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Dans la crise de l’élevage tout le monde à tort l’Etat, l’éleveur et l’Europe

La vache de Léon ne rit plus
Un vache lors d’un concours de beauté à Oldenburg, dans le nord de l’Allemagne, le 13 juin 2013. Photo Friso Gentsch / AFP

Faut-il regretter l’époque de Léon Bel, le fromager jurassien qui amusait les vaches avec Benjamin Rabier, l’illustre illustrateur? Les agriculteurs de l’Ouest de la France pris au piège de l’agriculture industrielle ne comprendront pas qu’on fasse référence à ce qui leur apparaîtrait comme le temps de la bougie, qu’autrefois, Martine tenait, certes, bien sa ferme, mais les temps ayant changé, la vache de Léon peut bien rire, cela ne les regarde plus… C’est bien mal connaître la géographie de l’agriculture en France en pensant que l’incurie régnant dans les régions productivistes est juste un mauvais concours de circonstances entre réforme de la PAC, pratiques condamnables de la grande distribution et marché mondial saturé.

Des visiteurs dans une exposition consacrée à la Vache qui rit, le 21 mai 2009 à Lons-le-Saunier. «La Maison de la vache qui rit» se trouve sur les vestiges de la fromagerie familiale de Lons-le-Saunier où Léon Bel inventa en 1921 le fromage fondu en triangle. Photo Jeff Pachoud / AFP

Les paysans et les drones

Tout le monde est coupable dans cette crise : l’Etat qui a pratiqué la politique de l’autruche, les industriels et les distributeurs qui ont pris les paysans pour de vulgaires fournisseurs de commodités, le syndicat majoritaire obsédé par la concurrence, les agriculteurs aux filières mal organisées et aux comportements irresponsables. Il y a un maillon faible dans la crise actuelle dont on ne parle pas et qui explique la rentabilité faible de certains élevages : un endettement insupportable des fermes causé par des équipements inutilement coûteux, des pratiques agricoles onéreuses qui se justifiaient d’autant moins qu’aujourd’hui, on diminue l’usage des nitrates dans les parcelles et des médicaments dans les élevages. On a tant dépossédé les paysans de leurs savoirs qu’ils croient intelligent de piloter une ferme avec des drones. On voudrait tant que les éleveurs prennent des vacances qu’on leur vend de ruineux robots de traite dont ils pourraient se passer. On les pousse tant à produire qu’ils en accusent les distributeurs et les consommateurs fautifs de préférer le bio lorsqu’ils savent désormais qu’une part importante des maladies neurodégénératives sont liées aux pesticides. On a tellement méprisé la polyculture – pourtant la meilleure des assurances contre les aléas de la nature – que la spécialisation a été tenue comme la martingale d’un « progrès » largement illusoire.

Tout économiste sait que la loi de King impose de sortir les produits agricoles des pratiques habituelles des marchés. La PAC a été un outil qui a permis de résoudre bien des crises avant que le libéralisme la déshabille de ses outils structurels. Que des ministres et syndicats majoritaires aient accepté ce qui venait de Bruxelles comme la garantie de la prospérité agricole fait pleurer sur la cécité ou le cynisme dont ils font preuve. Ils ont sous les yeux l’exemple d’une viticulture à deux vitesses, qualitative d’un côté avec des terroirs restés modestes, à majorité paysanne, à forte valeur ajoutée et rentable, et celle quantitative, perfusée par Bruxelles, qui penser tenir la dragée haute aux marchés internationaux. C’est oublier qu’en faisant main basse sur l’Europe orientale, les Allemands se sont achetés une main d’œuvre bon marché. Et qu’en Espagne, les «huertas» andalouses ne vivent qu’en pratiquant des formes d’esclavage de main d’œuvre africaine. La fascination pour une économie rentière a masqué tout un pan d’une agriculture de qualité, où des vaches non écornées et aux pis non atrophiés sont au pâturage et non pas dans leurs déjections comme dans la ferme des mille vaches, les porcs et les volailles non pas entassés dans des élevages monstrueux ni traités préventivement aux antibiotiques. La maltraitance animale a aveuglé les entrepreneurs âpres aux gains qui se sont fait rouler dans la farine de la grande distribution.

