Batman, face cachée. Voilà ce que vous propose de découvrir l’exposition « Des chauves-souris et des hommes » qui démarre le 12 mars à la galerie Sakura, à Paris. Au menu, une centaine d’œuvres réalisées par 30 artistes du monde entier qui nous montrent le Chevalier noir sous un jour nouveau : jaloux de Superman, amoureux de Robin ou encore déprimé dans la banalité du quotidien…
Janvier 2016. A Los Angeles, assis sous un tableau du grand artiste congolais Marcel Gotène, l’énergique romancier de «Black Bazar» manipule un bouquin austère: «le Collège de France. Cinq siècles de recherche libre». C’est pour préparer sa propre entrée au Collège. Alain Mabanckou vient d’y être élu à la chaire annuelle de création artistique, qui avait jusqu’ici accueilli des gens comme les compositeurs Pascal Dusapin et Karol Beffa, le paysagiste Gilles Clément, ou encore l’artiste Anselm Kiefer. Lui sera le premier écrivain. Il prononcera sa leçon inaugurale le 17 mars.
« Ils t’ont donné le kit d’entrée?, rigole Dany Laferrière, qui de son côté a été reçu l’an passé sous la Coupole, en habit vert et en présence du président de la République. C’est bien, il faut étudier. Moi je devrais, parce que depuis que je suis à l’Académie, je n’arrête pas de dire que Robert Badinter y est aussi. Or j’ai regardé aujourd’hui dans la liste, Badinter n’y est pas… C’est Jean-Denis Bredin. Mais on ne m’a jamais rien dit à l’Académie ! Soit ils sont très ouverts, soit ils n’écoutent pas ce que je dis.»
On espère que ses compères du quai Conti ne passeront pas pour autant à côté des «Mythologies américaines» où l’écrivain québéco-haïtien a rassemblé ses premiers romans: le désormais mythique «Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer», mais aussi sa suite, «Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit?». Des livres qui pétillent d’intelligence, de jazz, d’érotisme et de clichés raciaux soigneusement dynamités. Mabanckou, évidemment, les a dans sa bibliothèque depuis des années. Il était temps d’organiser une conversation entre ces deux esprits libres.
« L’Académie doit redevenir un lieu malsain »
L’OBS. Vous qui êtes nés si loin de Paris, vous voilà devenus des notables de la vie littéraire française…
Dany Laferrière. Mais Paris a déjà été chez moi, quand Haïti est une colonie. C’est pour ça que je suis ici ! La langue française est très bien établie en Haïti, c’est une langue très pure que les Haïtiens s’efforcent de parler. Ensuite, Paris n’est pas qu’une ville française, c’est une capitale du monde, une capitale littéraire, un jardin suspendu où les gens viennent de partout.
AlainMabanckou. Quand vous mettez le livre au cœur de vos obsessions, le travail finit par aboutir et donner quelque chose. Nous sommes plutôt satisfaits du retour des choses, mais nous n’avons pas forcément cherché à être des notables. Ça a pris du temps à la France pour comprendre que ses gardiens du temple ne doivent pas toujours être des gens blonds aux yeux bleus, et que quiconque choisit la langue française comme instrument d’écriture est capable d’atteindre une certaine liberté, pour parler en son nom.
Le plus important, ce n’est pas d’entrer à l’Académie ou au Collège de France. C’est que nous sommes capables de dire «je», et qu’on ne voit pas toujours dans notre «je» une sorte de saupoudrage colonial. Et puis, nous avons toujours essayé de dédramatiser le formalisme qui pouvait entourer ces institutions. La meilleure façon d’entrer dans une grande institution, c’est de ne pas se prendre soi-même au sérieux. C’est de se dire qu’on me jette dans le vide, et que le seul filet que j’ai, c’est l’imaginaire que j’ai construit, les livres que j’ai écrits, et les lecteurs qui nous lisent.
D. Laferrière Par ailleurs, pour ce qui est des notables, il faut revenir aux origines de l’Académie. Tout groupe d’écrivains qui se réunit est en contestation face à l’Etat. D’ailleurs l’Etat a très vite vu qu’il n’était pas tolérable d’accepter que des gens se réunissent, comme ça, en plein Paris. Donc il a fallu leur mettre une Coupole au-dessus de la tête. Naturellement ça leur a donné du pouvoir, de la notabilité, mais on peut toujours refaire l’aventure du début. Il suffit de changer le contenu, de projeter d’autres gens à l’intérieur pour que, brusquement, l’Académie redevienne un endroit malsain, au sens profond du terme. Comme dit Victor Hugo: «Les hommes comme Tacite sont malsains pour l’autorité.»
