Pour Gaudin, une nouvelle casquette au bout d’un psychodrame

Maryse Joissains a raté son coup de poker. La présidente de la Communauté du pays d’Aix (CPA) n’a pas réussi à faire plier les élus de la future métropole Aix-Marseille-Provence, qui ont finalement désigné ce lundi matin le premier président. C’est Jean-Claude Gaudin qui prend la tête de l’institution, qui verra officiellement le jour le 1er janvier. Le maire de Marseille a été élu par 119 voix après une séance épique qui a clos un week-end de farce politico-médiatique opposant anti et pro-métropole.

Tout démarre vendredi soir, après que le tribunal administratif de Marseille a suspendu deux arrêtés préfectoraux fixant le nombre et la répartition des sièges de la future métropole. A l’origine de la procédure, quatre maires de communes proches de Marseille – Eguilles, Cabriès, Pertuis et Gardanne – qui jugeaient que les grandes villes étaient sur-représentées parmi les 240 conseillers métropolitains, les petites cités ne disposant, elles, que d’un siège. Sans se prononcer sur le fond, le juge a renvoyé la balle au Conseil d’Etat, mais en attendant sa décision, la validité de l’assemblée de ce matin était sur le tapis. Suffisamment pour annuler la réunion, a estimé Sylvia Barthélémy : samedi, la présidente (UDI) de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne, qui a convoqué l’assemblée de ce matin, avait jugé «inenvisageable dans un tel chaos» sa tenue. Fin du premier acte.

«Tu veux des coups ?»

C’était sans compter sur Maryse Joissains. Farouche opposante à la métropole, la maire LR d’Aix, qui a elle-même déposé un recours directement devant le Conseil d’Etat, a voulu lancer son pavé  dans la mare en utilisant son statut de doyenne des six présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concernés par la métropole. Ironie du sort, la loi la désigne en effet comme présidente de cette première séance. Dans la foulée de l’annonce de Sylvia Barthélémy, elle a publié un communiqué, dimanche, pour demander la tenue coûte que coûte de l’assemblée. Non pas pour élire le futur président, comme le prévoit l’ordre du jour, mais pour suspendre elle-même la séance. Les élus se questionnent : vu le flou ambiant, y aller ou pas ? C’est Jean-Claude Gaudin qui tranche dans la soirée, invitant ses partisans à se présenter pour l’assemblée. Les autres décident de suivre. Fin du deuxième acte.

Ce lundi matin, en s’installant à la tribune, Maryse Joissains avait encore le sourire : dans la salle, la quasi-totalité des élus avaient répondu présents. «Nous ne sommes pas ennemis, a cru bon de préciser l’élue. Mais nous sommes un certain nombre à contester cette métropole. Le jugement du tribunal administratif est exécutoire, il m’appartient que cette décision de justice soit respectée. J’ai ouvert la séance et j’entends bien la fermer sans qu’il n’y ait de vote !» Dans la salle, le brouhaha s’installe. «On ne va pas dire que, parce qu’on est à Marseille, on ne peut pas respecter une décision de justice !» poursuit la présidente de séance. Les huées fusent. Tour à tour, plusieurs élus demandent la parole. Face au blocage, les pro-métropoles demandent alors à la présidente de séance de partir. «Oh, tu veux des coups ?» rétorque alors Maryse Joissains à l’élue qui lui demandait de laisser sa place. La maire d’Aix ne mettra pas ses menaces à exécution, décidant finalement de quitter l’assemblée, suivie par ses partisans.

«Ne pas être surpris»

Guy Teissier, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et suivant dans l’ordre d’âge, reprend la séance. Il faut recalculer le quorum suite au départ des frondeurs. Il reste 169 élus dans la salle, suffisamment pour procéder à l’élection. Jean-Claude Gaudin fait le plein de voix dans son camp, raflant même quelques votes chez les élus de gauche, même si ces derniers se sont majoritairement abstenus. Les élus Front national avaient, eux, décidé de quitter la salle. Hervé Fabre Aubrespy, le maire de Cabriès, candidat de dernière minute – alors même qu’il était de ceux qui avaient déposé un recours – n’a obtenu lui que 13 voix.

«Aujourd’hui, ce qui compte, c’est qu’on soit préparé pour ne pas être surpris le 1er janvier 2016, a tranché Jean-Claude Gaudin pour sa première intervention à la tribune. Je souhaite travailler avec les six présidents d’EPCI, avec les 92 maires de notre périmètre.» Avant, plus tard dans la journée, de commenter la sortie de sa partenaire aixoise : «Vous ne pouvez pas dire à la va vite à 200 élus qui se sont déplacés : « Vous allez entendre mes formules et après ça, la séance est levée. » Les gens qui portent des écharpes tricolores doivent respecter la loi, même si ça ne leur plaît pas.» De son côté, Maryse Joissains n’a pas l’intention d’en rester là. «Quand on m’attaque à la kalachnikov, je ne vais pas sortir le fleuret moucheté», a-t-elle rétorqué après sa sortie. Les premiers recours en justice contre le vote ne devraient pas tarder.

Stéphanie Harounyan Correspondante à Marseille

Leave «Mediapart» alone

Édito

Mediapart et Arrêt sur images ont-ils eu raison de s’auto-attribuer une TVA réduite de 2,1%, au lieu du taux officiel de 19,6% auquel ils ne pouvaient pas prétendre ? Clairement, la loi ne plaide pas pour les deux sites. Sans rentrer dans les détails, l’administration fiscale peut enquêter et notifier des redressements, surtout s’il estime qu’entre 2008 et 2014 les deux sites ont accumulé délibérément les impayés. Mediapart, qui fustige les petits et gros arrangements des politiques et contribuables avec l’impôt, savait qu’elle se ferait attraper par la patrouille. Voilà pour la loi. Mais quid de l’esprit de la loi ?

Il était anormal de réclamer à ces sites, qui pratiquent le même métier que ceux dépendant d’un journal papier traditionnel, un taux de TVA de 19,6%. Soit 17,5 points de plus qu’un site «traditionnel», comme celui de Libé par exemple. Il y a clairement eu pendant ces six ans une distorsion de concurrence qui n’avait pas lieu d’être. D’ailleurs, depuis 2014, la loi a changé. Le taux réduit de 2,1% s’applique désormais à tous, pure-players comme sites traditionnels. La désobéissance fiscale de Mediapart et d’Arrêt sur images est d’autant plus légitime que le site aurait sans doute eu du mal à percer, s’implanter et créer des emplois (et s’arroger, en plus d’une TVA réduite, le titre de modèle unique du journalisme de qualité. Passons) s’ils avaient suivi la loi à la lettre en payant l’impôt.

