On a vu « Les Visiteurs 3 » : ça traînasse !

Quand les producteurs d’un film évitent de le montrer aux journalistes comme s’il s’agissait d’un compte planqué au Panama, c’est rarement bon signe. On se dit qu’ils ne doivent pas en être très fiers. On s’attend à une bouse de première catégorie. On saisit mieux leur calcul en découvrant « les Visiteurs 3 », ce mercredi 6 avril à 9 heures du matin, dans une grande salle parisienne à peu près vide.

Ce n’est pas une bouse de première catégorie. Mais c’est loin d’être un chef-d’œuvre. Surtout, ça n’est pas si drôle que ça. Beaucoup moins, en tout cas, que les premières aventures du tandem formé par le costaud Godefroy Amaury de Malfête, comte de Montmirail (Jean Reno), et le petit Jacquouille (Christian Clavier), qui avaient attiré plus de 13 millions de spectateurs en 1993, ou même que leur suite, « les Couloirs du temps », sortie en 1998.

Visiteurs 3 : pourquoi Pascal N’Zonzi n’a-t-il pas son nom sur l’affiche ? (c’est le seul)

Dans « les Visiteurs : la Révolution », on retrouve les deux héros les plus crétins de l’époque médiévale, toujours devant la caméra hystérique de Jean-Marie Poiré (avec douze ou quinze plans par minute, le type qui a fait le montage doit être atteint de Parkinson). Un carton nous rappelle aimablement les épisodes précédents : en gros, après un aller-retour entre leur XIIe siècle d’origine et la France des années 1990, l’ancêtre du cousin Hub a atterri en 1793 avec sa Fripouille.

Sous la Terreur, donc, pour être sûrs de nous montrer la Révolution française sous son aspect le plus sympathique et le plus caricatural : Robespierre est glacial, Marat marine dans son bain comme au Musée Grévin, les sans-culottes sont des bœufs d’une laideur généralement assez repoussante, et les aristos des racistes hérissés de tics ridicules. C’est l’abolition des privilèges pour les nuls. On comprend que ça ne déplaise pas à Jacquouille. D’ailleurs, au milieu de ce carnaval en costumes, il y a bien une tirade sur l’égalité qui vient, mais on l’a refilée à Franck Dubosc, qui joue un lointain « fillot » de Montmirail, c’est dire si ça fait rêver.

« J’ai merdassé »

La première réplique résume tout. C’est Reno qui rugit sous sa coupe au bol : « La Fripouille, tu traînasses ». Le film aussi. On y cause toujours l’ancien françois comme dans un sketch des Inconnus (« j’ai merdassé », couine Clavier qui veut « revenir fissa au temps des bagnoles »). Godefroy le Hardi pue du bec et des pieds, Jacquouille pue de partout (c’est pratique, ça donne lieu à une petite quarantaine de gags). Robespierre le coincé (Nicolas Vaude) a la cliche parce qu’il s’est goinfré de boudins trop pimentés.

Au début, fidèle à ses vieux réflexes de brute féodale, Reno veut « remettre le dauphin sur son trône » (ça fait office de scénario pendant une heure). Puis comme s’il comprenait que le film file un mauvais coton, il se dit qu’il vaudrait mieux dénicher un enchanteur capable de le renvoyer sous Louis le Gros (ça permet de boucler l’affaire en ménageant la possibilité d’un quatrième épisode dans une quatrième époque, puisque les sortilèges sont forcément foireux dans « les Visiteurs »). Pour le reste, il se contente du minimum syndical.

Les nouveaux comédiens embarqués dans l’aventure font le job comme ils peuvent. Sylvie Testud, qui joue la sœur de Robespierre, est maquée avec un gros bof avide de vengeance sociale (Jacquouillet, descendant de Jacquouille, joué évidemment par Clavier). Marie-Anne Chazel et Pascal N’Zonzi sont des concierges prêts à toutes les bassesses pour plaire à Marat.

Karin Viard, alias Adélaïde de Montmirail, est gâtée : elle trimballe une volumineuse choucroute sur sa tête et une tribu de bras cassés dans sa voiture à cheval (Alex Lutz, Stéphanie Crayencour, Ary Abittan) pour retrouver son mari (Franck Dubosc, donc), qui la trompe à Paris avec une grue. Leur concours de grimaces sera peut-être un jour amusant à contempler, devant sa télé, en famille, quand on n’a rien de mieux à faire. En attendant, ça manque curieusement de dinguerie.

Comique de répétition

De toute façon, l’essentiel n’est pas là. Ni dans la scatologie lourdingue, ni dans les mimiques appuyées, ni dans le scénario poussif. L’essentiel, dans ces « Visiteurs 3 », c’est de tabler sur le comique de répétition.

Les dialogues sont bricolés pour ça : permettre à Clavier-Jacquouille de recaser ses répliques cultes (« jour-nuit », « ça puire », « c’est cool », « c’est okayyy ») pour réveiller la nostalgie du spectateur ; tenter de lui en fabriquer de nouvelles, quand ce perroquet surexcité articule en boucle des éléments de langage qu’il ne comprend qu’à moitié (« On leur prendra tout, ça leur fera les pieds », « Hourra, c’est plus laïc »), pour être bien sûr qu’on les mémorise en sortant.

On se souvient que la recette avait excessivement bien marché, il y a vingt-trois ans. On se dit quand même que, pour un film situé pendant la Révolution, tout ça n’est pas très révolutionnaire.

Grégoire Leménager

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