Ingrid Sischy, fin de revue

C’était l’un des noms les plus connus du journalisme lifestyle, une figure de la presse anglo-saxonne, une personnalité mondaine au look unique, une esthète qui avait décidé de s’amuser dans le bac à sable de la comédie sociale: Ingrid Sischy est morte vendredi à New York d’un cancer du sein. Elle avait 63 ans.

Petite, ronde, les yeux toujours cerclés de grosses lunettes, Ingrid Sischy traînait son esprit vif et acéré dans les vernissages, défilés de mode, principalement à New York dont elle était une des figures mais également en Europe. Elle était née à Johannesburg et avait grandi en Ecosse. Après l’université, elle intègre le monde de l’art, travaille pour des éditeurs, et, de 1979 à la fin des années 80, est la tête d’ArtForum, le magazine-bible du milieu. En 1982, elle fait sensation avec une photo de mode en couverture de la revue d’art, provoquant l’effroi des puristes et l’admiration de ceux qui anticipent déjà le grand brouillement des genres. Elle devient amie avec Mapplethorpe, Basquiat et tant d’autres. En octobre 1986, le New Yorker (auquel elle collaborera longuement) la qualifie de «fille du Zeitgeist».

Mais si le nom d’Ingrid Sischy évoque autant le New York de la splendeur des 80s, c’est qu’elle fut à la tête de la revue la plus adaptée à l’époque. En 1988, elle prend les rênes du magazine Interview, fondé par Andy Warhol en 1969. Le pape pop est mort l’année précédente, à Sischy la tâche de relancer la publication. Le résultat sera exceptionnel, explosant les chiffres de vente, les pages accueillant la mutation de la contre-culture vers l’ère de la célébrité. L’Interview warholien était glamour, mais c’était un glamour de l’entre-soi ; Sischy parvient à dessiner un glamour plus appréhensible de tous.

Interview est la propriété de Brant publications. Les échotiers new-yorkais se délectent, au milieu des années 90, du couple que forme Sischy et Sandra Brant, l’épouse du PDG du groupe. A partir de la fin des années 90, Sischy collabore à Vanity Fair, et en deviendra ensuite «International» avec sa compagne, travaillant sur les diverses éditions de la revue.

Dans un billet publié sur le site de Vanity Fair, Anne Boulay, rédactrice en chef de l’édition hexagonale, écrit: «Grâce à elles, les lecteurs français ont eu un accès inédit aux coulisses de Hollywood. D’ailleurs, c’est Ingrid qui a signé la première cover story de la version française de Vanity Fair, faisant de Scarlett Johansson la plus parisienne des stars américaines. C’est à elle aussi que l’on doit l’inoubliable confession de John Galliano, l’intimité de Jeff Koons, les confidences de Kristen Stewart et, tout récemment, celles d’Anjelica Huston.»

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