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Danse basque, baroque ou contemporaine… « Le Temps d »‘aimer » fête ses 25 ans

Avec une audience impressionnante de près de 20.000 spectateurs pour une ville de 36.000 habitants, le Festival de Danse de Biarritz appelé « Le Temps d’aimer » est devenu en un quart de siècle un phénomène de la Côte basque. Il suscite une avalanche de près de 30 spectacles en dix jours. Et cette année, la programmation est plus éclectique qu’elle ne l’a jamais été.

Danse basque, danse espagnole

Danse basque tout d’abord, là où plus qu’ailleurs, elle doit être défendue, et qu’on verra déferler dans les rues de Biarritz sur une idée de Claude Iruretagoyena qui réunit quatre compagnies basquaises…

La Compania national de Danza (D.R.)

Troupes d’Espagne aussi selon cet axe ibérique obligé, pour un festival sis au pied des Pyrénées et qui a toujours cultivé cette proximité avec le royaume voisin : la Compania national de Danza s’offre dans un programme très international (Forsythe, Naharin, Galili) ; et celle nommée « Elephant in the Black Box » avec des pièces de Nacho Duato et de Jean-Philippe Dury ; plus étonnante encore, la troupe masculine Rojas y Rodriguez présente un ouvrage où à la virilité exacerbée des Espagnols se mêle une sensualité troublante.

Eclectisme

Danse baroque avec la Compagnie l’Eventail et une adaptation du conte de « Peau d’âne » due à Marie-Geneviève Massé ; danse néo-classique avec le Ballet slovène de Maribor et une énième version chorégraphique du « Sacre du printemps » de la main d’Edward Clug, auteur également d’une transposition dansée du « Stabat Mater » de Pergolèse ; danse post-moderne avec un « event » créé à partir de chorégraphies de Merce Cunningham par son disciple Robert Swinston, aujourd’hui à la tête du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, et interprété par les danseurs attachés à cette institution dans un décor d’une petite-fille du peintre Matisse qui ne renie pas son aïeul ; danse contemporaine avec Emanuel Gat, Wim Vandekeybus, Emmanuelle Vo-Dinh ou Lionel Hoche; danse dans les théâtres, les lieux publics, sur la plage même du Vieux Port avec le Ballet de Biarritz et le Ballet junior de Genève interprétant des pièces de Thierry Malandain et de Barak Marschall.

Wim Vandekeybus (Danny Willems)

On y ajoutera un solo naguère créée par les Japonais Ko Murobushi et Carlotta Ikeda et repris en hommage à cette dernière. Ou une pièce du Burkinabé Salia Sanou : l’éclectisme est à Biarritz autant dans les sites que dans les styles.

Raphaël de Gubernatis

Festival de Danse de Biarritz : « le Temps d’aimer ». Du 11 au 20 septembre ; 05-59-22-03-02 ou 05-59-22-20-21.

Dati, des réfugiés et un Taser : cinq vidéos à ne pas manquer ce vendredi

La rédicive de Rachida Dati contre la journaliste Elise Lucet, des réfugiés nourris comme des animaux en cage et les images de la mort d’une prisonnière aux Etats-Unis avec un Taser. Cinq vidéos à voir ce vendredi.

En Hongrie, des réfugiés nourris de manière inhumaine par des policiers

Dans une vidéo filmée en secret mercredi par une bénévole autrichienne à l’intérieur du plus grand camp de migrants de Hongrie, à Roszke, on aperçoit quelque 150 migrants rassemblés dans un enclos à l’intérieur d’une grande salle. C’est l’heure du repas. Tous se bousculent pour tenter d’attraper des sacs de nourriture que leur lancent des policiers hongrois, de manière totalement inhumaine. «C’était comme de nourrir des animaux enfermés dans un enclos, comme un Guantanamo en Europe», confie à l’AFP Alexander Spritzendorfer, l’époux de l’auteure de la vidéo, diffusée sur YouTube jeudi soir.

Une Américaine tuée par des policiers après l’usage abusif du Taser

Les autorités américaines ont rendu publique une vidéo perturbante montrant des policiers utilisant quatre fois un pistolet électrique contre Natasha McKenna, une détenue noire de 37 ans souffrant de troubles psychiatriques, pourtant entravée. Elle a été victime d’un arrêt respiratoire finalement fatal.

L’affaire Robert Boulin, en cinq étapes

Le mystère entourant la mort de l’ancien ministre en 1979 va-t-il être enfin levé ? Trente-six ans après les faits, l’enquête rouvre. Le dernier verdict de 1991 retient que Robert Boulin s’est suicidé à 59 ans, dans la forêt de Rambouillet (Yvelines), après avoir été mis en cause dans une affaire immobilière à Ramatuelle (Var). Aujourd’hui confiée à un juge d’instruction, l’enquête s’ouvre pour «arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat». Cela fait suite au dépôt d’une plainte, en mai dernier, de la fille du défunt, Fabienne Boulin-Burgeat. Selon cette dernière, Robert Boulin a été assassiné parce qu’il disposait d’informations sur un financement politique occulte. Autant d’incertitudes dans une affaire truffée de rebondissements, dont voici les cinq étapes clés.

Dati à Lucet : «Si elle veut exister grâce à ça, je lui laisse une minute de gloire»

La députée européenne n’en avait pas assez d’une attaque contre la journaliste Elise Lucet. Après avoir qualifié dans Cash Investigation sa carrière de «pathétique», Rachida Dati en remet une couche ce vendredi sur LCI. «Si elle (Elise Lucet) veut exister, il y a peut-être d’autres sujets sur lesquels effectivement elle pourrait enquêter. Mais la pauvre, si elle veut exister grâce à ça, je lui laisse un peu cette minute de gloire.»

Trois questions déplacées posées à Myriam El Khomri

Sous le feu des projecteurs depuis sa nomination, la ministre du Travail n’a pas été épargnée par les critiques, en particulier à droite. Mais ce n’est pas tant le ton des élus qui agacent que ceux de certains journalistes. Olivier Mazerolle et Jean-Pierre Elkabbach, qui sont les seuls à ce jour à avoir pu interviewer Myriam El Khomri en tant que ministre du Travail lors d’une matinale, n’ont pas hésité à lui poser des questions de mauvais goût, voire déplacées.

LIBERATION

On a retrouvé Moranbong Band, les Spice Girls de Corée du Nord

Où étaient-elles fourrées ? Moranbong Band, le groupe musical le plus célèbre de Corée du Nord, ne donnait plus de signe de vie depuis une apparition télévisée début juillet. Un mois plus tard, les sites sud-coréens qui tentent de décrypter l’opaque réalité du voisin communiste commençaient à s’inquiéter : qu’est devenu ce collectif d’une douzaine de femmes ? Sont-elles tombées en disgrâce pour une fausse note ou un mot de travers ? Pire : les a-t-on passées par les armes, comme plusieurs membres de l’orchestre philharmonique Unhasu, en 2013 ? L’apparition simultanée d’un groupe féminin concurrent, Chongbong Band, confirmait les pires craintes.