Comme Mediapart, beaucoup de nouveaux entrants bousculent l’ordre établi par les vieux modèles en jouant avec les frontières de la légalité. Internet fourmille d’exemples de sites, d’applications ou de plateformes qui ont contraint les lois à s’adapter aux nouveaux usages. Les services de vidéo à la demande, pour ne citer qu’eux, seraient encore à l’âge de pierre s’il n’y avait pas eu les premiers protocoles de P2P au début des années 2000. Emmanuel Macron lui-même l’a rappelé ce lundi encore en défendant son futur texte sur les «nouvelles opportunités économiques» : «On a été malthusien en protégeant trop fortement les secteurs traditionnels au détriment de la disruption.» Pensait-il à Mediapart, qui doit désormais 4,1 millions au fisc, et à Arrêt sur Images (500 000 euros à recouvrer). Grâce à la mobilisation de leur communauté et leur bas de laine, ils passeront l’hiver. Mais Bercy serait bien avisé d’adoucir sa position : la situation des médias français n’est pas assez florissante pour se permettre de plomber des sites d’informations de ce calibre. Surtout ceux qui commencent à réussir.

Johan HUFNAGEL

Ce que la France a fait aux Kanaks… raconté par les Kanaks

En 1917, les Kanaks ont fait la guerre. Deux fois. La première contre les Allemands, sur les fronts de la Marne, aux côtés d’autres unités supplétives, spahis marocains et tirailleurs sénégalais.

La seconde contre les Français, sur la Grande Terre, en Nouvelle-Calédonie. Cantonnés depuis 1876 dans des «réserves» étriquées, soumis depuis 1887 à une série de règlements discriminatoires (le Code de l’Indigénat), décimés par les corvées et les maladies nouvelles, dépossédés de leurs terres au profit des mines et du bétail, les Kanaks avaient de bonnes raisons de se soulever contre l’administration et le colonat européens.

Ils s’y étaient d’ailleurs déjà risqués en 1878, lors d’une insurrection qui avait fait près de 1000 morts dans leurs rangs. Arbitraires et cruelles, les levées d’hommes de 1914-1916 accrurent jusqu’à l’absurde le sentiment d’injustice. Pourquoi donc partir combattre un ennemi lointain pour le compte d’un ennemi intime ?

Escarmouches, rafles, massacre

Le 4 avril 1917, une cinquantaine de Kanaks en armes se rassemblent à Pwënäki pour protester contre la brutalité des policiers du poste de Koniambo, situé près de Koné, dans le nord de l’île. Alerté, le syndic des Affaires indigènes, Auguste-Albert Faure, se rend sur place et propose qu’une réunion d’apaisement se tienne avec le «petit chef» de Koniambo. Pour toute réponse, les hommes commencent à «danser un pilou». Les autorités coloniales prennent la chose pour une déclaration de guerre.

La scène se reproduit à Cému. Là encore, les Français ne comprennent pas grand-chose à ce qui se joue sous leurs yeux. Pour eux, les «cris» sont des insultes, la danse une menace : ils arrêtent le «chef» Noël, que ses hommes libèrent et qui prend le maquis. S’ensuit une guerre d’escarmouches, durant laquelle l’armée française privilégie la stratégie de la «terre brûlée» et ne renâcle pas au massacre, «nettoyant» les hautes vallées à coups de rafles et d’incendies. Une centaine de Kanaks tombent au combat. 78 sont faits prisonniers et jugés fin 1919: 12 sont acquittés, et 2 condamnés à mort. Les autres pourrissent des mois en prison.

La « rébellion de 1917 » pourrait n’être qu’un épisode parmi d’autres d’une longue série de soulèvements qui ébranlent aussi, au tournant des années 1910, le pouvoir colonial français au Niger, dans les Aurès ou au Laos. L’histoire coloniale n’a d’ailleurs jamais passé ces révoltes sous silence.

Simplement, prenant comme à son habitude le parti de l’Europe, elle en a rendu compte dans les termes des militaires qui les avaient écrasées. L’ouvrage d’Alban Bensa, de Kacué Yvon Goromoedo et d’Adrian Muckle nous propose une tout autre façon de procéder.

« Tout ce qui vit a brûlé »

Ce sont les récits kanaks de l’événement qui sont désormais au centre de l’histoire. Des récits patiemment recueillis, un demi-siècle durant, de la bouche même des conteurs et des descendants des insurgés de 1917. Des récits dotés d’une prodigieuse cohérence, mais qui n’obéissent que marginalement aux principes de chronologie et de causalité qui ordonnent les sources françaises. Des récits, enfin, d’une rare splendeur poétique, et qui, déclamés ou psalmodiés – et ici méticuleusement traduits –, nous plongent au coeur des «arts kanaks de la mémoire», dans un monde de lieux-dits où chaque tertre évoque une alliance ou un désaccord.

Car c’est cela, tout d’abord, qui surprend, dans ces épopées en forme de randonnées que sont les ténô: l’importance extrême accordée aux toponymes, comme si le paysage tout entier déployait une chronologie, comme si chacune de ses aspérités était un événement pétrifié.

De retour du front, Bwëungä Cöpiu Göröpwêjilèi écrit en 1919, dans un cahier remis au pasteur Maurice Leenhardt: «L’aigle pêcheur en doux sanglots/Nomme un à un tous les endroits.» Et il ajoute, pour dire la dévastation : «Nous regrettons les lieux sacrés/Car tout ce qui vit a brûlé.»

C’est peu dire que les lieux, sur la Grande Terre, ont une âme. Les maisons, les clans, les pays cultivés abritent des esprits (nyûââ) qui les relient à un passé profond d’où les Blancs sont absents. «Les plantes, les arbres, ce sont des “duéé”, des ancêtres, et ce sont aussi des médicaments qui nous soignent.»

Les récits kanaks de la «guerre de 1917» ne font pas que compléter les comptes rendus des administrateurs français. Ils nous entraînent dans un deuxième monde auquel le pouvoir colonial, en dépit de ses baïonnettes et de ses interprètes, n’a jamais eu accès. Les pasteurs et les gazetiers de Nouméa ont beau affubler les pratiques locales de l’invisible de sobriquets moqueurs – «magies», «superstitions» –, celles-ci résistent à l’assaut de leurs mots et de leur mépris.