Mais l’habit vert finit par faire l’Académicien, non ?
D. Laferrière Non, pas du tout, il suffit d’avoir des idées. Nous devons être des producteurs d’idées, d’images, de subversion d’une certaine manière. (Mabanckou rigole) Il suffit de ne pas l’oublier. Je ne pense pas que mes «Mythologies américaines» soit le livre d’un notable.
En effet. On y lit même ce genre de provocation : «C’est plus pratique de nos jours d’être un écrivain nègre. Les gens sont plus enclins à nous écouter aujourd’hui qu’à écouter un écrivain blanc de même calibre.» Que répondez-vous à ceux pour qui vous profitez d’une forme de discrimination positive?
D. Laferrière. Je suis ironique partout dans ce livre, puisque je finis par dire que je préfère être un écrivain tout court, plutôt que le plus grand écrivain nègre. Alain parlait du travail. La facilité aurait été de brandir le drapeau de la question raciale, de dire qu’on ne me donne pas ma place, et qu’on devrait me la donner même si je n’écris pas de livres, parce que je suis noir. Des choses comme ça. Le travail, pour moi, c’est le contraire de l’idéologie à cet égard. Et à un moment, les gens sont étonnés : «Ah quand même, Laferrière, il a écrit vingt-six livres!»
A. Mabanckou. Ce qui nous unit, c’est aussi de refuser les qualificatifs comme «le premier écrivain noir à faire ceci». Le Collège m’a offert quelque chose de spécifique. Pour la première fois, je ne peux pas dire que je suis le premier écrivain africain à entrer quelque part: je suis le premier écrivain tout court élu à la chaire de création artistique! Dany écrit que c’est pratique d’être un écrivain nègre parce qu’on vous invite partout… comme s’il y avait une sorte de sanglot de l’homme blanc qui voulait se racheter en disant «regardez ces pauvres anciens colonisés, nous devons leur rendre ce service». Mais moi je ne veux pas de la pitié dans la littérature. Je ne fais pas de la littérature pour quémander. J’en fais parce qu’il y a quelque chose en moi qui bouge, qui tremble, et que n’importe quel écrivain peut ressentir.
Laferrière, Finkielkraut & Cie : guerre idéologique à l’Académie française?
Votre leçon inaugurale au Collège de France sera intitulée «de la littérature coloniale à la littérature négro-africaine». Comment vous situez-vous dans cette histoire?
A. Mabanckou. Nous passons notre temps, dans nos œuvres, à refuser notre description par notre couleur de peau ou nos origines. Quand vous lisez Dany Laferrière, vous voyez bien qu’il est nourri par des écrivains blancs, jaunes, noirs, tout ce que vous voulez… C’est ce foisonnement qui fait sa singularité. La mort d’une certaine littérature africaine s’est faite approximativement quand on était, avec Dany, au premier festival Etonnants Voyageurs de Bamako en 2001. On a voulu, et on voulait alors, affecter à la littérature «négro-africaine» les missions qu’on affectait aux écrivains de la négritude: vous êtes noirs, vous devez parler de la condition noire et des souffrances du peuple noir. Du coup, on déniait à Dany d’être un dandy de la littérature…
D. Laferrière. … ou un Japonais ! [Dany Laferrière est notamment l’auteur de «Je suis un écrivain japonais». NdlR.]
A. Mabanckou. … ou de jouer avec les mots, de faire de l’érudition. Or on commence à écrire lorsqu’on cherche à se définir soi-même. Ce n’est pas un groupe social qui écrit un roman, c’est un individu! Et qui par la suite influence la pensée d’un groupe social. Je n’aime pas beaucoup le terme «négro-africain», mais il a son intérêt historique. Avec «africain», on pensait au «continent noir». En disant «négro-africain», on désigne plutôt «le monde noir». C’est plus vaste: on intègre la littérature d’Afrique, des Antilles, d’Haïti…
D. Laferrière. Oui, les diasporas comme on dit. Dans mes «Mythologies américaines», par exemple, il ne s’agit pas d’apporter un regard sur la France parce qu’elle m’a colonisé. Il s’agit de parler de l’Amérique, un territoire complètement autre. Et le faire en français, pour moi, c’est un apport, parce que très peu d’écrivains de France parlent d’Amérique de cette manière: sans chercher à faire du rap, une pâle copie de Bukowski, ou de l’américanité comme je l’ai vu chez Philippe Djian. Je crois qu’il y a dans mon livre quelque chose de direct, de naturel. L’individu, c’est-à-dire moi, se trouve dans son lieu de vie et parle de ce qui se passe autour de lui.