Lundi, la coréosphère a poussé un ouf de soulagement : les actualités télévisées ont à nouveau montré les dames de Moranbong Band, invitées du gala artistique offert par le leader bien aimé Kim Jong-un à un invité de marque, le vice-président cubain, Miguel Díaz-Canel.

Mini-robes et cheveux courts

D’après les médias officiels, Moranbong Band, qui tire son nom d’un quartier de Pyongyang, a été créé en 2012 par Kim Jong-un, qui aurait choisi en personne chacune des chanteuses et musiciennes. L’objectif était de donner aux jeunes une formation moderne, qui corresponde à ses aspirations. L’apparition du groupe dans le panorama musical nord-coréen avait révolutionné la jeunesse : les robes courtes et les coupes de cheveux audacieuses avaient immédiatement été copiées. Au même moment, le Coréen Psy devenait une star planétaire avec son tube sans lendemain Gangnam Style. Le leader suprême a-t-il voulu riposter à cette offensive de la culture capitaliste ?

Moranbong Band est pourtant très éloigné de l’esthétique electro-dance. Avec sa section de violons, le collectif privilégie la musique douce et mélodieuse qu’on entendait dans les cocktails distingués et les ascenseurs des années 60. Le répertoire marie chants patriotiques (Oh patrie remplie d’espoir, Pyongyang est la meilleure, Nous pensons jour et Nuit à notre Leader) et succès pop vieillots, et parfois français : l’Amour est bleu d’André Popp, les Feuilles mortes de Joseph Kosma… Lundi, elles ont offert à l’hôte officiel une version de Guantanamera.

François-Xavier Gomez

Prix Renaudot 2015 : la première sélection

Jeudi dernier, les jurés du Goncourt sélectionnaient quinze titres pour le prix qu’ils décerneront le 3 novembre prochain. Ce mardi, c’était le tour de leurs homologues du Renaudot, qui ont également jusqu’au 3 novembre pour trouver un lauréat digne de succéder à Marcel Aymé, Céline, Aragon, Malaquais, Cayrol, Guilloux, Butor, Le Clézio, Perec, Annie Ernaux ou encore Emmanuel Carrère.

L’an passé, ils avaient choisi David Foenkinos. L’ambiance avait été électrique. Cette année, tout est possible. Mais en attendant, on a le plaisir de trouver dans la liste le camarade Christophe Boltanski, grand reporter à «l’Obs» et auteur d’un des «premiers romans» les plus remarqués de la saison.

Les 18 romans sélectionnés pour le Renaudot 2015

L’Eté contraire, par Yves Bichet (Mercure de France)

La Septième fonction du langage, par Laurent Binet (Grasset)

La Cache, par Christophe Boltanski (Stock)

Histoire de l’amour et de la haine, par Charles Dantzig (Grasset)

Ce coeur changeant, par Agnès Desarthe (l’Olivier)

Ann, par Fabrice Guénier (Gallimard)

La Saison des bijoux, par Eric Holder (Seuil)

La Petite femelle, par Philippe Jaenada (Julliard)

Les Désoeuvrés, par Aram Kebabdjian (Seuil)

Adieu aux espadrilles, par Arnaud Le Guern (Le Rocher)

Jugan, par Jérôme Leroy (La Table ronde)

Eva, par Simon Liberati(Stock)

Villa des femmes, par Cherif Madjalani (Seuil)

Les uns contre les autres, par Franck Maubert (Fayard)

L’Autre Simenon, par Patrick Roegiers (Grasset)

2084, par Boualem Sansal (Gallimard)

D’après une histoire vraie, par Delphine de Vigan (JC Lattès)

Juste avant l’oubli, par Alice Zeniter (Flammarion)

Les 8 titres en piste pour le Renaudot essai

La Piste Pasolini, par Pierre Adrian (Les Equateurs)

Henri de Régnier, par Patrick Besnier (Fayard)

La Transparence et le reflet, par Serge Bramly (JC Lattès)

Encre, sueur, salive et sang, par Sony Labou Tansi (Seuil)

Dictionnaire chic du vin, par Léon Mazzella (Ecriture)

Manifeste incertain, vol. 4, par Frédéric Pajak(Noir sur blanc)

Victor Hugo vient de mourir, par Judith Perrignon (L’Iconoclaste)

Mille et un morceaux, par Jean-Michel Ribes (L’Iconoclaste)

Retour à Duvert, par Gilles Sebhan (Le Dilettante)

BibliObs

A noter : aux dernières nouvelles, le jury du Prix Renaudot est composé de Christian Giudicelli, Dominique Bona, Franz-Olivier Giesbert, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Jean-Noël Pancrazi (président), Louis Gardel, Patrick Besson, Jérôme Garcin, Frédéric Beigbeder.

A noter encore : la plupart de ces livres ont été ou seront très prochainement chroniqués dans les pages littéraires de « l’Obs ».

« The Lesson », « Youth », « Natür Therapy »… Les films à voir cette semaine (ou pas)

Le choix de « l’Obs »

♥♥♥ « The Lesson », drame bulgare de Kristina Grozeva et Petar Valchanov, avec Margita Gosheva, Ivan Barnev, Stefan Denolyubov (1h47).

Au début, ce n’est rien, ou presque : Nadezhda (Margita Gosheva), jeune professeure d’anglais dans un collège d’une petite ville de Bulgarie, constate qu’un peu d’argent lui a été dérobé dans son sac à main, forcément par un de ses élèves. Et puis, un autre rien : Mladen, le mari de Nadezhda, qui depuis qu’il n’a plus de travail passe trop de temps à picoler, n’a pas remis en état le camping-car que le couple a décidé de vendre. Et peu à peu, de circonstances banales en désagréments ordinaires, la situation de la jeune femme devient insupportablement précaire, la contraignant à agir dans une direction que rien, dans sa personnalité et dans sa vie, ne la prédisposait à prendre.

« The Lesson » tire l’essentiel de sa force, qui est grande, de la qualité du regard porté sur cette suite de péripéties fort communes en elles-mêmes : le destin de Nadezhda pourrait être tragique. S’il ne l’est jamais, c’est que le film se décale sans cesse de la réalité qu’il montre. Avec ce premier long-métrage de fiction, Kristina Grozeva et Petar Valchanov ont frappé fort. Et dans le rôle de Nadezhda, Margita Gosheva est parfaite. P. M.

