Inégalités hommes-femmes au travail : rompre l’omerta sur l’identité des entreprises

Au bout du fil, Julien Bayou n’en revient toujours pas. «On m’a dit : la publication de ces listes pourrait causer préjudice aux entreprises concernées. Vous imaginez, vous, qu’on vous dise, « il y a eu une marée noire, nos côtes sont dévastées, mais ne dites pas que cela vient de Total, cela nuirait à leur image » ?»

Le porte-parole d’Europe Ecologie-les Verts laisse planer un silence. Une, deux, trois secondes. Puis reprend : «A croire qu’on ne veut pas embêter les multinationales avec la question des inégalités hommes-femmes.»

Loin de toute catastrophe pétrolière, ce sont donc les inégalités salariales qui amènent Julien Bayou au tribunal administratif, ce jeudi. L’élu francilien y a porté recours contre le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, appuyé par des associations féministes et d’autres membres de son parti, en réclamant la publication des noms des entreprises qui ne jouent pas le jeu.

Mis en demeure

Ensemble, ils considèrent que les entreprises rétives à mettre en place des dispositifs égalitaires mériteraient bien un peu de (mauvaise) publicité. Dans le code du travail, l’article L2242-5 impose bien aux employeurs de plus de 50 salariés de lutter contre les différences de traitement entre les hommes et les femmes, à tous les niveaux : salaire, accès aux responsabilités, formation… Le tout, accords ou mesures à l’appui.

A lire aussi :Parité en entreprise, y a encore du taf

Les mauvais élèves sont mis en demeure puis, si rien n’a changé six mois plus tard, sanctionnés. Financièrement, d’abord, à hauteur d’1% de leur masse salariale, mais aussi à travers l’interdiction de se présenter sur les marchés publics.

«Très bien, sauf que ni ces mises en demeure, ni ces sanctions ne sont rendues publiques», relève Julien Bayou. Impossible pour les élus de savoir s’ils dealent avec des entreprises irréprochables ou, au contraire, hors-la-loi. Une situation incompréhensible, juge le conseiller régional, qui reproche au ministère de garder secrètes les listes des entreprises que lui transmet l’Inspection du travail.

Salaires de 10% à 27% inférieurs

«Ces informations devraient être révélées, affirme-t-il. On le fait même pour le stress au travail, mais quand il s’agit des femmes mal payées, ce n’est pas un problème.»

Joints par Libération, les services du ministère temporisent. A la Direction générale de la cohésion sociale, on estime devoir «attendre les conclusions du rapporteur public».«Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a pas d’obligation à ce jour de dévoiler le nom de ces entreprises.»

Julien Bayou, lui, tire quelques chiffres de son communiqué pour appuyer l’urgence de son action. Et notamment celui-ci : presque quarante-cinq ans après l’inscription dans la loi, en 1972, du principe «à travail égal, salaire égal», les femmes touchent encore des salaires de 10% à 27% inférieurs à ceux de leurs collègues masculins.

Robin Korda

About the author

A propos

FRANCE MEETINGS EST UN PETIT BLOG SANS PRÉTENTION SUR LE BEAU PAYS QU'EST LA FRANCE. C'EST DE L'ACTU, DE LA CULTURE, DE LA POLITIQUE, DE L'ECONOMIE... TOUT SUR LA FRANCE.