« Nous sommes des autodidactes »
Est-ce ainsi que vous avez conçu «Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer»?
D. Laferrière. Ce premier roman était une sorte de reportage sur un garçon de Port-au-Prince qui se retrouve à Montréal dans une petite chambre, en opposition avec son île: un espace étroit, cerné par l’hiver, où il vit avec des livres qu’il n’avait pas en Haïti, faute d’argent. Il les lit dans une baignoire rose. Il prépare sa nourriture seul, ce qu’il n’avait jamais fait, puisqu’en Haïti on interdit la cuisine aux garçons. Le voilà désormais maître de son île. Dictateur d’un pays dont il est le seul membre.
En écrivant, je me demandais : quel est l’événement le plus important de ta vie? Est-ce le dictateur Papa Doc? Ou d’être dans cette chambre, tout seul, à choisir ton destin? J’ai vu qu’avoir la clé de cette chambre était la chose le plus importante qui m’était arrivée en tant qu’individu. En Haïti, c’est comme en Afrique: ce sont les mères et les grands-mères qui ouvrent et ferment les portes! Pour la littérature aussi, cette clé était l’arme la plus cruciale que je puisse avoir: elle me faisait rejoindre Virginia Woolf, l’auteur d’«Une chambre à soi», et donc une autre lutte, plus large, plus universelle.
C’est important que des gens du Sud apportent ce genre d’expérience. A l’Académie, je crois être le seul à avoir travaillé dans une usine. J’ai passé un mois seulement à l’université, mais huit ans à l’usine. Il n’y a pas beaucoup d’académiciens qui l’ont fait.
A. Mabanckou. C’est vrai, nous avons des parcours atypiques. Nous sommes des autodidactes. Les gens croient que j’ai fait des études de lettres, mais non, je suis juriste. La littérature, nous y sommes venus par la hargne de la lecture. On parle toujours d’ouverture à gauche ou à droite. Il y a aussi une ouverture qui commence par soi-même, quand on refuse les barrières dressées devant nous. Et quand vous écrivez, vous avez quand même devant vous toute la littérature avec ses courants, sa vie parisienne, ses canons, ses modèles…
Par exemple, je n’aurais jamais rêvé de rencontrer Dany Laferrière, et ça s’est fait dans les années 1990. Le destin était tracé ainsi, mais ça prouvait que je sortais du carcan de la littérature africaine. Les écrivains africains étaient alors toujours entre eux: ils se chamaillaient, mangeaient ensemble, sortaient avec les mêmes femmes, pendant que certains cherchaient à aller voir ailleurs. Dany m’a donné la soif de connaître la littérature haïtienne. Puis je me suis lié d’amitié avec des écrivains comme Louis-Philippe Dalembert, Jean Métellus, ou encore Emile Ollivier, qui vivait au Canada, et qui disait toujours, heu…
D. Laferrière. … «Je suis Québécois le jour et Haïtien la nuit».
A. Mabanckou. Voilà ! Merci Dany. Le premier ingrédient du talent, c’est la volonté. Vous pouvez avoir du talent, si vous n’avez pas la volonté, ce n’est pas du talent que vous avez. Toutes les portes semblent fermées, mais vous avez la clé: celle dont parlait Dany, celle de mon personnage qui, dans «Demain j’aurai vingt ans», veut ouvrir le ventre de sa mère. La vie est une histoire de clés qui puissent entrer dans les serrures. Les gens ne savent pas toujours trouver la bonne, parce qu’ils en choisissent une grosse là où il faut la plus fine, la plus esthétique.
D. Laferrière. Et la clé de la littérature, ce sont les vingt-six lettres de l’alphabet, non l’idéologie qui peut toujours nous induire en erreur. Il y a bien sûr des moments où la lutte et l’idéologie sont importantes, comme nous l’ont montré Césaire, Senghor ou Damas, qui sont d’ailleurs venus à Paris aussi. Mais j’ai toujours déploré qu’ils n’aient pas compris que ça nous aurait fait grand plaisir de lire des petits textes d’eux où ils auraient raconté une après-midi dans un café. Ils y auraient pris un verre et causé de choses et d’autres. Par exemple de lectures qui ne soient pas liées à une lutte précise. Ou encore plus simplement, du goût du café, de l’amitié, de la tendresse.