Ils sortent cette semaine…

♥♥ « Natür Therapy », comédie dramatique norvégienne d’Ole Giæver, avec Ole Giæver, Marte Magnusdotter (1h20).

Imaginez une version norvégienne de « Near Death Experience », le film burlesque de Kervern et Delépine, qui serait déplacé dans la forêt glaciale et lyrique de « Into the Wild ».

Martin (Ole Giæver), un homme jeune, sportif, marié, père d’un garçonnet, que son travail assomme et que sa vie privée indiffère, décide de quitter, à petites foulées, sa maison, située dans les faubourgs d’Oslo. Il court vers les montagnes norvégiennes, belles comme dans la pub Volvic et aussi accueillantes qu’un congélateur, s’enfonce dans les bois, entend des voix, parfois s’arrête derrière un arbre pour se masturber, reprend son footing cul nul, s’arrête dans un chalet et le lit d’une randonneuse, dialogue avec un crapaud, s’enterre, ressuscite, bringuebale entre le panthéisme et le pessimisme – avec une pointe de ricanisme.

A la fois réalisateur, scénariste et interprète principal, Ole Giæver, 38 ans, la tête de Michel Houellebecq et les jambes d’Usain Bolt, se déplace si vite de fjords en clairières qu’il donne l’impression de semer en route sa propre caméra. Plus il avance, plus il se déleste et se désencombre, mieux il nous fuit. On le comprend. C’est drôle et triste à la fois. Thérapeutique, somme toute. J. G.

♥♥♥ « Red Rose », drame franco-grec de Sepideh Farsi, avec Mina Kavani, Vassilis Koukalani (1h27).

La cinéaste iranienne en exil Sepideh Farsi et le scénariste Javad Djavahery ont imaginé un dispositif très ingénieux pour évoquer la situation de l’Iran au lendemain des élections de juin 2009. Le soulèvement populaire provoqué par la réélection usurpée de Mahmoud Ahmadinejad et la répression particulièrement violente dont il a fait l’objet sont présents à travers les images filmées avec des téléphones portables, qui scandent le huis clos mis en place par le film.

Une nuit, une jeune femme trouve refuge dans l’appartement d’un homme solitaire : entre Sara (Mina Kavani), 25 ans, et Ali (Vassilis Koukalani), qui a deux fois son âge, une relation se noue. Elle s’apparente bientôt à une histoire d’amour. Entre une révoltée de 2009 et un militant de 1978, qui lui aussi descendit dans la rue et a dû se résigner depuis à ne plus croire à une possibilité de changement, ou du moins à faire comme si. Il n’y a là rien d’artificiel ni de démonstratif, au contraire tout coule de source, et cette eau est limpide et pure.

La conclusion de ce qui constitue une charge d’une violence inouïe contre le régime iranien est vertigineuse, profondément troublante et révoltante. « Red Rose » associe avec une virtuosité et une intelligence extrêmes les ressorts du cinéma classique (scénario exploitant une situation de nature proche du théâtre) et l’immédiateté et la sauvagerie apparente des modes de communication modernes (images captées, diffusées sur les réseaux sociaux). C’est une très belle réussite. P. M.

♥♥ « Les chansons que mes frères m’ont apprises », drame américain de Chloé Zhao, avec John Reddy, Jashaun St. John, Irene Bedard (1h34).

Aux yeux de qui découvre ce premier et très beau film de Chloé Zhao, il n’est pas douteux que la jeune cinéaste chinoise avait essentiellement en tête de rendre hommage aux Indiens d’une réserve du Dakota du Sud dont, des mois durant, elle a partagé la vie.

L’histoire de ces « Chansons que mes frères m’ont apprises » est probablement venue après qu’elle eut formé le projet du film : plus qu’un récit, il s’agit d’ailleurs d’une suite d’événements, qui donne à l’ensemble une allure de chronique. Chronique centrée sur le jeune Johnny Winters et sa petite sœur de 11 ans, Jashaun, deux Indiens Lakota qui vivent seuls avec leur mère depuis que leur frère est en prison et que leur père, un champion de rodéo, est parti voir ailleurs.

De cet ailleurs, il ne reviendra pas : le film s’ouvre par l’annonce de sa mort, dans l’incendie de sa maison. Le père était alcoolique. Johnny gagne un peu d’argent en livrant de l’alcool pour le compte du vendeur clandestin local. Il espère en amasser suffisamment pour partir s’installer à Los Angeles, où sa petite amie va poursuivre ses études. De ce projet, il ne s’est ouvert ni à sa mère ni à sa sœur. De même qu’il y a peu de mots, ce film ne s’encombre pas de péripéties. Chloé Zhao choisit de livrer plutôt des indications et des renseignements sur la vie dans cette réserve, avec assez de maîtrise et de doigté pour ne jamais faire la leçon. Les images sont signées Joshua James Richards, elles sont d’une beauté à couper le souffle. P. M.

♥ « LIFE », comédie dramatique britannique d’Anton Corbijn, avec Robert Pattinson, Dane DeHaan, Ben Kingsley (1h52).

Mettons les choses au point tout de suite : Robert Pattinson est un acteur sans intérêt. Il n’a ni charisme, ni présence, ni empreinte. Il est là, c’est tout. Ici, il joue le rôle du photographe Dennis Stock, qui, en 1955, signa les photos les plus célèbres de James Dean, alors au bord de la célébrité.

Le film de Corbijn retrace les relations compliquées entre les deux hommes, et montre, chemin faisant, la nature torturée de James Dean. Poseur, capricieux, jouant au rebelle (mais sensible à l’attrait de la publicité quand même), Dean a été sanctifié par sa mort brutale, et les images de Stock sont devenues célèbres.

L’ennui avec le film, c’est qu’on a l’impression que l’acteur qui joue James Dean (Dane DeHaan) se livre à une parodie pour stand-up. Du coup, malgré la qualité de la lumière recherchée par Corbijn (« The American », « Un homme très recherché »), le récit ne trouve jamais sa crédibilité. C’est dommage : il y avait là un très beau sujet.F. F.

♥ « Queen of Earth », drame américain d’Alex Ross Perry, avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit (1h30).

Pour filmer la vie de Catherine dans la maison de sa meilleure amie, Virginia, au bord d’un lac et dessiner le portrait psychologique de cette jeune femme au lendemain de la mort de son père et d’une rupture amoureuse violente, Alex Ross Perry crée une mosaïque d’images saisies au plus près.

Il arrive parfois que le passé bouscule le présent, mais si la relation entre Catherine et Virginia évolue dans une direction qui suggère un possible renversement des rôles, c’est bien la première qui demeure au centre du dispositif.

