Les défenseurs de Guéant jouent la carte des «vices de procédure»

Tout bon procès pénal commence par des chicaneries de procédure, les avocats justifiant leurs honoraires en pointant divers vices de forme, pour mieux évacuer – du moins dans un premier temps – les questions de fond(s). Le procès de Claude Guéant, ouvert lundi après-midi devant le tribunal correctionnel de Paris, n’a pas échappé à la règle. Poursuivi pour détournement de fonds publics, en tant qu’ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, pour avoir détourné à son profit personnel une partie des frais d’enquête des policiers (210 000 euros entre 2002 et 2004), ses défenseurs ont donc multiplié les échappatoires plus ou moins dilatoires.

«Ce n’est pas un simple vol à l’étalage», estime ainsi Me Jean-Yves Dupeux. Il conteste le fait que Claude Guéant soit jugé en correctionnelle sur simple citation directe du parquet, sans passer par la case juge d’instruction. C’est pourtant le cas de 95% des délits, mais l’ancienne éminence grise de Nicolas Sarkozy s’estime manifestement au-dessus du lot. A entendre ses défenseurs, il aurait préféré être mis en examen, pour mieux faire traîner la procédure en longueur. Le représentant du parquet, Patrice Amar, rétorque qu’il s’agit là d’une «demande d’annulation du code de procédure pénale», censé réprimer petits et grands sans considérations de leur CV. Et d’affirmer que le procès express d’un Guéant relève d’une «pratique courante» de la justice ordinaire.

«Carence de l’Etat»

Plus sérieusement, la défense de l’ex-cardinal de Sarko affirme que les faits seraient prescrits. Un autre de ses avocats fait grand cas d’un livre publié en 2006, la Face cachée de la police, rédigé par des journalistes du Parisien. Un des chapitres était précisément consacré aux frais d’enquête détournés pour arrondir les fins de mois de quelques ronds de cuir du ministère de l’Intérieur, citant Claude Guéant en personne : «On a progressivement supprimé ce qui était devenu un complément de rémunération.» Si ces faits étaient sur la place publique, ils seraient donc prescrits trois ans plus tard (2009), alors que l’actuelle procédure pénale n’a été entamée qu’en 2013. «Pourquoi le parquet n’a-t-il rien fait en 2006 ? fait mine de s’interroger Me El-Ghozi, avocat de l’ancien ministre. Il reste sourd et muet, j’approuve sa décision.»

Il omet juste de préciser qu’on est alors sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Les temps ont changé et l’actuel avocat de l’Agent judiciaire du Trésor (AJT, représentant de l’Etat devant les tribunaux en vue de recouvrir l’argent public potentiellement détourné), sous présidence de François Hollande, admet à la barre une certaine «carence de l’Etat» qu’il est depuis chargé de rectifier : «A délit exceptionnel, prescription et jurisprudence exceptionnelles !» Comme de coutume, le tribunal correctionnel pourrait renvoyer ces pataquès procéduraux à son jugement final (qui devrait donc statuer sur la forme comme sur le fond). Le procès Guéant reprendrait donc jeudi comme si de rien n’était.

Renaud Lecadre

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