Dany Laferrière, le géant vert
Mais si vous avez pu vous-même écrire un livre comme «l’Odeur du café», n’est-ce pas aussi parce qu’ils vous ont précédé ?
D. Laferrière. Oui et non. Césaire et Senghor étaient dans l’affirmation que le nègre est beau. Moi, j’étais d’emblée dans la dévitalisation du mot nègre. La définition politique du mot nègre ne m’intéressait même plus. Mais ce ne sont pas vraiment eux qui m’ont libéré de la névrose coloniale. Je viens d’Haïti, ce n’est pas n’importe quoi. C’est un pays qui a deux cents ans d’indépendance. Il y a 600.000 Haïtiens à New York, 300.000 à Miami, 200.000 à Montréal, il y en a dans toute la Caraïbe, en Europe… Cet éparpillement montre qu’il n’y a plus un seul axe Haïti-Paris. Haïti n’a pas de métropole. Haïti a Port-au-Prince qui est une mégalopole, mais pas de métropole. La lutte contre l’esclavage et le fait que nous avons eu des dictateurs nous a un peu sauvés de la névrose coloniale et du racisme anti-blanc, puisqu’on a vu que des Noirs pouvaient en faire autant. C’est une des leçons de la dictature…
Le problème de la colonisation, c’est que les gens n’arrivent pas à récupérer la politique dans le lieu dans lequel ils vivent. Ils parlent tout le temps de la France, ou de Londres, ou de Madrid suivant le colonisateur qu’ils ont eu. Alors que quand on a un dictateur, on ne peut que mener une lutte locale. Duvalier avait un jour dit qu’il vaut mieux un dictateur noir qu’un colon blanc. Les Haïtiens avaient répondu qu’ils ne voulaient ni de l’un ni de l’autre. Je trouve ça très important dans la formation de l’esprit. Ce ne sont pas du tout Césaire, Senghor ou même Damas, même si je leur rends hommage, qui ont fait cela.
Enfin, il n’y pas forcément de progrès dans l’histoire des idées. Il y a des échappées aussi. Des individus. Dans la grande charpente nationale, il y a aussi la petite tasse de café de ma grand-mère. Ma plus grande rupture, ce n’est pas d’avoir parlé de l’Amérique, ou de Voltaire, c’est d’avoir vu ma grand-mère boire sa tasse de café, offrir du café à des gens, et compris que ça pouvait être de la littérature. Parce que personne n’avait décrit cette tasse de café, sans folklore, comme un centre de civilisation.
« Nègre, je resterai », par Aimé Césaire
A. Mabanckou. Le mot «nègre» dans son aspect politique a pu gommer l’intimité. Dans la littérature de la négritude, si on enlève «l’Enfant noir» de Camara Laye et quelques autres, on voit qu’on privilégiait plutôt les causes communes. On y oubliait que la littérature peut être aussi un certain regard sur les petites choses de la vie: ce fameux café de la grand-mère de Laferrière, la description du pagne de sa mère…
L’écrivain de l’époque de Césaire avait d’abord l’obligation de décrire l’environnement social et les grandes idéologies occidentales qu’on est venu imposer dans le sud. Donc il s’était interdit de faire une littérature individuelle, personnelle, avec sa propre voix. Or c’est essentiel: la littérature ne se libère que par l’individualité de la voix. Quand Proust écrit, ce n’est pas pour vous dicter ce que seraient les grandes idéologies de son temps; il réinvente le roman psychologique dans lequel d’autres vont pouvoir picorer, par exemple pour donner naissance à l’autofiction actuelle.
Nous, dans la littérature africaine, nous n’avons pas ces sortes de modèles individuels. On nous a habitués à écouter des leçons d’intérêt général. Mais parfois la littérature est une histoire d’effraction. D’échappée comme disait Dany. On commence à écrire lorsqu’on ne sent plus peser sur soi la voix collective. Dans ce sens, je suis respectueux de ceux qui tracent une littérature autour du petit périmètre de leur nombril… à condition que je puisse être intégré dans ce nombril.