L’ensemble peut tout aussi bien être jugé fascinant que gentiment barbant, mais la virtuosité du cinéaste est incontestable. Elle est nourrie par une multitude de références bien comprises, de Bergman à Woody Allen en mode « Intérieurs ». La composition d’Elisabeth Moss, par ailleurs productrice du film, est assez sidérante. P. M.

♥♥ « Youth », comédie dramatique italienne de Paolo Sorrentino, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda (1h58).

Dans un palace helvétique situé au pied des montagnes et aux portes de l’éternité, deux amis octogénaires s’octroient un supplément de bon temps.

Sir Michael Caine, classe affaires, interprète un chef d’orchestre qui refuse de diriger devant la reine d’Angleterre, mais accepte, dans une prairie, de conduire un concerto pour cloches bovines.

Et Harvey Keitel, style vieil Hollywood, joue un cinéaste démonétisé qui essaie de terminer, dans la procrastination, un scénario pour Jane Fonda, laquelle le lui jette à la figure dans une scène d’anthologie.

Ces deux rois fainéants qui se regardent tantôt le nombril et tantôt la prostate ont inspiré au réalisateur clinquant d’ »Il Divo » et de « la Grande Bellezza » une fable loufoque, où Miss Univers, Maradona, le dalaï-lama font de la figuration, et dont on préconise la diffusion thérapeutique dans les services de gériatrie. J. G.

C’est raté

◊ « Au plus près du soleil », drame français d’Yves Angelo, avec Sylvie Testud, Grégory Gadebois, Mathilde Bisson (1h43).

L’accusée est une femme entretenue. La juge est mariée à un avocat. Le fils de ce couple, adopté, est l’enfant (abandonné par sa mère biologique) de l’accusée (mais c’est une coïncidence). Drame, donc. Bonne situation de départ, puis tout sombre dans le ridicule : l’avocat s’en mêle, la salope devient de plus en plus méchante (et craquante), tout le monde part en croisière… Aïe, aïe, aïe.

On a connu Yves Angelo, le réalisateur, mieux inspiré avec « les Ames grises ». Ici, tout vire au mélo le plus prévisible, malgré des acteurs qui font de leur mieux pour surnager dans cet océan de pathos : Sylvie Testud en magistrate écartelée ; Mathilde Bisson, provocante et séduisante ; et, surtout, Grégory Gadebois (« Mon âme par toi guérie »), absolument remarquable dans un rôle impossible. Plus le film avance, plus les ennuis s’accumulent et chargent la barque. Elle coule. F. F.

François Forestier, Jérôme Garcin et Pascal Mérigeau

Homo Naledi inhumait ses morts

Les os fossile d'Homo naledi proviennent de 15 individus au moins (John Hawks. Université de Witwatersrand Une nouvelle star apparaît dans le ciel de l’histoire ancienne du genre humain. Une nouvelle espèce du genre Homo, baptisée Homo naledi, découverte dans les grottes dites de Rising Star, à 500 km de Johannesburg en Afrique du Sud.

Naledi pour « étoile » en langage Sesotho. Une espèce encore non datée, mais qui semble remonter aux origines du genre Homo de par ses caractères primitifs. Sauf qu’elle aurait déposé dans cette grotte de nombreux individus dans un geste funéraire ! Un comportement totalement inédit pour une telle ancienneté.

La découverte de cette grotte recelant des fossiles pré-humains remonte à 2013, et est due à deux spéléologues, Steve Tucker et Rick Hunter. Elle excite depuis sérieusement les paléo-anthropologues. Crâne de Homo naledi (John Hawks Université de Witwatersrand)Elle fait l’objet ce matin d’une communication de l’University de Witwatersrand, de la  National Geographic Society et du South African Department of Science and Technology de la National Research Foundation qui présente une première analyse de ces vestiges pour le moins intrigants par une équipe scientifique dirigée par Lee Berger, de l’University de Witwatersrand. Lee Berger est déjà bien connu pour la découverte d’Australopithecus Sediba (lire une note de 2011 sur ce fossile lors de la publication de l’article dans Science avec une interview de Pascal Picq). Des chercheurs de la Max Planck Gesellschaft de Leipzig participent à cette équipe.

Caractères anatomiques

Les restes pré-humains n’ont pas encore été datés (la datation est difficile, car il faut la faire directement sur les os fossiles en l’absence d’autres éléments datables et datant de leur mort), mais ils présentent des caractères anatomiques aujourd’hui bien décrits à la suite d’un workshop organisé en Afrique en mai 2014 auquel 50 chercheurs ont participé. L’abondance des fossiles – plus de 1 500 ossements découverts provenant d’au Pied d'Homo naledi (John Hawks université de Witwatersrand)moins 15 individus différents (enfants, adultes et vieux), mais avec presque tous les os d’un squelette complet – en fait d’emblée l’une des espèces fossiles de pré-humain qui sera la mieux décrite. Il s’agit d’un primate d’environ 1,50 mètres à l’âge adulte, plutôt gracile avec environ 45 kg. Une tête petite, et un cerveau de la taille d’une orange.

Il présente des caractères dont la qualification de « primitifs » et « dérivés » font toujours l’objet de vives discussions entre spécialistes. Homo Naledi possède des pieds ainsi que des jambes, plutôt longues, très adaptées à la marche bipède sur longue distance. Au point qu’un membre de l’équipe décrit les pieds comme « indistinguables » du pied d’un homme actuel.

Les dents et la plupart des os semblent en revanche le rattacher aux plus vieux représentants du genre Homo, voire à un genre antérieur (australopithecus) au vu de ses mains très adaptées à la vie arboricole (les doigts très courbés pour la grimpe dans les arbres et Main d'Homo nadeli (John Hawks Université de Witwatersrand)la suspension aux branches). Au total, il semble plus proche des plus anciens membres du genre Homo (Homo habilis) donc, il y a 2,5 millions d’années.

Mais le plus surprenant dans la découverte, c’est la disposition des ossements. Regroupés dans une partie très difficile d’accès de la grotte, à 30 mètres sous la surface. Exclusifs : à part quelques os d’une souris et d’un oiseau, uniquement des ossements d’Homo naledi. Aucune trace sur les os de l’action d’un carnivore qui aurait tué et dévoré ces êtres ni de charognage après la mort. Comment sont-ils arrivés là, dans une sorte de chambre qui n’a jamais été en contact direct avec la surface ? Les La chambre où les fossiles ont été trouvésscientifiques ont étudié de nombreuses hypothèses, comme un piège naturel, l’action d’un cours d’eau… aucun ne semble fonctionner. Du coup, il ne reste qu’une hypothèse plausible : un acte funéraire ! Sauf qu’un tel comportement serait complètement inédit pour une espèce aussi éloignée dans le temps et l’anatomie des néandertaliens et des hommes modernes pour lesquels ce comportement est clairement identifié il y a près de 100.000 ans au Proche Orient.

