Avant le Super Tuesday, l’impatience de l’électorat afro-américain

Par Cyril Duval

Black History Month s’achève au lendemain des Academy Awards 2016, après un mois de conversations et débats passionnés, et des prises de positions et polémiques diverses. Mardi 1er février marque le Super Tuesday des élections primaires américaines, un moment charnière où 11 États vont choisir au même moment leur présumé-champion, imprimant par celà une tendance distinctive dans les deux camps.

Ce mois prestigieux de recueil et souvenir de l’apport culturel, humain, et historique de la communauté noire des États-Unis est célèbré chaque année en février, mais cette année il a été marqué le 6 février par le retour spectaculaire de la chanteuse Beyoncé (probablement la plus importante icône culturelle noire depuis Michael Jackson) pour le ‘Halftime Show’ du Super Bowl, la plus grand-messe télévisuelle des États-Unis d’Amérique. Comme à son habitude et après plusieurs mois de silence, Beyoncé a pris tout le monde de cours en livrant sur la toile ‘FORMATION’, une nouvelle chanson articulée autour d’un clip coup de poing, et on ne peut plus militant. Au travers de scénographies stylisées et des costumes aux références précises à la période de ségrégation précédant le ’Civil rights movement’ des 50s, la chanteuse la plus puissante au monde, politiquement (grande amie du couple Obama) et financièrement (les avoirs de son couple formé avec à le rapper Jay-Z sont évalués à plus d’un milliard de dollars) retrace l’histoire mouvementée de la communauté noire au XXeme siècle, et s’empare du Super Bowl et de l’Amérique blanche pour une démonstration de force spectaculaire, avec une esthétique féministe et exaltée empruntée au Black Panther Party des 60s.

Artiste se voulant parfaite, obsédée par le contrôle, Beyoncé a surpris le monde entier en s’immisçant de façon aussi frontale dans l’arène politique en amplifiant l’écho du puissant mouvement politique Black Lives Matter né en 2013 en réaction aux nombreux meurtres raciaux inexpliqués et manifestations massives défiant l’État policier à Ferguson dans le Missouri, ou encore à New York. Très loin d’un Kanye West probablement trop pris par ses propres égards mégalomaniaques, c’est finalement Kendrick Lamar qui amplifie le message de ce renouveau de la parole noire militante et ultra-médiatisé. À l’occasion des Grammy Awards, le rapper a électrifié la scène avec sa performance militante du morceau The Blacker the Berry’.

Mais c’est surtout le paroxysme hollywoodien de la 88éme cérémonie des oscars qui a attisé la polémique de la représentation culturelle de la communauté afro-américaine et la controverse #oscarssowhite qui a débuté lors de l’annonce des nominés dès la mi-janvier 2016: Aucun acteur ou actrice noir(e) ne passent la sélection, et des voix politiques puissantes tels que Spike Lee s’expriment pour dénoncer une injustice flagrante et la représentation parcellaire d’une société soit-disante multiculturelle. Tout au long du mois de février, la société civile continue de s’emparer du débat qui rebondit dans des sketchs autant humoristiques que pinçant, tel que la présentation du comédien britannique John Oliver pour la chaine HBO sur le malheureux concept du «whitewashing» qui étreint Hollywood depuis le milieu du XXéme siècle, ou encore les comédiens de SNL qui à leur tour prennent d’assaut la citadelle blanche d’Hollywood.

Mais dans la bataille pour le leadership démocrate entre Hillary Clinton & Bernie Sanders, où se situe l’électorat afro-américain á la veille du Super Tuesday? Traditionnellement pro-Clinton depuis les 90’s, et particulièrement dans le sud où Bill Clinton fit ses armes deux fois en tant que Gouverneur de l’Arkansas (1979-81, puis 1983-1992), Hillary semble se rapprocher de la nomination à l’heure où la balance est enfin à même de pencher en sa faveur. Cependant, il serait injuste de disqualifier Bernie Sanders trop rapidement… Le potentiel ‘premier président socialiste des États-Unis d’Amérique’ ne cesse de recueillir des soutiens médiatiques et politiques de plus en plus importants en provenance du milieu intellectuel afro-américain: Le très respecté écrivain et journaliste Ta-Nehisi Coates lui a finalement apporté son soutien malgré des désaccords de fond (notamment liés à la demande politique de droits de réparation de l’esclavagisme), et Spike Lee, l’avocat historique et militant de la communauté noire a récemment prêté sa voix au nouveau message publicitaire de la campagne Sanders dénonçant les méfaits du capitalisme contemporain et prônant la capacitée du candidat à‘Do the Right Thing’.

Malcolm X disait ‘You can’t have capitalism without racism”. À l’aube d’une nouvelle mutation américaine entre possible repli conservateur, populiste, et liberticide, ou espoir social-démocrate, ses paroles semblent imprégner plus que jamais les ébats de la campagne et la culture pop activiste qui se rassemble et se politise.

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