Lucinda Childs et Trisha Brown, deux divinités de la « post modern dance »

Pour la toute dernière fois de sa déjà longue trajectoire (il fut créé en 1972 par Michel Guy), le Festival d’Automne affiche simultanément deux des plus prestigieuses compagnies de danse qui, avec celle de Merce Cunningham, ont écrit son histoire et fait sa renommée : la Lucinda Childs Dance Company et la Trisha Brown Dance Company.

Pygmalion

Cette dernière, hélas ! ne se produira plus désormais sur la scène des théâtres. Précipitée en quelques mois dans une maladie qui lui a fait perdre jusqu’à son identité et ce qui faisait son génie, la chorégraphe Trisha Brown ne crée plus depuis sa si belle mise en scène dansée de « Pygmalion » de Rameau pour le Festival lyrique d’Aix-en-Provence en 2010 et son ultime création au Théâtre de Chaillot en 2011, « I’m Going to Toss My Arms ».

Après les toutes dernières représentations sur scène, en février 2016, à la Brooklyn Academy of Music (BAM), puis à Seattle (Washington), non loin de la ville d’Aberdeen où naquit Trisha Brown en 1936, sa troupe de sept danseurs, qui veut demeurer soudée, ne se produira plus que dans les musées et autres galeries d’art lors d’événements permettant d’adapter certaines de ses chorégraphies à la configuration des lieux.

Mais pour ses adieux à Paris, au Théâtre de Chaillot toujours, des adieux forcément émouvants, sinon déchirants pour tous ceux qui suivent depuis plus de 30 ans les créations de la chorégraphe américaine, sa compagnie présente quatre compositions qui couvrent la trajectoire si éblouissante de la co-fondatrice du collectif du Judson Dance Theater : « Solo Olos » (1977), « Son of Gone Fishin’ » (1981), « Present Tense » (2003), ainsi que « Rogues » (2011).

Chant du cygne de l’une des artistes les plus exceptionnelles de la danse américaine, ultime occasion de découvrir le style inimitable de Trisha Brown, cette souplesse du mouvement, ce relâchement des corps fluides, cette allégresse au service de constructions à l’insaisissable subtilité, le tout servi par des interprètes d’une exceptionnelle valeur.

La voisine de Broadway

Longtemps voisine de Trisha Brown au 541, Broadway, à New York, dans un immeuble où à chaque étage vivait un artiste illustre, Lucinda Childs a pu rendre vie à sa propre compagnie à la faveur de la reprise et de la tournée mondiale d' »Einstein on the Beach ». La troupe revient précisément de Corée où achevaient de se donner des représentations du spectacle conçu par Robert Wilson.

L’an dernier déjà, durant deux semaines, au Théâtre de la Ville, Lucinda Childs présentait son chef d’œuvre absolu, « Dance » (1979), l’une des chorégraphies les plus belles et les plus puissantes de tout le XXe siècle. Et cela devant des salles combles de spectateurs qui pour la plupart n’étaient pas nés à l’époque de la création et qui, soir après soir, réserveront à « Dance » un accueil triomphal, comme si cette pièce emblématique rencontrait enfin son public et prenait désormais pleinement la place qui lui revient dans l’histoire.

Childs, Adams, Gehry

Available Light (Craig T. Mathew)

Cette année, le Théâtre de la Ville relève une nouvelle fois le flambeau. Avec « Available Light » (1983), autre ouvrage majeur, qui unit les noms de John Adams pour la musique (« Light Over Water »), de l’architecte Franck Gehry pour la scénographie, lequel l’a proposée sur deux niveaux distincts, et de Lucinda Childs évidemment pour la chorégraphie. C’est encore une merveille, un prodige d’intelligence, une composition où la virtuosité de l’écriture, la perfection de l’exécution conduisent le spectateur à l’ivresse, pour peu qu’il sache s’abandonner à la séduction lucindienne.

On y retrouvera ce qui fascine dans « Dance » : la rigueur d’une composition qui envoûte, le rythme qui ensorcelle, la beauté d’une chorégraphie qui apparaît comme irréelle. Et ces deux niveaux où fusent et tournoient les danseurs, un peu comme dans le film imaginé par Sol Lewitt en guise de scénographie pour « Dance », qui élargissait l’espace à l’infini, exaltait la performance des danseurs sur la scène.

Trisha Brown et Lucinda Childs lors d’un même Festival d’Automne. Un miracle qui, hélas ! ne se reproduira plus.

Raphaël de Gubernatis

Festival d’Automne

Lucinda Childs Dance Company ; du 30 octobre au 7 novembre. Théâtre de la Ville ; 01-42-74-22-77.

Trisha Brown Dance Company ; du 4 au 13 novembre. Théâtre de Chaillot ; 01-53-65-30-00.

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