Co-existence de nombreux Australopithèques et Homos

Cette annonce vient renforcer la variété des espèces des genres Australopithecus et Homo qui ont co-existé sur une très longue période de temps, faisant de l’unicité actuelle d’Homo sapiens une exception. La plupart de ces espèces ne semblent pas avoir eu de descendants. Mais la nature des relations qu’elles ont entretenues – avec la possibilité ou non d’hybridation – demeure énigmatique. Tout autant que l’intrigante absence dans le registre fossile des ancêtres des chimpanzés et des gorilles, les espèces actuelles les plus proches des hommes.

L'équipe de spéléologues qui ont récupéré les os fossilesIntrigante, car elle conduit à se demander si elle ne proviendrait pas du « classement » plutôt que de la réalité, les paléo-anthropologues étant trop obnubilés et guidés par la volonté de retrouver le cheminement de la lignée qui conduit à l’homme actuel. Certains d’entre eux soupçonnent un biais qui ferait qualifier de « primitif » tout caractère faisant penser aux chimpanzés et aux gorilles, ce qui, selon eux (Pascal Picq notamment) constitue une erreur de raisonnement. Les chimpanzés et les gorilles sont en effet tout aussi « évolués » relativement à leurs ancêtres d’il y a 6 millions d’années – l’époque où les lignées conduisant aux hommes et aux grands singes sont censées se séparer selon la biologie moléculaire –  que les hommes actuels vis à vis de leurs ancêtres.

Lee Berger sur le site archéologique (Université de Witwatersrand)Du coup, un caractère jugé aujourd’hui primitif, comme l’adaptation à la vie arboricole, parce qu’ils le portent, pourrait tout aussi bien être un caractère « dérivé », apparu récemment dans leurs lignées. La situation est d’autant plus compliquée que les possibilités d’hybridation entre espèces non totalement séparées, avec une descendance fertile, est très délicate à mesurer ou à écarter. La proposition iconoclaste de certains chercheurs de réunir en une seule espèce, sous le nom d’Homo erectus, un grand nombre d’espèces aujourd’hui considérées comme séparées montre bien la difficulté de l’affaire.

Ce débat encore confus ne pourra être tranché qu’avec la mise au jour des ancêtres des chimpanzés et gorilles, soit sur le terrain, par des découvertes, soit… dans les collections actuelles des fossiles qui remontent à la période de séparation des deux lignées, il y a environ 6 millions d’années.

► La découverte d’Australopithecus Sediba.

► Tous les Homo seraient erectus.

D’autres notes de préhistoire sur le blog:

► Néanderthal aurait copié Cro-magnon.

► La datation à 42.000 ans d’un Cro-Magnon britannique contestée. Cette datation était évoquée dans cette note.

► Une nouvelle manière d’envisager notre ancêtre: « Cro Magnon n’a jamais fait la révolution ».

► La science sous le film sur la Grotte Chauvet.

Par Sylvestre Huet, le 10 septembre 2015

L’architecte Dominique Perrault décroche le prix Praemium Imperiale

L’architecte Dominique Perrault est depuis ce jeudi lauréat du prix Praemium Imperiale dans sa discipline. On a coutume d’appeler ces prix, attribués aussi en sculpture, peinture, théâtre-cinéma et musique, les Nobel de la culture. Pas mal. Mais, interrogé la veille au soir par Libération, l’intéressé a tenu à partager son prix de façon surprenante : «C’est un prix qui célèbre aussi une époque exceptionnelle de la commande publique en France.» «Bébé de la commande publique», selon ses propres termes, Perrault n’aurait jamais décroché le projet de la BNF sans ce biais. «Je n’avais pas de parents architectes, pas d’argent, c’était impossible autrement.» En 1989, cette réalisation a marqué le début de sa carrière.

Reconnaissons que les pouvoirs publics de l’époque, le président François Mitterrand en l’occurrence, n’avaient pas froid aux yeux en choisissant pour un projet aussi énorme un jeune homme de 35 ans qui avait construit, en gros, une école d’ingénieurs à Marne-la-Vallée et un hôtel industriel en bordure du périphérique parisien. Deux bâtiments salués par la critique mais bon… Passer à 250 000 mètres carrés, s’attaquer à un symbole de la France et prendre sur la tête des polémiques entre intellectuels d’une violence inouïe nécessitait une certaine force d’âme. D’autant plus que l’édifice achevé ne va pas calmer les critiques, loin de là. Tout aura été reproché à Perrault : les livres dans les tours, le jardin dans le contrebas, l’entrée introuvable, le parvis qui glisse…

Est-ce qu’on n’avait rien compris ? Peut-être. Il faut regarder aujourd’hui dans les œuvres de Perrault l’université féminine Ewha à Séoul, en Corée du Sud. Le concept d’université «féminine» nous paraît un peu étrange mais à ce détail près, on rêverait d’aller étudier dans cet endroit. «Ce n’est pas un bâtiment, c’est un paysage», résume l’architecte.

L’établissement est enterré, on y pénètre par une gigantesque faille dans le sol, une rue principale, en somme, sur laquelle donnent les salles. «C’est à l’opposé de ce que fait habituellement un architecte en construisant des toits, des murs, explique Perrault. Mais c’est aussi ce qui permet de faire comprendre la bibliothèque.» Egalement semi-enterrée. A Berlin, pour le vélodrome et la piscine olympique, à nouveau, le maître d’œuvre aura creusé le sol.

A quoi reconnaît-on un bon architecte ? Au fait que du passé, il ne fait pas table rase. Depuis vingt ans, Perrault agrandit progressivement la Cour de justice des communautés européennes au Luxembourg. «C’est la seule institution européenne qui s’est reconstruite sur elle-même pendant trente ans.» Il y avait un édifice de 1973. L’architecte en a posé un autre en anneau, poliment, tout autour. «Ces bâtiments ont une histoire qui n’est pas une histoire de locataires», dit-il. Comprendre : ce ne sont pas de banals bureaux. On serait tenté d’ajouter que ce ne sont pas non plus les terrifiantes constructions dont les instances européennes ont constellé Bruxelles.

Dominique Perrault est l’un des architectes qui réfléchissent l’avenir de la métropole dans le cadre de l’Atelier international du Grand Paris. Il est aussi celui qui construira la gare Villejuif-Institut Gustave-Roussy de la future ligne 15 Sud du métro Grand Paris Express. Un métro qui, pour la première fois, note-t-il, «donne lieu à des préoccupations esthétiques, plastiques, à un souci de l’environnement des gares. Cela montre que l’on est en train de sortir d’une conception de tuyau autiste». Ce qui, en France, n’est jamais gagné d’avance.