Repliée dans les combes où s’étagent les fougères arborescentes, l’histoire des Kanaks continue à s’énoncer dans ses propres termes. Le grand mérite des auteurs des «Sanglots de l’aigle pêcheur» est d’avoir réussi, à force d’érudition mais surtout d’écoute, à l’y débusquer sans la brusquer.

Romain Bertrand

Historien et directeur de recherche à Sciences-Po

Les Sanglots de l’aigle pêcheur. Nouvelle-Calédonie.

La guerre kanak de 1917

par Alban Bensa, Kacué Yvon Goromoedo et Adrian Muckle,

Anacharsis (Toulouse), 716 p. + un CD, 30 euros.

Paru dans « L’Obs » du 29 octobre 2015.

Racisme, pauvreté, capital… 15 intellectuels pour penser autrement

Esther Duflo, l’anti-pauvreté

Ne parlez pas à Esther Duflo d’idéologie, cette chercheuse française installée à Cambridge (Massachusetts), près de Boston, ne croit que ce qu’elle mesure. Elle en a fait une méthode de recherche qui réconcilie régions pauvres et philanthropes milliardaires, pays en voie de développement et multinationales, défavorisés et privilégiés.

Son objectif : ne pas faire confiance aux théories toutes faites pour dépenser l’argent consacré à l’aide au développement ou à la lutte contre la pauvreté, mais organiser des programmes sur le terrain, regarder ce qui marche, le mesurer et, si possible, le répliquer.

Depuis 2003, année où elle a créé le Poverty Action Lab – le Laboratoire d’Action contre la Pauvreté – au Massachusetts Institute of Technology (MIT), 682 évaluations de programmes contre la pauvreté ont été lancées, dans 62 pays. Le Laboratoire lui-même s’est étendu dans le monde entier, il regroupe 127 chercheurs et compte désormais 6 directions géographiques, dont 5 sont pilotées par des femmes. Depuis Paris, le J-PAL (le «J» ajouté à l’acronyme du labo est l’initiale de Jameel, nom d’un richissime homme d’affaires saoudien, ancien élève du MIT, qui le finance) pousse la recherche vers l’Afrique francophone.

Esther Duflo (Emmanuel Polanco)

La dernière obsession d’Esther Duflo, entre ses travaux pour conseiller Barack Obama ou l’ONU sur les objectifs de développement? Trouver le meilleur moyen de soutenir les femmes enceintes et les mères dès la naissance de leur bébé, car les capacités cognitives se développent bien avant l’âge de la scolarisation.

Sophie Fay

Tristan Garcia : face à l’absurde

Le sujet moderne doute. Universaliste, il se retrouve à combattre ceux qui ne le sont pas. Humaniste, il massacre les animaux. Progressiste, il doit admettre que le progrès ne va nulle part. Cet effondrement des certitudes est le grand thème de Tristan Garcia. On le connaît plus comme romancier («la Meilleure Part des hommes») que comme philosophe, ce qui est dommage.

Dans ses essais, il cherche, dit-il, «une sortie non réactionnaire de la Modernité». Il abat les hiérarchies héritées des Lumières, à commencer par la centralité de l’humain dans l’ordre naturel. Peut-on penser la réalité hors de ce qu’on en perçoit? Comment accorder aux animaux une dignité égale à la nôtre? Quel sens donner à nos vies en sachant qu’elles n’en ont pas?

Tristan Garcia (Emmanuel Polanco)

En 2016, il publiera un essai très attendu sur le «nous». Le plus beau, chez Garcia, c’est la manière. Il manipule indifféremment la culture classique et l’avant-garde la plus pointue. Sa radicalité se nourrit de la nuance. Il écrit comme il parle : doucement. Il change des hurleurs habituels.

David Caviglioli

Pascal Blanchard : la fracture coloniale

C’est une histoire qui passe mal, celle de notre empire colonial. Elle a duré quatre siècles, «a développé notre rapport à l’altérité», et elle est devenue ce «non-dit» intellectuel qui nous revient aujourd’hui «comme un boomerang en plein visage». Pascal Blanchard voit dans ce passé le point névralgique de nos déchirements identitaires présents.

Ce spécialiste des immigrations, auteur de «la Fracture coloniale», décrit depuis dix ans une France prise en plein paradoxe : le pays «a vécu une mutation exceptionnelle à travers le phénomène migratoire, puisqu’il s’est métissé en quelques décennies.» Mais, dans les mentalités, «le temps béni des colonies n’est pas révolu» ; Nadine Morano et d’autres continuent de penser que la France peut rester de «race blanche».

Pascal Blanchard (Emmanuel Polanco)

Parce que ni la gauche ni la droite n’ont su ou voulu «décoloniser les imaginaires, déconstruire l’histoire impériale», des générations d’enfants issus de l’immigration coloniale ont été mis à la marge. Pour Pascal Blanchard, tout cela débouche sur cette «guerre des identités qui sera hélas au coeur de la prochaine élection présidentielle».

Elsa Vigoureux

Julien Coupat : la révolution à venir

« Nous vivons des temps radicaux, constatait Julien Coupat dans “l’Obs” en mai dernier. L’alternative entre révolution et réaction se durcit.» Le leader du groupe «de Tarnac» l’affirme : si la décomposition politique en cours profite avant tout en France aux forces fascisantes, ce n’est pas tant parce que «les gens» inclineraient spontanément vers elles, mais parce qu’elles donnent de la voix, tandis que les révolutionnaires aujourd’hui leur cèdent tout le terrain.

Toujours poursuivi dans le cadre d’une affaire ubuesque de sabotage de caténaires SNCF qui lui a déjà valu la prison, le coauteur supposé de «l’Insurrection qui vient» (2007) et d’«A nos amis» (2014), brillants libelles qui furent aussi les seuls grands best-sellers récents de la gauche radicale, ne s’exprime que très exceptionnellement à la première personne.

Julien Coupat (Emmanuel Polanco)

Loin d’une gauche mélenchonienne qui veut «mettre l’humain au centre», Coupat se réclame d’une vision mélancolique de la civilisation occidentale, où les puissances du capital ont mené à la ruine intérieure des individus. Il y a cependant des raisons d’espérer aux yeux de la mouvance anarcho-autonome qu’il incarne: de la Turquie à la place Tahrir, en passant par le val de Suse ou le Québec, des révoltes sont venues depuis 2008.

