroquiniers et des fournisseurs. Ça a pris beaucoup de temps, mais j’ai fini par trouver. » Elle finit par s’entendre avec un artisan qui a œuvré dans plusieurs maisons de luxe. Lui, de son côté, est impressionné par la qualité des cuirs sélectionnés par la jeune femme, alors complètement novice. Elle, du sien, sent que son histoire avec le cuir ne fait que débuter : « Sans savoir, j’avais choisi les meilleurs fournisseurs. Il est resté bouche-bée. Ça m’a donné confiance en moi. C’était facile, instinctif de travailler cette matière. J’ai appris à coudre très vite aussi.« 

Teinture d’un garant de fermeture à glissière effectuée à la main / les plaques en laiton massif sont chauffées pour marquer le cuir (photos Marie-Amélie Tondu)

Pour Edwina, désormais à la tête d’une enseigne qui fait travailler trois artisans à temps complet, être un bon maroquinier, c’est comme être un bon cuisinier ou pâtissier. Il y a la technique oui, mais pas seulement : « C’est une histoire de feeling. Le cuir, il faut le sentir, le comprendre. J’ai vu des débutants mieux travailler que certains artisans qui ont bossé pendant des années dans de très grandes enseignes. La “maro”, tu l’as ou tu ne l’as pas, c’est une logique, un amour particulier. » Un truc un peu magique, une affaire de goût aussi. « Je ne suis pas dupe, c’est aussi mon background, j’ai été habituée à avoir de jolies choses. Ma mère était peintre, ma famille est dans le vin et dans le champagne depuis des années. J’ai été élevée dans l’idée que le beau ne triche pas. Tu ne peux pas mentir : ton vin, il est bon ou il ne l’est pas.« 

Un conditionnement dont la jeune femme ne se cache pas, comme de son « nom à rallonge », dont La Contrie est extraite. Edwina est une aristocrate, une vraie mais fan d’art contemporain, de graffiti et de hip-hop. Sa marque, elle l’a conçue à son image : aussi racée que cool, traditionnelle que moderne. Un savant dosage que l’on retrouve plutôt chez les aristos anglais, celui d’une élégance toujours infusée d’excentricité. L’automne dernier, elle a signé un sac, en collaboration avec Off/White, la griffe de streetwear ultra luxe créée par Virgil Abloh, l’ancien directeur artistique de Kanye West.

En fait, aussi différents que nos univers et nous étions, on avait vraiment un truc en commun : l’idée que le luxe, c’est avant tout des choses bien faites, dans de très belles matières, avec du temps et du respect. »

Les modèles en veau lisse ourlés de cordon marin multicolore / Jérémy prépare une poignée ronde appelée Toron / un détail du sac Rohan, l’étendard de la maison (photos Marie-Amélie Tondu)

Pour définir son enseigne, Edwina de Charette parle d’un « goût très français, sobre », mais qu’elle « aime bien twister », à l’image de son nouveau modèle, en sublime cuir naturel, mais ourlé d’un fin cordage de marin multicolore. « Il faut savoir se réinventer, mais il faut rester fidèle à ce que l’on est. Parfois, si je m’écoutais, je mettrais des franges partout. Mais La Contrie doit rester intemporelle, on ne doit pas être à la mode, mais de toutes les modes.« 

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