La plainte de la Société générale contre Mélenchon, une bonne idée ?

Ça n’aura pas traîné. Les Panama Papers virent au pugilat franco-français à propos du rôle de la Société générale. La banque, mise en cause pour avoir contribué à la création d’un millier de coquilles offshore au nom de ses clients, va porter plainte en diffamation contre Jean-Luc Mélenchon, Jérôme Kerviel et son avocat David Koubbi. Lesquels paraissent s’en réjouir par avance, car le retour de bâton pourrait s’avérer désastreux…

En cause, les propos tenus par Frédéric Oudéa, PDG de la Générale, en avril 2012 devant une commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux. Citons-le dans le texte : «Nous avons fermé nos implantations dans les pays figurant sur la liste grise» des paradis fiscaux dits non coopératifs. «C’est-à-dire, en pratique pour nous, à Panama.» Parjure ? Toute fausse déposition devant une commission parlementaire est passible de cinq ans de prison. «Menteur devant être châtié», s’est insurgé Mélenchon au sujet du patron de la banque. «Multirécidiviste des infractions», a renchéri Kerviel. «Propos calomnieux intolérables», réplique la Générale.

Soutien logistique

Oudéa a-t-il menti  – sous serment – devant les sénateurs ? A la lettre, non : au moment de son audition, la banque avait bel et bien fermé ses trois filiales panaméennes. Mais le terme employé, «implantation», prête à confusion, car la banque n’avait pas alors cessé son soutien logistique à des clients ayant immatriculé une structure offshore au Panama. D’autant que Oudéa précisera sa pensée un peu plus tard lors de la même audition : «Je le répète, nous n’avons plus d’activité dans ces pays.» Cette fois, le terme employé, «activité», est d’interprétation bien plus large…

Qu’en pensent les sénateurs ? Eric Bocquet, alors rapporteur (PCF) de la commission d’enquête, va droit au but : «Les informations des Panama Papers contredisent fondamentalement ses déclarations de 2012.» Il ne prononce pas le mot de parjure mais le cœur y est. Philippe Dominati, alors président (LR) de la même commission d’enquête, préfère mesurer ses propos : «Pour l’instant, il serait irresponsable de dire qu’il y a faux témoignage.» Et de reprendre à son compte l’argumentation de la Générale, selon laquelle il s’agirait de «distinguer l’activité de la banque de l’activité de ses clients, car c’est quand même autre chose.» 

«On ne peut accepter que le Sénat soit bafoué»

Frédéric Oudéa peut s’attendre à une chose : il sera prochainement reconvoqué au Sénat pour témoigner à nouveau – pas avant le mois de mai, compte tenu des vacances parlementaires. A l’issue de cette explication de gravure, le Sénat pourrait – ou non – engager des poursuites. Là encore, Dominati tempère : «S’il y a faux témoignage, il doit être sanctionné, mais j’attends les explications de monsieur Oudéa.»

Là encore, Bocquet accélère : «On ne peut accepter que le Sénat soit bafoué.» Et d’annoncer avoir mandaté «à titre personnel» un avocat en vue d’ester en justice, en marge des procédures sénatoriales. Et de désigner à cet effet… MKoubbi, le défenseur de Kerviel, poursuivi en diffamation par la Générale ! Cela s’appelle un doigt d’honneur.

Renaud Lecadre

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