L’insurrection qui viendra en France, du moins l’espère-t-il, ne découlera pas cette fois d’une idéologie politique, mais de vérités éthiques. «Le dégoût pour la vie qu’on nous fait vivre», essentiellement. Elle sera le fait des «quartiers», des squats, des centres sociaux et d’êtres singuliers. Où l’on retrouve au passage toute la méfiance de l’ultragauche contemporaine à l’égard de la classe ouvrière.

On ne s’interdira pas de regretter que tant d’intelligence critique laisse au sein de cette dernière un boulevard à la fausse révolution national-lepéniste.

Aude Lancelin

Raphaël Liogier : contre le déclinisme

Ses essais sont autant d’uppercuts contre les chantres du déclinisme et leurs prophéties autoréalisatrices. Professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence et au Collège international de Philosophie à Paris, Raphaël Liogier, tour à tour, déconstruit le mythe de l’islamisation qui obsède une Europe narcissiquement blessée, dénonce la falsification d’une laïcité mise au service d’un nouveau «racisme culturel», et décortique les mécanismes de la montée du «populisme liquide» porté en France par le Front national de Marine Le Pen, mais qui se dilue dans toute la classe politique et dissout peu à peu l’état de droit…

Raphael Liogier (Emmanuel Polanco)

Rigoureuse et limpide, l’analyse de Liogier est implacable. Et sa conclusion l’est tout autant: «Ironiquement, écrit-il dans “le Complexe de Suez. Le vrai déclin français (et du continent européen)” (Le Bord de l’eau), ce sont ceux qui hurlent à la décadence, en appellent au retour à la pureté de la nation, à une hygiène culturelle, qui sont le symptôme de la décadence qu’ils dénoncent, et qui participent à son accélération.»

Marie Lemonnier

Cynthia Fleury : philosopher dans la cité

Cynthia Fleury est philosophe. Mais aussi psychanalyste et membre de la cellule d’urgence médico-psychologique du Samu de Paris. Elle intervient à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris, participe à des ateliers de réinsertion, a été nommée au Comité consultatif national d’Ethique… Dans la vie comme dans ses livres, elle s’engage. Car, pour elle, il n’y a pas de démocratie sans l’engagement de tous.

Cynthia Fleury (Emmanuel Polanco)

Après la chute du mur de Berlin, on a pu croire que l’état de droit était là pour toujours, comme garantie perpétuelle de notre épanouissement individuel. Erreur : dans «les Irremplaçables» (2015), Fleury estime que le néolibéralisme menace la démocratie. En marchandisant le monde et en chiffrant nos vies, il met les individus en équivalence, il nous rend remplaçables les uns par les autres.

Pour maintenir la démocratie en vie, il faut au contraire des individus «irremplaçables», qui assument leurs critiques et leurs désirs. Dans un livre précédent, elle désignait cette exigence d’un beau nom : «le courage».

Eric Aeschimann

Michaël Foessel : réinventer la deuxième gauche

Ce fut un passage de témoin symbolique : à la rentrée 2014, Michaël Foessel, alors âgé de 39 ans, a pris la succession d’Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie de Polytechnique. Un poste prestigieux, qui a servi de tremplin à l’auteur de «l’Identité malheureuse» pour s’imposer en penseur vedette du déclin français.

Foessel a lui aussi l’intention de participer au débat public, mais pas avec le même message. Ni la même posture : «Je n’ai aucune intention de devenir à mon tour un maître à penser.» Membre du comité de rédaction de la revue «Esprit», formé à la lecture de Ricoeur, Foessel incarne le renouveau d’une deuxième gauche revenue du social-libéralisme.

Il s’intéresse en particulier aux «promesses non tenues de la Modernité». La paix universelle, l’égalité, l’émancipation : les idéaux inventés par les Lumières ont échoué. Il faut en prendre acte, dit Foessel, mais non se résoudre au monde actuel, régi par le calcul et l’intérêt économique.

Michael Foessel (Emmanuel Polanco)

Son dernier ouvrage, «le Temps de la consolation», dénonce notre incapacité à assumer nos deuils. Qu’il s’agisse de la perte d’un proche ou de celle d’un idéal, il nous faudrait faire notre deuil au plus vite, au nom de la fameuse «réalité». Foessel récuse ce réalisme, tout comme il se refuse au discours nostalgique.

En fait, il croit que l’homme peut construire son destin pour peu qu’il cesse de croire à de faux dieux. Jadis, on appelait ça la gauche.

Eric Aeschimann

Grégoire Chamayou : métaphysique du drone

Il y a deux grandes conceptions de la philosophie : pour certains, c’est un apprentissage du bonheur ; pour d’autres, c’est un sport de combat. A 39 ans, Grégoire Chamayou a opté radicalement pour la seconde. Dans un monde surveillé, hérissé de murs et survolé par des drones, le jeune philosophe se sert des concepts comme d’autant d’armes de résistance. Et choisit ses objets de recherche loin des champs traditionnels de la philosophie.

Grégoire Chamayou (Emmanuel Polanco)

Il a publié en 2013 une très originale «Théorie du drone», réquisitoire métaphysique contre le bijou technologique de l’armée américaine et son bilan sanglant (3000 tués au Pakistan depuis 2004). Il s’est aussi intéressé aux écoutes des services de renseignement et aux chasses à l’homme. Chaque fois, il montre qu’au final le gouvernement sécuritaire produit ce qu’il prétend combattre : un monde plus dangereux et moins humain. Un travail minutieux et salutaire.

Eric Aeschimann

Bernard Friot : la valeur réinventée

Une baby-sitter vient garder votre enfant contre de l’argent: c’est une transaction qui ajoute du PIB. C’est son grand-père qui s’en charge gratuitement: aucune valeur ajoutée n’est enregistrée par la comptabilité nationale. Or la valeur sociale de l’acte est la même. Voilà le point de départ de la réflexion renversante de Bernard Friot, sociologue et économiste peu connu des médias, mais qui jouit d’une audience déjà considérable sur le web de gauche.

Bernard Friot veut révolutionner notre regard sur la valeur économique et nous montrer qu’elle peut être produite hors du système du capital. Le modèle de cette révolution existe déjà : il est dans le PIB non marchand, qui représente plus de 20% du PIB total. Nous produisons en effet la masse énorme des services publics, de la santé et de la retraite, hors marché des biens et services, et hors marché du travail pour les agents de ces fonctions publiques.