Une autre Française, la danseuse Sylvie Guillem, a été couronnée lors de cette même session du Praemium. Jusqu’à présent, Jean Nouvel était le seul architecte français à avoir eu ce prix, en 2001.

Sibylle Vincendon

Joann Sfar : « Je suis un peu une Bridget Jones »

« Tu n’auras pas d’autre dieu que moi », tome 6 du Chat du Rabbin, et « Je t’aime ma chatte » des Carnets. Deux sorties. Deux nouveaux albums en un coup de maître du scénariste, dessinateur et réalisateur Joann Sfar. Si ces deux bandes dessinées sont très différentes, elles se rejoignent sur un point : le célibat. Les personnages philosophent sur le manque d’amour et la tristesse autour de cette solitude. Et à l’occasion de ces deux nouveautés, l' »Obs est allé interviewé Joann Sfar. Reportage.

Keanu Reeves : « Hors du boulot, ma vie est très terne »

De Keanu Reeves, on pourrait vous dire tout ce qui s’écrit depuis des années sur lui à longueur d’articles. Que son prénom en dialecte hawaïen signifie « brise fraîche sur la montagne ». Que ce n’est pas le plus grand acteur du monde (la litote en dit long). Qu’il est sympa mais si nonchalant et peu loquace en interview que bonne chance à celui qui tenterait de cerner ce que cache son doux et triste regard de moine shaolin fumeur de joints.

Keanu Reeves a marqué une génération. Il fallait voir l’excitation des fans ce week-end au Festival de Deauville où l’acteur était présent pour recevoir un hommage et présenter son nouveau film, « Knock Knock » d’Eli Roth (sortie le 23 septembre). Dans ce dernier, Reeves interprète un père de famille et époux modèle qui, seul chez lui durant un week-end, se retrouve la proie de deux lolitas sexy qu’il a eu le malheur d’abriter le temps d’une averse. Il est loin le Johnny Utah de « Point Break », le Néo de « Matrix », le tapin rebelle et sans cause de « My Own Private Idaho ». L’acteur, qui vient de fêter ses 51 ans, incarne désormais les pères de famille. Mais un père architecte et ex-DJ harcelé par deux bimbos chaudes comme la braise qui se transformeront, la nuit passée, en d’affreux « gremlins » fouteurs de souk. Cool un jour, cool toujours, Keanu.


Comment s’est passé l’hommage que vient de vous rendre le Festival de Deauville ?

– Très bien. Je ne savais pas de quoi parler sur scène et je me suis dit que, quitte à lancer une rétrospective sur ma carrière, autant parler de mes débuts. Et des films pour lesquels, jeune acteur, j’ai passé des auditions sans être pris. Comme « la Folle Journée de Ferris Bueller ».

Quel est le film qui a tout changé pour vous, celui à partir duquel vous vous êtes dit « ça y’est, je suis acteur » ?

– J’ai eu la chance de connaître plusieurs tournants. D’abord, avec « River’s Edge », mon premier tournage aux Etats-Unis. Un film formidable, bien accueilli par la critique, qui m’a ouvert de nombreuses portes. « Point Break », ma première incursion dans le cinéma d’action, fut aussi déterminant. C’est grâce à son succès que j’ai pu faire « Speed » par la suite. Et sans « Point Break », on ne m’aurait pas proposé « Matrix ».

Vous avez travaillé très tôt avec de grands cinéastes : Stephen Frears sur « les Liaisons dangereuses », Bertolucci sur « Little Buddha », Coppola sur « Dracula », Gus Van Sant sur « My Own Private Idaho »…

– … Ron Howard.

(Rires) Ceci dit, « Portrait craché d’une famille modèle », dans lequel vous jouez, fait partie de ses meilleurs films.

– C’est un film fantastique.

Qu’avez-vous appris de chacun de ces réalisateurs ?

– Hum ! Mon Dieu ! C’est… ! Ils ne m’ont pas donné de conseils à proprement parlé mais on apprend de l’expérience, du travail à leur côté. Avec Gus Van Sant, ce fut la première fois que je vivais en communauté avec mes partenaires. Nous habitions tous, les principaux acteurs du film, dans la maison de Gus. Il y régnait un esprit de camaraderie unique. On ne se quittait pas, c’était « la vie imite l’art ».

Il s’est dit que vous meniez une vie de débauché.

– C’était fou.

C’est-à-dire ?

– Disons qu’on s’occupait comme on pouvait.

Jusque tard dans la nuit ?

– Jusque tard dans la nuit…

Et Gus Van Sant a dû déménager parce qu’il n’arrivait pas à dormir.

– River [Phoenix, ndlr] a déménagé. Gus, je ne me souviens plus.

Vous jouiez de la musique, tentiez des expériences ?

– Ouais… Peu importe… On passait du bon temps tous ensemble. C’est comme les troupes de cirque : vous vivez comme une famille pendant un temps puis arrive le moment où vous devez vous séparer. Parfois, il se crée des amitiés et des relations qui durent au-delà ; d’autres fois, non. Mais ce moment que vous avez partagé restera toujours, et ça, c’est vraiment cool.

Je vous sens très solitaire.

– Oui. Vous savez, hors du boulot, ma vie est très terne.

Revenons à « Point Break », il paraît que la réalisatrice, Kathryn Bigelow, a eu beaucoup de mal à vous imposer auprès du studio.

– Je sais qu’elle s’est bien battue mais je ne sais pas exactement comment ça s’est passé. Je ne le lui ai jamais demandé.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le script ?

– Jouer un agent du F.B.I. qui s’appelle Johnny Utah, devient surfeur et voit sa vie bouleverser par les criminels sur lesquels il enquête : tout était tellement cool. J’aimais la dimension pulp de l’histoire, et son message. Et puis, des surfeurs-braqueurs de banque qui font du saut en parachute, c’est chanmé ! Bref, cela promettait un bon divertissement bien fendard. Le cinéma de Kathryn vous immerge littéralement dans le monde qu’il dépeint. Si vous saviez le nombre de personnes qui m’ont dit s’être mis au surf ou au saut en parachute après avoir vu « Point Break ».

Vous êtes la star de trois films emblématiques du cinéma d’action des années 1990 : « Point Break », « Speed » et « Matrix ». Quelle est la scène la plus risquée que vous ayez tournée ?

– Les responsables des cascades font tout pour protéger les acteurs. Je ne me suis donc jamais trouvé en situation de danger. Mais il y a quelques scènes de poursuite dans « Speed » où j’aurais pu me prendre une voiture et mourir si je n’avais pas redoublé d’attention. Sur les « Matrix », j’ai dû me coltiner certaines scènes où, accroché à des câbles, à 30 mètres du sol, je devais voler, chuter en piqué, faire un salto avant, me redresser… Des défis très athlétiques.