D. Laferrière. Prenez un livre comme «Comment faire l’amour avec un nègre», que j’ai publié il y a trente ans. La lecture a changé. Il y a trente ans, c’était une façon pour certains lecteurs de re-poser, un peu différemment de Césaire ou Senghor, la question nègre. Aujourd’hui, je rencontre des jeunes gens qui l’ont lu comme un livre sur la solitude de deux jeunes hommes dans une grande ville. Donc sur une expérience universelle, que peuvent vivre tous ceux qui viennent de province, que ce soit de Marseille ou de Rimouski au Québec. Ils se retrouvent ensemble et causent de leur sentiment d’exclusion. Ils n’ont ni la télé ni le téléphone, et ils en sont fiers. L’un dit : «la grande ville ne veut pas de nous, on ne veut pas d’elle». Il y a trente ans, la litanie habituelle, c’était: nous sommes noirs, on ne veut pas de nous. Or mes personnages ne disent pas ça: ils disent qu’ils ont la paix, et utilisent cette paix pour lire, écrire, rencontrer des gens. Le mot nègre étant dévitalisé, on peut lire le livre différemment.
Dany Laferrière : « Haïti n’a pas besoin de larmes »
Peut-être, mais à l’époque, pour vous aussi, le premier niveau devait bien être la question raciale… Il y a le titre et ce que raconte le livre, mais aussi l’épigraphe, issu du code noir: «le nègre est un bien meuble».
D. Laferrière. Oui, mais pas uniquement ça. Ce qui comptait d’abord, c’était de mettre de ma vie dans ce livre. Un jeune universitaire est venu me voir parce qu’il faisait un travail sur toutes les bestioles qui se trouvent dans le livre. Il y en a plein ! Je ne le savais pas ! Mais je les y avais mises parce que j’étais obsédé par l’idée de faire prendre vie à la page. Je sentais déjà que le discours seul ne pouvait pas porter la littérature, et qu’il fallait ces petites choses de la vie. On peut toujours dire: je vais faire ceci ou cela, mais quand trente ans ont passé, on se rend compte qu’il est impossible de tricher.
A. Mabanckou. Je le pense aussi, en prenant l’exemple de ma libération du carcan dont je parlais. Quand on est un écrivain africain, si on ne fait pas attention, on pense avoir écrit, mais en réalité on a simplement retranscrit les échos, les grondements militants… C’est pour ça que je me méfie beaucoup d’une certaine poésie africaine qui traite de l’exaltation de l’Afrique. Quand j’aime quelque chose, je n’ai pas besoin de le crier sur tous les toits.
Quand j’ai écrit «Verre cassé», je ne le savais pas, mais j’étais en train de rompre avec mes tics d’écrivain africain. Ces tics qui veulent que l’écrivain africain soit là pour sauver l’Afrique. Mais la littérature n’est pas là pour sauver un continent ! Elle est là pour exprimer l’imaginaire d’un individu. Il appartient à un continent, bien sûr, mais il est aussi un chaînon de l’ensemble du monde. On a toujours gommé cette dimension du monde, quand nous étions en train de crier notre existence nègre. Nous le faisions uniquement pour dire au monde entier que l’Afrique est le berceau de l’humanité, que nous y étions les premiers. Mais il ne s’agit pas d’être les premiers, il s’agit de continuer ce que le genre humain a fait dans l’imaginaire. Moins je pense à sauver quelque chose, plus je suis dans une dimension littéraire.
D. Laferrière. Tout cela, c’est parce qu’on a surtout voulu regarder la littérature du point de vue de l’écrivain. Celui qui publie s’appelle Mabanckou, il est né au Congo, il y a fait une partie de ses études, il est arrivé en France… Donc on peut désigner le livre par lui. Mais les lecteurs? Le type de Marseille, de Dakar, de Berlin, qui le lit et s’identifie aux personnages du livre? Cette identification ne peut passer que par des petites choses intimes et délicates. Si «Comment faire l’amour avec un nègre» peut prendre un autre ton au fil du temps, c’est parce que, sans le savoir, spontanément, j’y ai mis une masse d’émotions complexes à travers de petits détails. Ce sont eux qui ont permis qu’on puisse le lire d’un autre point de vue.