Stéphane Le Foll, passez aux actes !

Comment la pensée unique d’un syndicat majoritaire a-t-elle pu faire illusion ? Seule région de France à ne pas posséder de fromage de terroir, la Bretagne s’est perçue après la guerre comme une région modèle qui allait mener la France au productivisme. Accouplée à la grande distribution par le biais de coopératives cachant habilement leur pensée hypercapitaliste, l’agriculture locale s’est fourvoyée dans des productions dont la faible qualité était masquée par les volumes. Que n’a-t-on vanté cette « avance » comme on vante aujourd’hui celle d’une Allemagne pourtant au bord d’une catastrophe environnementale ! Parviendra-t-on à sortir des griffes des marchés de masse pour se caler dans les marchés appelés, avec mépris, de niche ?

Les consommateurs n’attendent que des élevages de qualité. Leur attachement au monde paysan se fera par des consommations locales. L’Etat peut redevenir crédible : si Stéphane Le Foll répète que les fermes industrielles n’ont pas d’avenir en France, qu’il passe aux actes ! Jamais les producteurs de lait ne rivaliseront avec les fermes néozélandaises où les moutons paissent dans une herbe abondante toute l’année. Jamais les producteurs de viande n’atteindront les prix de revient des Argentins et des Américains aux pratiques plus extensives. Jamais les producteurs de porcs ne rivaliseront sans l’aide d’une charcuterie de qualité.

La vache de Léon Bel joue la provocatrice pour réveiller une France de l’Ouest au pied du mur. Elle ne se moque pas des éleveurs, mais elle les enjoint de changer de modèle. Celui qu’une autre France a porté jusqu’alors dans la moquerie. Les géographes ne sauraient conseiller à tous ceux qui pensent que, dans une économie capitaliste, le marketing est tout puissant et que l’offre est toujours située avant la demande. Dans sa magistrale et inégalable Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Roger Dion a montré que les grands vins de qualité ne sont pas liés à la qualité des sols ni à des cépages miraculeux. Ce sont les consommateurs riches et puissants qui initient la qualité. Aujourd’hui, la leçon n’est toujours pas entendue, les illusions persistent. On feint de croire que le marché pourra régler les crises et on cherche les coupables chez les distributeurs. Mais les agriculteurs qui ont signé des contrats avec ceux qui les pendent au bout de leurs cordes sont pleinement responsables de leurs engagements mortifères.

C’est la vache de Léon Bel qui vous le dit.

Gilles Fumey

Régionales : Bartolone met sa campagne sur les rails

Jeudi, 23 heures passées. Libéré de ses fonctions de président de l’Assemblée, en vacances depuis le jour même, Claude Bartolone, la tête de liste PS pour les régionales en Ile-de-France, nous a donné rendez-vous dans le métro parisien avec les maires des XIIe et Xarrondissement, pour une visite axée autour de la sécurité. «Tout le monde a une carte Navigo ?» s’enquiert un agent de la RATP. «Non», répond le groupe. Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui, le cortège pourra passer à l’œil.

Avec ce déplacement, Bartolone lance sa campagne sur la question majeure des transports en commun. Cette visite sur le terrain peut aussi lui servir à rattraper sa bourde au micro de France Info début juillet, quand il avait malencontreusement confondu la station Auber, dans le quartier d’Opéra, avec celle d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis — département dont il est pourtant élu depuis des années et dont il a même présidé le conseil général.