Bernard Friot (Emmanuel Polanco)

Friot insiste pour que nous ne voyions pas là l’effet d’un «prélèvement» sur la valeur capitaliste mais une valeur sociale authentique et autonome. La Sécu et le statut de la fonction publique, nous dit-il, ont été conquis comme des acquis sociaux dans le capitalisme mais sans en mesurer toute la portée subversive. Nous devrions apprendre à y voir des têtes de pont d’une organisation politique nouvelle.

Aude Lancelin

Gaël Giraud : limiter la richesse

Ne dites pas à Gaël Giraud que l’augmentation des impôts va faire fuir les sièges sociaux des entreprises françaises. Il tacle : «Ça, c’est de la rhétorique destinée à effrayer Neuilly !»

Ce quadra surdoué – normalien, mathématicien et économiste en chef de l’Agence française du Développement (AFD) – a beau être membre de la Compagnie de Jésus, il n’a pas l’onctuosité un peu faux-derche que l’on prête aux jésuites. Ce prêtre qui s’est frotté aux bidonvilles du Tchad et aux salles de marchés de Wall Street est un pourfendeur de l’«optimisation» fiscale (la fraude fiscale déguisée).

Gael Giraud (Emmanuel Polanco)

En 2012, dans « le Facteur 12 », il propose que, grâce à l’impôt, l’écart de richesse entre les plus pauvres et les plus favorisés ne puisse pas dépasser un rapport de 1 à 12. Un coup de bambou là où il faut, qui aurait en outre la vertu de dégager des marges pour financer la transition énergétique.

Arnaud Gonzague

Thomas Piketty : un Parlement pour l’euro

Sa parole publique, Thomas Piketty la retient. Il ne veut pas parler partout, de tout, sans cesse. Et pas non plus seulement des inégalités et du «Capital au XXIe siècle», son best-seller mondial (2,5 millions d’exemplaires).

Son obsession en ce moment, c’est la zone euro, ou comment transformer une machine à broyer la croissance en union monétaire vertueuse. Pour cela, il compte beaucoup sur Podemos, le mouvement espagnol de gauche alternative, qu’il conseille. «Je cherche à les convaincre de mettre sur la table des propositions de refondation démocratique de la zone euro», explique-t-il à «l’Obs».

Il rêve d’un Parlement pour l’euro, d’un même impôt sur les sociétés dans l’Union (pour éviter l’évasion fiscale) et d’une grande conférence sur les dettes : «Si l’on veut restructurer les dettes, on ne peut pas le faire uniquement pour la Grèce.»

Thomas Piketty (Emmanuel Polanco)

Une alternance politique en Espagne peut renverser le rapport de forces dans la zone euro, assure-t-il. Ensemble, la France, l’Italie et l’Espagne pèsent 50% de l’économie et de la population européenne contre 25% pour l’ Allemagne. Mais il sait que les opinions publiques européennes ne sont pas très enclines à aller vers plus d’Europe. Et, pour l’instant, il est davantage écouté à Londres qu’à Paris ou à Rome.

Mais il s’accroche. En Grande-Bretagne, où le nouveau leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, l’a officiellement adoubé parmi ses conseillers, il espère «construire une nouvelle politique économique, qui démontrera l’échec de l’austérité».

Sophie Fay

Eric et Didier Fassin : sexe et race, des questions politiques

Après la disparition de Pierre Bourdieu, en 2002, la sociologie française a paru se retirer dans ses places fortes : l’université, quelques laboratoires de recherche, de rares maisons d’édition. C’est par le détour des Etats-Unis qu’elle a amorcé un nouveau cycle d’engagement politique. Ayant eu tous les deux l’occasion de s’imprégner des nouvelles orientations de la sociologie américaine (notamment les questions de sexe ou de race), Didier et Eric Fassin illustrent ce renouveau.

Le premier est aujourd’hui le titulaire de la chaire de sciences sociales à l’Institut des Etudes avancées de Princeton – un must mondial. Ses travaux portent sur les institutions sécuritaires et humanitaires, qu’il associe dans la même fonction de maintien de l’ordre social. Son frère Eric fut l’un des introducteurs de Judith Butler en France et a multiplié les interventions dans les médias pour expliquer que le sexe était une question politique, de l’affaire Polanski à la chute de DSK.

Didier et Eric Fassin (Emmanuel Polanco)

En 2004, les deux frères avaient mis en place à l’EHESS un séminaire commun intitulé «De la question sociale à la question raciale?». On avait jasé dans les couloirs : comment, il y aurait une question raciale dans la France républicaine? «La race n’est pas un fait naturel ou comme une culture, mais une situation minoritaire résultant d’une domination majoritaire», explique Eric Fassin. Une question politique, donc. Un an plus tard, les émeutes des banlieues étaient venues leur donner raison…

Eric Aeschimann

Frédéric Lordon : Spinoza contre le capital

Au début des années 2000, constatant la décrépitude de la pensée économique après trente ans de dogmatisme néolibéral, Frédéric Lordon proposa un remède de cheval : y injecter une solide dose de philosophie, une discipline honnie par la majorité des économistes orthodoxes.

La théorie néolibérale est fondée sur l’idée que l’homme n’est mû que par son intérêt égoïste et matériel. C’est chez Spinoza que Lordon a trouvé l’antidote : ce qui anime l’homme est avant tout la «puissance d’agir», une pulsion autrement plus intéressante, car elle porte aussi la joie, le partage, le désir de connaissance…

Frédéric Lordon (Emmanuel Polanco)

Le capitalisme contemporain, montre Lordon dans «Capitalisme, désir et servitude» (2010), s’est emparé de la puissance d’agir des salariés et en a fait l’instrument de sa domination. L’entreprise moderne, avec ses intrigues de bureau et ses techniques de management, ne se contente plus de siphonner la plus-value produite par le travailleur, mais capte à son profit son énergie, son plaisir, sa créativité… Quant aux Etats, ils sont complices de ce détournement, en particulier en Europe.