Alain Mabanckou, l’enfant noir
« Amis publics »
Votre amitié, à tous les deux, vous inspire-t-elle? A Port-au-Prince, en 2012, vous aviez le projet d’un livre à quatre mains…
A. Mabanckou. Notre amitié est sans calcul, sans émulation. Je suis fils unique, j’ai toujours considéré Laferrière comme un grand frère. Il ne le sait peut-être pas mais, quand il accouche d’un livre, j’ai la sensation de souffrir des mêmes douleurs que lui. Et quand je le lis, je l’imagine en train de l’écrire. Des gens pensent que pour exister en littérature, il faut assassiner celui qui est dans la lumière. C’est faux. Nous y avions été très sensibles quand Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy avaient publié «Ennemis publics». Dany et moi avions eu l’idée d’écrire un livre qui s’appellerait «Amis publics».
D. Laferrière. C’est une correspondance qui se fait cahin-caha. Elle a commencé dans l’excitation et était très abondante au début. Ensuite, puisque nous avions beaucoup dit, nous sommes regardés, et cette correspondance s’est prolongée par des conversations. Enfin, toute bonne amitié doit finir par le silence. Donc nous ne savons pas quelle forme tout ça va prendre. Mais ce n’est pas quelque chose qu’on cherche à publier ni même à écrire. Ça doit se faire, un jour, comme un coup de dés.
L’amitié entre Alain et moi est venue spontanément, mais aussi parce que nous avons voulu la vivre. Un cliché veut que les écrivains sont des ennemis, que l’espace est petit pour survivre dans l’espace littéraire. C’est vrai que beaucoup de choses sont organisées ainsi, les prix, la rentrée, etc. Tout le monde galope sur le stade en même temps. Du coup on croit que les écrivains ne sont intéressants que quand ils débinent les uns sur les autres, ou font des portraits acides. Mais on peut parler d’amitié aussi, de relations simples et fraternelles.
A. Mabanckou. Jusqu’ici nous nous sommes écrits de manière libre, sans être très conscients de ce que nous faisons. Mais peut-être que nous avons plus de matière qu’on ne croit, parce que parallèlement chacun lit des livres à gauche et à droite… Et puis quand Dany m’explique comment il vient de préparer du saumon, pour moi c’est aussi intéressant que quand je lis un de ses chapitres.
Alain, vous avez consacré un essai à James Baldwin. Et dans un des premiers romans de Dany, le même Baldwin dit: «Tu sais le racisme il faudrait nous résigner à laisser ça aux racistes. C’est une maladie … Tu ne peux pas être à la fois la maladie et le remède.» C’est aussi votre avis?
D. Laferrière. Oui, en voulant combattre le racisme, on s’est fait avoir ! Il faut le laisser à ceux qui l’ont implanté.
A. Mabanckou. Parfois j’en ai marre que la question du racisme soit réservée aux Noirs. De la même manière, Dany avait demandé un jour qu’on arrête de lui parler de l’exil. Comme si un écrivain africain ou antillais était forcément en exil et qu’il lui fallait de l’exil pour écrire. Pour écrire, il faut partir de quelque part. Par exemple de toutes ces références au monde noir ou au code noir qu’on trouve chez Dany. C’est triste, mais l’écrivain noir est toujours celui qui est en train de combattre les préjugés.
Moi j’aimerais avoir un jour la liberté tranquille d’un écrivain français blanc, ne pas avoir à chaque fois à justifier l’intérêt de ma culture dans la grande construction de la littérature mondiale. Même en fouillant dans mes propres livres, je pense que j’ai beau m’écarter de la «condition noire», elle reste présente. Mais si elle est présente, c’est parce que je cherche à me démarquer d’elle, et à montrer que je peux être autre chose qu’un instrument de l’histoire qu’on a posée là. Pour moi, un livre comme «Comment faire l’amour avec un nègre» va bien au-delà, c’est un livre sur la littérature, le jazz, la poésie, le foisonnement et la rencontre de plusieurs cultures.
Par ailleurs le racisme ne vise pas que les Africains. Il y a plusieurs autres formes de racisme que nous devons combattre. Par exemple, un racisme anti-blanc existe également en France. Quand je vais dans les pays du Maghreb, je retrouve du racisme entre des gens qui ont la peau plus ou moins claire. Les Maghrébins ont des Noirs qui n’existent pas socialement. Quand je vais aux Antilles, je vois comment les Haïtiens sont traités par les Martiniquais ou les Guadeloupéens. La critique que je formule contre un certain racisme qui se passe en France, je la formule aussi contre ceux qui sont considérés comme mes propres frères et sœurs. Je demande aussi une certaine tolérance vis-à-vis de l’autre, mais l’autre n’a pas forcément la couleur noire: ça peut être un Haïtien, un Blanc, un Maghrébin.
