Le clan des Siciliens : décryptage d’une photo mythique

C’est une photo inédite: Paris Match ne l’a jamais publiée. Le magazine va pourtant la proposer aux enchères le 3 mai chez Cornette de Saint Cyr, à Paris, parmi 145 tirages uniques de son fond (tous estimés entre 1.500 et 2.500 euros). Une première depuis la création du titre en 1949. L’exposition publique démarre le 27 avril.

Ce cliché est phénoménal: il montre trois monstres sacrés du cinéma français Alain Delon-Lino Ventura-Jean Gabin, et le réalisateur Henri Verneuil, dans une posture et avec une présence extraordinaires, durant le tournage du film Le Clan des Siciliens, en mai 1969. Ils nous regardent.

C’est l’auteur du cliché, Claude Azoulay, qui les a installés ainsi et leur demande de fixer son objectif. Les stars sont devant. Les autres acteurs à la file, Irina Demick assise derrière Alain Delon, aux côtés de Sydney Chaplin, juste devant Marc Porel. Et aussi le directeur de la photographie Henri Decaë aux larges moustaches, ou encore le producteur exécutif Jacques-Eric Strauss, grâce à qui Le Clan des Siciliens a été adapté du roman d’Auguste Le Breton.

«Elle a été publiée pour la première fois à la galerie Anne et Just Jaeckin à Paris, l’année dernière, à l’occasion de l’exposition d’un collectionneur. Puis en très grand format à l’aéroport de Roissy. Mais à l’époque où je l’ai faite, il devait y avoir une actualité beaucoup plus importante pour Paris Match et la photo n’est pas passée. La non-parution, c’est l’angoisse de tout photographe!», raconte son auteur. Claude Azoulay plonge dans ses souvenirs: «On était dans des studios de Saint-Maurice, dans le Val de Marne, près de Paris. C’était très agréable, avec un jardin où on pouvait se détendre et un restaurant très sympathique. Le décor de l’avion avait été construit pour une scène du film. Et j’ai eu l’idée de mettre toute l’équipe technique avec les acteurs. J’ai bloqué tout le monde pendant dix minutes. Cela coûte très cher d’interrompre un tournage!».

Le photographe reprend son souffle. En 1969, il est âgé de 34 ans, un an de plus qu’Alain Delon, et travaille depuis quatorze ans déjà pour «Match». Il a couvert la guerre d’Algérie et celles des six jours. Il a braqué son objectif sur nombre de vedettes du septième art, notamment américaines de la 20th Century Fox. En revoyant Delon, Gabin, Ventura, Azoulay se souvient: «Ce sont des gens que j’ai beaucoup côtoyés, avec lesquels j’avais des rapports amicaux. Ils étaient en costumes, incarnaient des rôles dramatiques. Cela m’émeut de revoir ces visages, ces monstres sacrés qui ont disparu, sauf Delon. Le regard: c’est un des aspects du cinéma. Et là, le regard est bon! Ils sont dans l’objectif. Ils nous parlent. Ventura est là, puissant, vous pénètre. Delon est émouvant de charme et de sérieux. Gabin avec ses lunettes paraît encore plus sérieux. Et Verneuil a son regard de réalisateur qui embrasse tout. Il avait un très grand œil. Il voyait tout!».

Lui aussi est un œil, pour qui une «bonne photo», est «une photo irremplaçable par l’émotion qu’elle transmet». Claude Azoulay sait grâce au magazine qu’il a quitté en 1996 de vendre des retirages uniques de son fond aux enchères: «La plus grande angoisse d’un photographe, c’est la non parution. Alors c’est un bienfait pour la photographie en soi. Paris Match a fait école dans le photojournalisme. Et s’illustre maintenant dans la photo d’exposition.»

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