En Hongrie, une situation intenable

La Hongrie a lâché prise. Comme la Grèce et la Macédoine, elle est désormais impuissante à endiguer le flot de réfugiés : elle les laisse filer vers la frontière autrichienne. Les autorités hongroises ont acheminé des milliers de migrants à bord de quelque 90 bus à la frontière dans la nuit de vendredi à samedi. Et ceux qui sont encore dans le pays sont encouragés à suivre le mouvement. «Samedi matin, la police nous a dit qu’on pouvait partir si on voulait», raconte Idrissa Kane, un Sénégalais de 22 ans, qui se trouvait au centre de réfugiés de Debrecen, à l’est du pays, depuis 10 jours. Il a aussitôt pris le train pour la gare de l’Est où il a acheté un billet de train pour la frontière autrichienne. Des centaines de demandeurs d’asile ont quitté d’autres camps et ont, eux aussi, rejoint la gare de l’Est dans la journée de samedi ; si le trafic international reste interrompu, de nombreux trains ont été mis en circulation jusqu’à Hegyeshalom, bourg frontière entre l’Autriche et la Hongrie. De là, on franchit la frontière à pied. «Train bon pour Autriche ? Légal ?», interrogeait un migrant irakien devant des affichettes écrites à la main en anglais et en arabe, mises en place par des bénévoles hongrois, et indiquant les horaires des prochains départs. Dans la gare, pas un seul agent en vue : seule une poignée de policiers affables aiguillaient les centaines de voyageurs vers les quais.

La situation devenait intenable pour les autorités hongroises, débordées: plus de 50 000 migrants sont arrivés pour le seul mois d’août en Hongrie. Vendredi, la crise a atteint son paroxysme lorsque 300 personnes se sont rebellées dans un camp de transit au sud du pays et que 1 500 réfugiés sont partis à pied vers l’Autriche. Le soir même, le gouvernement annonçait qu’il affrétait des bus. «On ne peut pas forcer les gens à s’enregistrer chez nous s’ils ne le veulent pas», reconnaissait Janos Lazar, directeur de cabinet de Viktor Orban, le Premier ministre, ajoutant : «Personne ne nous a aidés, ni l’Union européenne, ni l’Autriche, ni l’Allemagne.»

«Tests»

En vertu des lois européennes les nouveaux arrivants, qui déposent une demande d’asile dès leur entrée en Hongrie, doivent rester dans des centres de réfugiés jusqu’au traitement de leur dossier, ce qui peut prendre plusieurs mois. Mais la grande majorité de ces candidats n’a aucune envie de s’éterniser, et surtout pas dans les spartiates camps hongrois. «Je dormais par terre, et les 3 sandwiches que l’on avait par jour étaient tellement mauvais que je ne mangeais que le pain», raconte Mohammad, originaire de Syrie.

Le gouvernement hongrois a tout fait pour empêcher les demandeurs d’asile de quitter le pays, allant jusqu’à fermer la gare de l’Est dimanche dernier. Mais le lendemain, soudainement, la gare était rouverte, les policiers disparaissaient et les trains pour Vienne et Munich étaient pris d’assaut. Le lendemain, tout aussi inexplicablement, l’accès de la gare était de nouveau bloqué aux migrants. Pourquoi une telle confusion ? Une dizaine de jours plus tôt, la chancelière Angela Merkel avait annoncé qu’elle ne renverrait pas les réfugiés syriens vers le pays par lequel ils étaient rentrés dans l’UE. Alors que ces derniers affluaient en Hongrie, des médias allemands suggéraient que des trains spéciaux pourraient être mis en place entre la Hongrie et l’Allemagne. Confus, perplexe quant aux intentions du pouvoir allemand, et sans doute lost in translation, Viktor Orban a décidé d’ouvrir la gare. «Nous avons fait un test», indique une source proche du gouvernement. En 1989, c’est avec le même pragmatisme que les communistes hongrois avaient «testé» l’ours soviétique, en proposant de désélectrifier le rideau de fer pour protéger les pauvres lapins qui s’y faisaient régulièrement griller.

«On veut l’Allemagne»

Le soir même de l’ouverture de la gare, la chancelière allemande signifiait aux Hongrois qu’ils devaient continuer à enregistrer et garder les réfugiés chez eux. Les autorités hongroises comprenaient qu’elles avaient fait fausse route et bloquaient les quais. Mais le gouvernement de Viktor Orban est largement responsable de la confusion et du chaos qui ont suivi. Il n’a jamais cherché à communiquer aux migrants. «Ils nous ont eus en nous vendant des billets de train ; ils savaient qu’on ne pourrait pas les utiliser», s’indigne Hassan, un Afghan de 25 ans. Comble de l’arnaque, le pouvoir a fait rouvrir la gare jeudi et des centaines de migrants se sont précipités à bord du premier train en partance pour l’Autriche. Mais le train était un leurre car il s’est arrêté près d’un centre de réfugiés. Se sentant trahis, les migrants ont refusé de sortir des wagons où ils sont restés près de 24 heures en criant: «Pas de camp ! On veut l’Allemagne !»«Ce gouvernement hongrois, je ne lui fais plus confiance du tout», assurait Saram Abadi, un informaticien syrien.

La Hongrie se vide vers le Nord mais au sud, l’afflux se poursuit. Samedi, la police hongroise bloquait l’accès d’un village frontalier de la Serbie à 200 Syriens et Irakiens. Au même moment, le parti d’extrême droite Jobbik manifestait devant le ministère de l’Intérieur en demandant le verrouillage complet de la frontière sud. Viktor Orban envisage d’y faire déployer l’armée. Sera-ce suffisant ? Rien n’est moins sûr. Signe du chaos dictatorial qui règne en Hongrie, le ministre de l’intérieur a choisi cette semaine… pour partir en vacances.

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