Collaborateur régulier au «Monde diplomatique», jouissant d’une large audience chez les militants de la gauche radicale, Lordon milite pour la sortie de l’euro. S’exprimant peu dans les grands médias, il s’était tout de même rendu sur le plateau de Frédéric Taddeï en avril dernier, pour un débat avec Thomas Piketty. Deux figures nouvelles, deux penseurs de gauche, l’un réformiste et l’autre révolutionnaire : le match fut très serré…

Eric Aeschimann

Pierre Dardot et Christian Laval : une troisième voie, le « commun »

L’un des concepts les plus fructueux surgis ces derniers temps dans le champ de la philosophie politique n’est pas venu d’une star de l’université ou d’un jeune penseur avide de se faire un nom, mais d’un duo discret, qui n’a jamais prétendu soulever les amphithéâtres.

Début 2014, Pierre Dardot et Christian Laval, respectivement philosophe et sociologue, publient un gros pavé, au titre évocateur : «Commun» (La Découverte). La notion de «commun» se veut une alternative au face-à-face qui oppose les tenants du marché et ceux de l’économie étatisée.

Dardot Laval (Emmanuel Polanco)

L’eau dans un village, un logiciel libre ou une boutique coopérative sont des «communs», parce que chacun participe à sa production et jouit de son usage. Le terme fait écho aux commons, ces terrains communaux dont la privatisation et la clôture dans l’Angleterre du XVIe siècle ont été considérées par Marx comme le point de départ du capitalisme… A l’opposé du bien privé, le bien commun bénéficie donc à tous.

Mais il se distingue également d’un service public, tels l’école, l’hôpital ou le train, dont l’organisation est déléguée à l’Etat. Le commun est collectif par sa production comme par son utilisation. Pour les militants écologistes, les altermondialistes ou les «zadistes», le «commun» est l’outil théorique qui manquait pour combattre à la fois les groupes privés et les Etats.

Autre avantage : de l’idéal «communiste», le commun conserve l’idée de partage, tout en évacuant le projet politique et ses dérives meurtrières.

Eric Aeschimann

Ruwen Ogien : pour un libéralisme égalitaire

On peut être de gauche – et même très à gauche – et ne pas tout attendre de l’Etat. Et même n’en attendre rien de bon. Ruwen Ogien est l’un des penseurs de ce courant libertaire et a résumé son propos sous un concept parlant : l’«éthique minimale».

L’idée centrale est que chacun doit être libre d’organiser sa vie comme il l’entend. Ni l’Etat, ni les Eglises, ni aucun courant de pensée n’a à nous rendre meilleurs ou à nous imposer ses normes morales. Se détruire, se droguer ou se tuer sont certes des comportements idiots, mais ils ne sont pas amoraux, et il n’existe qu’une seule règle morale incontestable: ne pas nuire à autrui. Tout le reste n’est que paternalisme.

Ruwen Ogien (Emmanuel Polanco)

Régulièrement, Ruwen Ogien descend dans l’arène publique pour dénoncer les tentatives d’enrégimentement moral. Ce qui l’a conduit à défendre la prostitution, l’usage de la drogue, la procréation assistée, et à critiquer sévèrement l’enseignement de la morale à l’école.

Certains y voient le symptôme d’un individualisme destructeur, mais le propos de Ruwen Ogien est inverse. Son minimalisme moral parle autant d’égalité que de liberté. Car qui pourrait être libre s’il reste soumis à la domination d’autrui? Les inégalités sociales n’ont «aucun sens moral», et la vraie liberté commence par celle de ne pas être exploité et donc d’être protégé par des règles sociales. D’où le combat d’Ogien pour un Etat «permissif, égalitaire et parcimonieux dans l’usage de la force».

Eric Aeschimann

DOSSIER ILLUSTRÉ PAR EMMANUEL POLANCO /COLAGENE.COM POUR « L’OBS ».

Les intellectuels de gauche ont-ils disparu?

Cette semaine dans l’Obs.

Qui sont les nouveaux intellos de gauche ?

♦ L’intellectuel de gauche bouge-t-il encore ?, par Aude Lancelin

Pour un « politiquement incorrect » de gauche, par Laurent Binet

Ceux qui pensent autrement : portraits d’Esther Duflo, Julien Coupat, Frédéric Lordon, Thomas Piketty, Eric et Didier Fassin, Ruwen Ogien, Cynthia Fleury, Tristan Garcia, Tristan Garcia, etc.

«On peut vivre sans maître à penser», entretien avec l’historien François Cusset

Revanche de la plèbe intellectuelle, par Jean-Loup Amselle

Dossier paru dans « L’Obs » du 5 novembre 2015.

Le «Saturday Night Live» fait le jeu de Donald Trump

Donald Trump était l’invité de la célèbre émission télévisée américaine Satudray Night Live ce samedi soir. Le New York Times l’a trouvé «jovial mais pas très drôle». Il a surtout retourné le dispositif satirique de l’émission à son avantage.

Face caméra, le candidat a commencé l’émission par un monologue dans lequel il explique les raisons de sa présence. Façon stand up, Trump joue l’autodérision de son propre personnage politique, dans un genre qui frise la gêne : «Beaucoup me disent : « Donald tu es la personne la plus merveilleuse, tu es brillant, tu es beau, tu es riche, tu as tout pour toi, le monde n’attend que toi en tant que président, alors pourquoi es-tu dans Saturday Night Live ? Pourquoi ?! »» En réponse à son pseudo-second degré, quelques rires façon série B pour ne pas trop le ridiculiser.

Surfant encore sur la dérision de son personnage politique grotesque et égocentrique, l’émission a ensuite diffusé un sketch montrant Donald Trump à la Maison Blanche, deux ans après son élection. Il aurait tout réussi : un général lui explique que tout va bien en Syrie, que l’Etat islamique a été éliminé, que les Syriens sont désormais heureux de travailler dans le casino Trump à Damas, que les relations n’ont jamais été meilleures avec la Russie, et que la Chine emprunte désormais de l’argent aux Etats-Unis. Le seul problème ? «Les Américains en ont marre de gagner», lui explique un conseiller.

L’émission a servi à Trump

Trump explique ce succès total  par sa «magie», qui a rendu au pays sa grandeur qui n’est autre que son slogan de campagne martelé régulièrement durant l’émission. Seul bémol à ce futur idyllique, la Première dame Melania Trump se plaint que la Maison Blanche soit la demeure la plus petite dans laquelle elle ait jamais vécu. 