« Matrix », dont la mythologie mêle récit biblique, mystique new age et nouvelles technologies, est le premier film marquant de l’ère internet et digitale. Quand on voit le résultat aujourd’hui avec tous ces blockbusters gavés d’effets spéciaux numériques…

– Vous devriez plutôt blâmer « les Dents de la mer » pour ça.

Avez-vous compris quelque chose aux deux suites de « Matrix » ?

– Bien sûr. Voyons, mec ! Le monde de « Matrix » englobe tout ce qui est vivant et connecté. Il parle des entités sensibles, qu’elles soient de chair et d’os ou virtuelles. Thomas « Neo » Anderson, mon personnage, le résume bien quand l’esprit de la machine lui demande ce qu’il cherche et qu’il répond : « la paix ».

Comment vous sentez-vous dans le Hollywood d’aujourd’hui ? Vous propose-t-on de jouer dans tous ces remakes, suites et autres blockbusters de super-héros ?

– Non. On ne me propose pas de films de super-héros. Je n’ai pas tourné de blockbusters depuis longtemps.

Il y a eu « Constantine »…

– Et « 47 Ronin », qui n’a pas marché aux Etats-Unis. A l’international, les chiffres étaient meilleurs.

Justement, vous avez longtemps alterné les blockbusters et les films plus confidentiels. Parmi eux, il en est un qui n’a pas fait grand bruit mais assez singulier et précurseur dans son genre : « A Scanner Darkly » de Richard Linklater. Cette adaptation de Philip K. Dick a été tournée grâce à la technique de rotoscopie qui consiste à filmer en prises de vues réelles pour en tirer ensuite un film d’animation.

– Richard Linklater avait déjà utilisé la rotoscopie quelques années plus tôt dans « Waking Life ». L’idée de « A Scanner Darkly » lui a été inspiré par le film « Five Obstructions », où un cinéaste s’impose des règles, des restrictions pour raconter son histoire. Il y avait un lien très fort entre le sujet du film et sa forme. « A Scanner Darkly » traite la question de l’identité, de ce qui est réel et ne l’est pas… Cela rend d’autant plus cool le fait que les personnages proviennent de prises de vues réelles, dessinées et animées par la suite. Leur nature duale se retrouve à l’écran.

Quels sont vos auteurs de chevet ?

– J’ai un penchant pour les romans à base de douleur et de souffrance, mais traités avec humour. Comme chez Dostoïevski.

Dans « Knock Knock », votre nouveau film, vous interprétez un père de famille et époux modèle harcelé par deux jeunes bimbos. Le fait qu’il y a quelques années, une femme vous a accusé de vous être déguisé en son mari et de lui avoir fait quatre enfants (un procès l’a innocenté, NDLR) a-t-il joué dans votre intérêt pour ce sujet ?

– Ah oui, c’est vrai ! Cette histoire était dingue. Mais non, mon choix de faire ce film n’a rien à voir. J’ai adoré le scénario. J’ai trouvé ça bien écrit, je pensais que ce serait amusant à jouer. Et puis je cherchais à travailler avec Eli Roth.

Votre personnage dans « Knock Knock » est un ancien DJ. On sait à quel point la musique occupe une place importante dans votre vie. Jouez-vous toujours de la basse ?

– Je tape le bœuf avec des amis de temps à autres. J’ai joué dans un groupe, Dogstar, durant un moment, mais on s’est séparés en 2002.

Les goûts musicaux de votre personnage dans le film sont-ils les vôtres ?

– Non.

Vous écoutez quoi ?

– Iggy Pop et les Stooges, Pegboy, Arvo Pärt – son morceau « Spiegel im Spiegel » est fantastique. Je suis assez rétro.

Vous avez l’air sensible aux thématiques new age, aux histoires de réalités parallèles et de connexions spirituelles. Je pense à « Matrix » et « Little Buddha », bien sûr, mais aussi à un polar comme « The Gift » de Sam Raimi où l’héroïne, interprétée par Cate Blanchett, est médium.

– Ce sont les idées des réalisateurs.

Mais ce sont aussi vos choix de rôles.

– C’est vrai. Dans le film de Sam Raimi, j’interprète Donny Barksdale, un fils de p… qui bat sa femme. Un type très drôle à jouer. Pour moi, « The Gift » parle de chagrin, des différentes manières qu’ont les hommes de gérer le leur, de camoufler leur insécurité.

De quelle religion êtes-vous ?

– Aucune.

Jouer « Little Buddha » ne vous a pas orienté vers le bouddhisme ?

– Si. J’ai lu pas mal de choses, rencontré certains Rinpochés [titre désignant les lamas incarnés, NDLR], fait un peu de méditation. Mais je ne suis pas bouddhiste. Ceci dit, cette formation m’a considérablement changé. Dans mon rapport à la mort, à l’impermanence des choses, à la compassion, aux êtres et aux liens qui nous unissent. L’approche bouddhique est fascinante.

Cela vous a-t-il aidé à faire face aux épreuves terribles que vous avez traversées (sa sœur est atteinte de leucémie ; en 1999, sa compagne, Jennifer Syme, a accouché d’un enfant mort-né avant de mourir, 18 mois plus tard, dans un accident de voiture, NDLR) ?

– Un peu.

Récemment, vous êtes passé derrière la caméra en réalisant un film d’arts martiaux, « Man of Thaï Chi » et un documentaire, « Side By Side », sur la disparition de la pellicule au profit des films tournés en numérique.

– Plus le temps passait, plus j’observais sur les tournages des films dans lesquels je jouais le glissement de l’analogique vers le numérique. Au niveau du son et des effets spéciaux, bien sûr, mais aussi de l’image. L’arrivée des caméras numériques fut la dernière étape de cette digitalisation de masse. La question de la transition vers le digital me passionne. Qu’y a-t-on perdu ? Qu’y a-t-on gagné ? Aujourd’hui, tout est numérique, même le système de diffusion des films en salles. Cent ans de processus photochimique est en train de disparaître.

Quels sont vos projets ?

Je viens de tourner avec Nicolas Winding Refn [réalisateur de « Drive », NDLR]. Un type très malin et passionné. Le film s’intitule « The Neon Demon ». Je joue un manager de motel très menaçant aux côtés d’Elle Fanning.

Et qui d’autre ?

– Je ne sais pas, je n’ai tourné qu’avec elle.

Que peut-on attendre du film ?

– Aucune idée.

Y’a-t-il d’autres réalisateurs européens avec lesquels vous aimeriez travailler ?

– Bien sûr. Celui de « Snow Therapy » [le Suédois Ruben Ostlund, NDLR]. Thomas Vinterberg [« Festen », NDLR]. Et Michael Haneke.

Eh ben ! Vous aimez les histoires de familles sous tension en voie d’implosion.

