« Houellebecq, islamophobe par peur ou par haine, c’est de la stigmatisation »

Michel Houellebecq à Cologne, le 19 janvier 2015 (P. STOLLARZ/AFP).

L’islamophobie est une notion qui est aujourd’hui loin de faire l’unanimité. Il y a, d’un côté, ceux qui lui prêtent une valeur scientifique. Ceux-ci, qu’on retrouve par exemple du côté du Comité contre l’islamophobie, l’invoquent pour dénoncer une nouvelle forme de racisme : l’islamophobie désigne, à leurs yeux, l’attitude de ceux qui stigmatisent l’islam et ses fidèles.

Il y a, de l’autre, ceux qui, telle Caroline Forest, ne lui voient qu’une fonction stratégique : on userait du concept d’islamophobie pour limiter en fait la liberté d’expression de ceux qui veulent soumettre l’islam à une juste critique.

Dès lors, comment qualifier le sentiment de « peur » qu’exprime Michel Houellebecq à l’égard de l’islam ? Est-ce une forme de racisme, tendant à essentialiser un groupe ? Ou plutôt un regard critique envers une pratique extrémiste de l’islam ?

Il pratique à répétition l’amalgame

Pour ma part, je qualifierais les propos de l’écrivain de comportement de faible discernement. Comme une partie non négligeable de la population française, Michel Houellebecq, quand il s’exprime sur ce sujet, ne cesse de prendre l’islam comme un tout et en le réduisant à ces éléments les plus violents et excessifs, alors que ceux-ci demeurent très minoritaires.

Michel Houellebecq participe de ce courant actuel (auquel participe nombre d’acteurs politiques aussi) qui pratique à répétition l’amalgame et la généralisation, alors que l’islam en France et dans le monde est fortement différencié. Si dans la bouche de Houellebecq les musulmans forment en effet un groupe homogène, uniforme, la réalité est infiniment plus complexe.

Nous savons qu’il existe plusieurs écoles doctrinales de l’islam et des pratiques sociales et religieuses très diverses en la matière. Ainsi, les musulmans remettant en cause les principes de la République française par la violence sont infiniment rares. Bien plus nombreux sont ceux qui les acceptent et les défendent.

Dès lors, la « peur » qu’exprime l’écrivain est globalement injustifiée, même s’il ne faut pas nier, comme l’actualité le démontre, l’existence de foyers ou d’individualités potentiellement terroristes.

Une « extension du domaine de la peur »

Si la peur que Michel Houellebecq manifeste à l’égard de l’islam est objectivement assez injustifiée, elle est en revanche représentative d’une tendance lourde de nos sociétés, qui sont de plus en plus marquée par un tropisme de la fermeture, repérable dans le discours de l’opinion, mais aussi des partis, et notamment mais non exclusivement du Front national.

Actuellement, nous vivons dans un climat d’incertitude, qui amène les sociétés à pointer une série de « menaces ». La plus évidente est l’islam, pour des raisons externes à la France – situation internationale, progression de Daesh, attentats – mais aussi internes à notre pays – interrogation sur l’identité et le devenir de la France, dans un contexte de crise persistante qui mine le tissu psycho-social.

Ce climat n’est pas totalement nouveau. Une première poussée d’inquiétude est apparue dans les années 1990, sous l’effet de l’exacerbation de certaines revendications identitaires, de la guerre civile en Algérie et de la vague d’attentats qui a touché la France. Une deuxième, encore plus importante, a suivi les attentats du 11 septembre 2001, au début des années 2000.

Mais depuis 2-3 ans, nous observons à nouveau un pic très net : les Français sont de plus en plus nombreux à considérer l’islam comme une civilisation totalement incompatible avec les valeurs démocratiques de la France, ce qui n’est pas sans effet sur l’appréciation qu’ils portent sur les musulmans. Michel Houellebecq contribue à cette « extension du domaine de la peur » qui touche notre pays.

Propos recueillis par Sébastien Billard

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