En invitant Donald Trump, le Saturday Night Live, qui existe depuis quarante-et-un ans, pensait faire un carton d’audience et le discréditer. En lui offrant sa prestigieuse tribune pendant une heure et demie le show a permis au candidat républicain de répondre à ses critiques en jouant l’autodérision et a finalement fait son jeu. Le parti démocrate n’a pas manqué de s’alarmer de sa présence sur le plateau du SNL. «Le candidat républicain en tête [des sondages] anime SNL. Mais ses idées n’ont rien de drôle», a-t-il dénoncé dans un communiqué, rappelant notamment sa volonté de construire un mur à la frontière mexicaine, et le fait qu’il considère  le changement climatique comme une «blague».

Des manifestations en amont

Plus tôt dans la soirée, des dizaines de manifestants avaient protesté, pour la deuxième fois cette semaine, devant les studios de la chaîne NBC à New York, contre la tribune ainsi offerte à celui qui est actuellement en tête des sondages côté républicain. «Basta Trump, le racisme n’est pas une blague», «laissez tomber Trump», pouvait-on lire sur leurs pancartes, à propos du milliardaire de l’immobilier, qui en lançant sa campagne présidentielle le 16 juin, avait qualifié les immigrants mexicains de «violeurs» et trafiquants de drogue.

Un site internet avait même offert 5 000 dollars à qui crierait de façon audible durant l’émission «Trump est un raciste» : la production a récupéré l’idée pour s’en moquer dès le début, le comédien Larry David (producteur de Seinfeld) le répétant à deux reprises, en expliquant qu’il espérait ainsi gagner la somme promise.

Avant la manifestation de samedi, une autre avait eu lieu mercredi, et un collectif d’associations latinos avait recueilli plus de 500 000 signatures dénonçant la participation de Donald Trump au Saturday Night Live.

Gurvan Kristanadjaja

Nétanyahou à Washington malgré les tensions

Après dix-huit mois de coupure pour cause de désaccord total sur la manière de régler le dossier du nucléaire iranien, Benyamin Nétanyahou s’envolera ce dimanche à destination de Washington afin d’y rencontrer Barack Obama. Autant dire que les deux hommes ne se tomberont pas dans les bras. Ils feront contre mauvaise fortune bon cœur au nom de la raison d’Etat. Signe précurseur de ces retrouvailles glaciales : le chef du gouvernement israélien ne sera même pas logé dans la Blair House, la résidence où sont traditionnellement accueillis les hôtes de marque de la Maison Blanche.

Pourtant, à en croire l’entourage de Nétanyahou, le malaise entre les «deux meilleurs alliés du monde» est terminé depuis quelques semaines. Mais la réalité est différente car l’administration Obama ne pardonne toujours pas au Premier ministre israélien d’être intervenu dans les affaires internes américaines pour tenter d’empêcher la conclusion de l’accord sur le nucléaire entre l’Iran le 14 juillet dernier à Vienne. Pour ajouter au malaise, trois jours avant de s’envoler pour Washington, Nétanyahou a nommé comme responsable national de la communication de l’Etat hébreu un certain Ran Baratz. Ce colon de Cisjordanie a, au fil de ses nombreux posts ravageurs sur sa page Facebook, notamment accusé le président américain d’être «antisémite» et son secrétaire d’Etat, John Kerry, d’avoir la mentalité d’un enfant de 12 ans. Si les deux «cibles» de Baratz n’ont pas officiellement réagi, le vice-président Joe Biden a estimé ces sorties «inadmissibles».

Aides à l’armement

Au-delà d’une poignée de mains crispée devant les caméras, personne n’attend donc grand-chose de la rencontre prévue lundi soir entre Obama et Nétanyahou. Même si les deux hommes en discuteront, la reprise de négociations entre l’Etat hébreu et l’Autorité palestinienne semble en effet exclue. D’autant que «l’intifada des couteaux» se poursuit de plus belle. Certes, Nétanyahou promet de présenter à son interlocuteur un «éventail de mesures susceptibles de calmer les violences sur le terrain» parmi lesquelles l’autorisation de projets d’infrastructure planifiés par l’Autorité palestinienne ainsi que la levée de barrages restreignant la circulation des Palestiniens. Mais le gel de la colonisation ne fait pas partie des décisions attendues, ce qui signifie que les autres sont purement cosmétiques.

En fait, les seules discussions sérieuses entre Nétanyahou et Obama porteront sur le nouvel accord décennal d’assistance militaire américaine à Israël. Car le précédent accord d’une valeur de trente milliards de dollars expirera en 2018 et les deux pays en ont déjà négocié un nouveau dont le montant pourrait atteindre 50 milliards de dollars sur dix ans. C’est dans le cadre de cette aide sans égal dans le monde que l’Etat hébreu pourra acquérir trente-trois chasseurs bombardiers F-35 considérés comme le top du top en la matière, ainsi que de nombreux autres systèmes d’armement sophistiqués que les Etats-Unis ne sont pas pressés de vendre à leurs autres alliés.

Nissim Behar à Tel-Aviv

Faut-il aller voir « En mai fais ce qu’il te plaît » ?

Après « Une Hirondelle a fait le printemps » et « Joyeux Noël », Christian Carion revient avec « En mai fais ce qu’il te plaît », un film sur l’exode et ce moment de mai-juin 1940 où des centaines de milliers de Français se transformèrent en migrants et se retrouvèrent sur les routes pour fuir les Allemands.

Le casting rassemble notamment Olivier Gourmet, Mathilde Seigner, Laurent Gerra et August Diehl. Mais que veut nous dire Carion sur cette période chaotique ? S’agit-il d’une belle reconstitution historique, d’un drame poignant ou d’un mélo un peu gluant plombé par la bande-son envahissante d’Ennio Morricone ? Grégoire Leménager et Jean-Christophe Buisson ne sont pas vraiment d’accord…

L’Obs

« Hey! Act III » : Imaginaire sans limite à la Halle Saint Pierre

Univers singuliers à foison à la Halle Saint Pierre, le temple de l’art brut, sis sur les flancs de la colline Montmartre, qui expose les artistes présentés par la revue « Hey! » jusqu’en mars 2016. Un tourbillon jubilatoire de monstres délicatement peints à l’huile, de crânes de dentelles, d’enfant-pangolin, ou de femme-corail. Bref, de quoi fortement vivifier son imaginaire. Ci-contre, « Sleepwalk » (2009) de l’Américaine Marion Peck.