Assis sur les tables

Alors ce soir, pas de faux pas. «J’ai appris mon dossier par cœur !» claironne le candidat une fois arrivé dans les salles du PC sécurité de la RATP. Au-dessus de sa tête, une carte du réseau projetée sur un écran géant se constelle périodiquement d’étoiles rouges, signalant les incidents. A côté, sur les dizaines d’écrans de surveillance des caméras de sécurité, les voyageurs s’affairent. Un couple s’embrasse sur un quai de la gare du Nord, une jeune femme en slim rouge fume une cigarette en regardant sa montre à Barbès, sans savoir qu’une trentaine d’élus, d’agents de sécurité et de journalistes les observent. Oscillant entre fermeté — «il faut en finir avec cette mode bon-chic-bon-genre de la fraude» — et réalisme — «impossible d’autoriser les agents de la RATP à contrôler l’identité des contrevenants, ça ne passera jamais devant le Conseil constitutionnel» —, Claude Bartolone tâte le terrain.

En campagne, le président de l’Assemblée nationale, loin de son image au perchoir du Palais Bourbon, s’assoit sur les tables, demande à ses interlocuteurs de lui parler «franchement», écoute les réponses comme un élève studieux. «Si vous aviez une baguette magique, là, tout de suite, que feriez-vous pour améliorer la sécurité dans les transports ?» lance le candidat au responsable de la sécurité de la RATP. S’en suit une longue conversation où sont abordés, pêle-mêle, le besoin de plus de caméras, le problème des fraudeurs et les dégradations commises sur les bus en grande banlieue.

«C’est bon, on est dans le train»

En revanche, aucune question sur les solutions à court ou moyen terme pour les usagères du métro malgré le très médiatique plan national de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles dans les transports en commun, annoncé il y a quelques semaines par le gouvernement. Interrogé sur cette omission dans les couloirs de la maison de verre de la RATP, le candidat se vexe : «Je ne suis pas là pour faire dans le slogan. C’est un problème qu’il faut traiter à part.» Il concède brièvement qu’il est «pour» un arrêt à la demande dans les bus de nuit, et pourquoi pas la création d’une nouvelle entité à la RATP. «Mais rien de concret pour l’instant», car c’est un problème «très sérieux» et qu’il ne peut pas demander aux agents de sécurité «d’inventer la poudre». Tweet immédiat du chargé de com : «Je veux que TOUTES et tous vous puissiez utiliser les #transports en commun en vous sentant en #sécurité, peu importe l’heure. #RATP» 

Je veux que TOUTES et tous vous puissiez utiliser les #transports en commun en vous sentant en #sécurité, peu importe l’heure. #RATP

— Claude Bartolone (@claudebartolone) 23 Juillet 2015

Pas le temps d’épiloguer, il faut maintenant passer à l’étape suivante du déplacement : prendre le métro jusqu’à Nation. Depuis la Gare de Lyon, il n’y aura que deux stations, mais l’expérience n’en est pas moins spectaculaire. Pour franchir la barrière de sécurité, le président ne passera pas par le grand portique que nous ouvre le directeur de la sécurité de la RATP. Il préfère passer seul et utiliser le pass Navigo qu’on lui a confié. Au moment de rentrer dans la rame, même cirque : les photographes et caméras se pressent pour immortaliser le moment où le président de l’Assemblée nationale franchira la marche entre le quai et le train. Une fois à bord, un agent de sécurité parle dans son talkie-walkie «C’est bon, on est dans le train.» Les portes se ferment et le métro démarre. Regards interloqués des voyageurs nocturnes devant cette petite meute de costards-cravates et de journalistes dans une rame presque vide. «Tu vois qui c’est ?» demande une jeune rousse à son amie. Haussement d’épaules, rictus gêné.

Arrivés au terminus, alors qu’on présente au candidat l’action du Recueil social, ces volontaires de la RATP qui s’occupent chaque soir des SDF dans le métro, l’annonce de la fermeture imminente de la station résonne en plusieurs langues. Les derniers trains sont passés. Il est 1 h 20 du matin, et Claude Bartolone rentrera «inspiré» par ce premier repérage. La semaine prochaine, il reviendra, mais cette fois-ci, ce sera pour inspecter les travaux en cours sur les voies.

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