– Yeah ! J’aime l’intelligence avec lesquels ces cinéastes traitent de la manière dont le quotidien peut devenir extraordinairement compliqué.

Vous n’aimez pas parler en interview ?

– Je lutte depuis toujours contre le fait d’être résumé à telle ou telle chose.

Propos recueillis par Nicolas Schaller

«Papa a mis Bastien dans la machine à laver»

«Il y a un gros gros problème avec Bastien. Donc si vous faites rien du tout, moi je vous le dis tout de suite, je le balance du deuxième étage. Même si je prends 15 ans de prison, je le balance.» Le message, laissé sur le répondeur des services sociaux de Seine-et-Marne, date du 24 novembre 2011. Le lendemain son auteur, Christophe Champenois, enferme son fils Bastien, 3 ans, dans son lave linge, le met en route, et le tue.

Des messages comme celui-ci, des signaux d’alerte et même des signalements officiels, il y en a de très nombreux dans la courte vie de Bastien, mort le 25 novembre 2011 à Germigny-Levêque (Seine-et-Marne). Le petit garçon lui-même, une grosse bosse sur le front, avait expliqué à une assistante sociale : «Papa a fait boum». Réaction immédiate de la travailleuse, poser la question aux parents. Qui nient, de manière assez peu surprenante.

A l’école, Bastien, qui présentait un important retard de langage, grimpait partout, se mettait sans cesse en danger. Les enseignants s’en plaignaient aux parents, qui le punissaient. La veille de sa mort, Bastien a pris le dessin d’une de ses camarades et l’a jeté dans les toilettes. Conséquence, de retour à la maison : enfermé dans le placard, les mains scotchées.

Il est impossible d’écrire tout ce que Bastien a souffert, et tout ce que les adultes ont ignoré, tant les signes de sa détresse, dans la procédure qui mène aujourd’hui ses deux parents devant la cour d’assises de Melun, semblent incessants. Son père, Christophe Champenois, 36 ans, comparaît pour meurtre aggravé. Sa mère, Charlène Cotte, 29 ans, pour complicité. Les services sociaux qui suivaient la famille depuis 2009 ne sont pas inquiétés.

Des chiffres disent un peu du calvaire de Bastien. Entre 2009 et 2011, trois appels au 119 000, le numéro de l’enfance en danger, sont passés le concernant. Une voisine raconte l’avoir vu accroché au rebord de la fenêtre avec une corde, des travailleurs sociaux témoignent anonymement. Sa grand-mère maternelle l’emmène à la maison des solidarités, à Meaux, et explique que son père le bat. Des enseignants font un signalement. Neuf «informations préoccupantes» sont répertoriés dans son «dossier».

De la part des services sociaux, «un accompagnement, pas un contrôle»

Mercredi et jeudi, les représentants des services sociaux viendront détailler à la barre les principes de leur action auprès de la famille. Christine Boubet, la directrice adjointe aux solidarités pour le conseil général de Seine-et-Marne l’a déjà expliqué à Libération en 2011, et redit depuis dans plusieurs médias : «C’est un accompagnement, pas un contrôle.» Lorsque la famille «coopère», selon le vocabulaire employé, on «travaille avec eux». Dans le cas des Champenois, la «coopération» était constatée. Ils «recevaient» régulièrement les assistantes sociales et puéricultrices, des visites dont ils étaient toujours prévenus à l’avance, et les écoutaient poliment. D’autant qu’ils espéraient faire avancer leur demande de relogement social, pour quitter leur appartement insalubre.

Mardi, une partie de la journée a été consacrée à la «biographie» des parents de Bastien. Lui, grand blond carré, en chemise rouge vif, tremble et pleure dans le box dès les premiers mots. La présidente le rabroue, lui conseille de «rester clair, dans (son) intérêt». Il ravale aussitôt ses sanglots, la voix immédiatement neutre. Charlène Cotte, en liberté provisoire après trois années de détention, est petite, en fort surpoids, habillée de noir, un chignon sur le sommet du crâne. Elle a peu de mots : «Mon enfance ? Heureuse», murmure-t-elle. Elle a grandi entre un père alcoolique et une mère dépassée, sixième de huit enfants, cinq de ses frères et sœurs ont été placés. Elle mène une scolarité floue, orientée dans une filière «entretien» alors qu’elle souhaitait «un CAP petite enfance».

Elle ne travaille pas, se met en couple avec Christophe à 15 ans. Une petite fille, Marie (1), naît en 2006. Pour Bastien, en 2008, Charlène explique qu’elle ne s’est pas «rendu compte» de sa grossesse, «peut-être parce que je savais que Christophe ne voulait pas d’autre enfant». Elle dit s’être sue enceinte au moment des contractions. Son compagnon a d’abord refusé de reconnaître Bastien. S’est ravisé, trois jours après.

Un parcours familial tumultueux 

Christophe Champenois lui est enfant unique. Son père, alcoolique, est mort d’un délirium trémens lorsqu’il avait sept ans. Il ne l’a «pas su tout de suite» : sa mère lui a dit que son père était «parti». «Tous les jours je me demandais quand est-ce qu’il allait revenir.» Christophe Champenois souffre d’un méningiome, tumeur au cerveau qui, dit-il le «rend nerveux» et le pousse à calmer ses angoisses dans l’alcool et les stupéfiants (cannabis, amphétamines, ecstasy, cocaïne). Il a arrêté tôt les études, occupé différents emplois de chauffeur ou cariste, puis vécu des allocations.

Leur premier enfant, Marie «était sage, on ne l’entendait pas», raconte Charlène Cotte à la barre. «Elle ne s’est pas occupée toute seule mais… c’est un peu ça. Bastien, lui, était un enfant agité, hyperactif. Il avait peur de son père, qui le frappait. Il a mis du temps à parler, à marcher. Pour se faire comprendre, il se faisait voir. Il faisait une petite bêtise, il ouvrait un placard ou jetait un jouet, pour dire « Coucou, je suis là ».»

Le soir de la mort de Bastien, alors que ses parents sont en train de raconter une histoire de chute accidentelle dans l’escalier, Marie, 5 ans, se plante face au voisin qui a accouru : «Papa a mis Bastien dans la machine à laver», dit la petite fille. Christophe Champenois, à côté, lève la main, la menace : «Arrête de dire des conneries !» Mais Marie répète sa phrase. Elle la répétera aux secours, puis aux enquêteurs, avant que l’autopsie et les aveux de Charlène Cotte ne viennent confirmer. A la barre de la cour d’assises de Melun, un gendarme a la voix qui s’étrangle : «Je voudrais dire à Marie que, ce soir-là, elle a eu beaucoup de courage.»

(1) Le prénom a été modifié.

Ondine Millot

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