(Collection privée)

Sarkozy rappelle à l’ordre le candidat Reynié

Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains, a adressé samedi un sévère rappel à l’ordre à Dominique Reynié, sans jamais nommer son candidat à la présidence de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, qui a modifié la liste de l’Hérault pourtant validée par le parti.

L’ancien président s’exprimait lors du Conseil national de LR, devant M. Reynié, assis au premier rang.

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«Ce n’est pas rien d’aller au combat avec l’étiquette des Républicains. Respectez cette étiquette, respectez cette famille politique», a lancé M. Sarkozy, devant environ 2 000 conseillers nationaux. «C’est bien de faire tout pour sa famille politique pour avoir l’investiture. Une fois qu’on l’a, ne l’oubliez pas ! Ce serait manquer de respect à tous ceux qui auraient pu être candidats».

Dernier délai lundi soir

«En politique, il y a quelque chose à laquelle j’accorde beaucoup d’importance, c’est le respect de la parole donnée» et LR, «ce n’est pas une auberge espagnole, il y a une discipline, une organisation», a encore lâché l’ancien chef de l’Etat. Si la parole donnée est respectée, «les Français pourront se dire, « à eux, on peut faire confiance »», a-t-il ajouté.

M. Reynié a déposé vendredi les listes des candidats des départements de sa région, en retirant le nom du secrétaire départemental LR de l’Hérault, Arnaud Julien, proche de Nicolas Sarkozy pour «plus de représentativité», selon lui. Celui-ci devait figurer en cinquième position sur cette liste, qui avait été validée le 7 octobre par les instances nationales des partis LR et UDI.

 Dominique Reynié peut encore modifier sa liste jusqu’à lundi soir.

AFP

L’OMS déclare la Sierra Leone exempte de la transmission du virus de l’Ebola

La Sierra Leone, qui compte pour la moitié des cas de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, a été officiellement déclarée samedi par l’OMS exempte de la transmission du virus, responsable de la mort de milliers de personnes dans le pays et d’une brutale récession économique.

«Aujourd’hui, le 7 novembre 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare la fin de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone», a annoncé Anders Nordstrom, responsable de l’OMS pour le pays, lors d’une cérémonie à Freetown, sous les vivats et les applaudissements de la foule, en présence du président sierra-léonais Ernest Bai Koroma.

Cette épidémie d’Ebola, la plus grave depuis l’identification du virus en Afrique centrale en 1976, a fait plus de 11.300 morts – dont quelque 4.000 en Sierra Leone – sur quelque 29.000 cas recensés, un bilan toutefois sous-évalué, de l’aveu même de l’OMS. Les victimes se concentrent à 99% dans trois pays limitrophes: la Guinée, d’où est partie l’épidémie en décembre 2013, la Sierra Leone et le Liberia.

Un pays est déclaré exempt de transmission d’Ebola lorsque deux périodes de 21 jours – la durée maximale d’incubation du virus – se sont écoulées sans nouveau cas depuis le second test négatif sur un patient guéri. Mais les spécialistes soulignent que le risque persiste au-delà de ces 42 jours, en raison surtout de la subsistance du virus dans certains liquides corporels, en particulier le sperme, où il peut survivre parfois jusqu’à neuf mois.

Le Liberia a été déclaré exempt de transmission le 3 septembre, après une première annonce début mai, suivie d’une réapparition du virus en juin. 

La prudence est également de rigueur en raison des nouveaux cas toujours signalés en Guinée voisine, notamment dans la préfecture de Forécariah, près de la frontière avec la Sierra Leone.

Dans son dernier rapport hebdomadaire mercredi, l’OMS a précisé que 382 personnes étaient sous surveillance en Guinée, dont 141 considérées comme «à haut risque».

Le chef du Centre national de lutte contre Ebola (NERC) sierra-léonais, Palo Conteh, a affirmé mercredi que la surveillance serait renforcée dans les prochains jours à la frontière.

«Nous devons être vigilants. Ce n’est pas la fin d’Ebola, mais la fin de l’épidémie actuelle», a-t-il souligné.

– Confinement de la population -La Sierra Leone, qui a été critiquée pour certaines mesures extrêmes pour éradiquer le virus, en particulier le confinement de toute la population en septembre 2014 et en mars 2015, a connu une cruelle déconvenue dans cette longue bataille.

Le chef de l’Etat a présidé le 24 août une cérémonie célébrant la sortie d’hôpital du dernier malade d’Ebola guéri, après plus de deux semaines sans nouvelle contamination signalée. Mais une femme de 67 ans décédée quatre jours plus tard avait été testée positive après sa mort, suivie de celle d’une adolescente, le 13 septembre.

«Dieu merci c’est fini et nous vivons maintenant en paix», a déclaré Mamie Kabia, 25 ans, membre d’un des groupes d’experts chargés d’enterrer les cadavres hautement contagieux pendant la crise.

Un ambulancier de Kambia, dans le nord, à la frontière avec la Guinée, Ferenko Koroma, a dit espérer ne plus jamais avoir à transporter des corps de malades d’Ebola.

«L’odeur de chlorine me rendait malade. On dit qu’on ne meurt qu’une fois, mais j’ai l’impression d’être mort plusieurs fois», a-t-il confié à l’AFP. 

En plus du tribut humain, l’épidémie a infligé de sévères pertes économiques à la Sierra Leone, sortie il y a 13 ans d’une décennie de guerre civile parmi les plus meurtrières du continent avec environ 120.000 morts et des milliers de civils mutilés entre 1991 et 2002.

D’après la Banque mondiale, l’économie devrait enregistrer cette année au moins 1,4 milliard de dollars (près de 1,3 milliard d’euros) de pertes, conduisant à une contraction «sans précédent» de 23,5% de son PIB.

L’impact économique a été aggravé par une forte baisse des prix mondiaux du minerai de fer et l’effondrement du secteur minier, les investisseurs étrangers ayant fui le pays par crainte du virus.

Le premier cas confirmé d’Ebola en Sierra Leone était une femme enceinte testée positive il y a 18 mois, après avoir assisté aux funérailles d’une guérisseuse traditionnelle renommée de la zone de Koindu (est), proche de la Guinée, qui se targuait de pouvoir guérir Ebola, attirant des malades de l’autre côté de la frontière.

Une quinzaine de femmes contaminées lors des funérailles de cette guérisseuse, Finda Nyuma, ont à leur tour propagé le virus à travers des pratiques funéraires impliquant un contact corporel, un des principaux facteurs de propagation, selon les autorités médicales.

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AFP

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