Comment être moins raciste ? Il faut aller à la rencontre de l’autre. C’est tout ce que je cherche à faire dans la littérature. Plus on avance dans l’évolution des sociétés, moins on verra des formes marquées de racisme. Elles seront plus pernicieuses, il faudra plus de vigilance pour les traquer.
Dany Laferrière : « Depuis 50 ans, on nous emmerde avec l’identité »
« L’Afrique a aussi fait l’histoire de la France »
Dans sa préface aux «Mythologies américaines», Charles Dantzig parle de «l’état de haine» où se trouve la France contemporaine, et d’«un génie de télévision» qui ressemble à Eric Zemmour. Vous qui avez été des «migrants», comment percevez-vous le repli identitaire actuel, qui s’est notamment traduit par les récents scores du Front national?
A. Mabanckou. Les politiques européennes ont désigné l’étranger comme l’ennemi public n°1: celui qui prend le travail ou la place d’untel. Pour la France, il faut être clair. Elle a suivi les autres nations dans les préjugés, le mythe du bon sauvage, le côté mystérieux de l’Afrique, mais quoi qu’on dise, elle n’a jamais élaboré un système de ségrégation vis-à-vis d’une population. Aux Etats-Unis, je suis dans un pays où le racisme signifie quelque chose: il a été un système politique, comme en Afrique du Sud.
Nous, on a une littérature exotique dans laquelle le nègre était un objet, et où l’Occident devait nous donner ses lumières pour que nous soyons au rendez-vous des civilisations. Mais je reste convaincu que nous exagérons en matière de racisme quand il s’agit de la France. Elle a été un pays de premier plan dans la réception de ceux qui étaient persécutés dans le monde. C’est parce que nous oublions les actes positifs que nous avons posés que nous insistons beaucoup sur le côté sombre de ce qui se passe aujourd’hui.
Le problème est surtout que ce pays n’a jamais su regarder en face son passé colonial. Nous n’avons jamais eu une vraie discussion là-dessus. Le sujet est traité ici et là par des spécialistes comme Pascal Blanchard ou Pap Ndiaye, mais comme dit Blanchard, la France a des musées pour tout, elle a même le musée du sabot, mais pas un musée de la colonisation. Comment voulez-vous expliquer à la jeunesse française que le nègre qu’on voit dans la rue est aussi chargé d’une histoire, et qu’on lui a fait subir ceci ou cela?
Même si vos succès à tous deux sont des symptômes contradictoires, l’image du pays des droits de l’homme est-elle en train de bouger?
A. Mabanckou. Le problème du racisme en France, c’est qu’il est utilisé pour pêcher quelques voix au moment des élections. On a récemment entendu Nadine Morano déclarer que la France est un pays judéo-chrétien de race blanche. Elle n’est pas la première. On avait eu cette tirade selon laquelle «l’homme africain n’est pas entré suffisamment dans l’histoire». Quand j’écoute ces propos, j’éprouve un mélange de désolation et d’amusement. Imaginez que nous ayons eu cette réaction pendant la Seconde Guerre mondiale, quand Brazzaville était la capitale de la France libre. Nous aurions pu dire que ce que les Blancs se faisaient là-bas en Europe ne nous concernait pas, et que nous n’avions pas à mourir pour l’empire français… Or nous sommes allés combattre pour que la France existe.
L’Afrique a aussi fait l’histoire de la France. La France a été construite par des énergies qui voulaient se rencontrer, quelles que soient leurs races, parce qu’elles étaient portées par une idée fondamentale: défendre les droits de l’homme Pendant que les gens qui transmettent de la haine s’endorment sous leur couette en regardant la télévision, qui va vendre à l’étranger une certaine idée de la France? C’est nous autres. Et moi je ne veux pas vendre une mauvaise idée de la France, rendre coup pour coup ce qu’on me ferait en France. Parce que je sais que la France aura toujours besoin d’autres voix pour parler d’elle à l’étranger.
Ta-Nehisi Coates : « Chez les Noirs américains, la peur est omniprésente »
D. Laferrière. J’étais à la radio, à Montréal, le jour où un sondage a dit qu’un Québécois sur cinq refuse l’étranger. L’animateur était désespéré. Je lui ai répondu: «Vous voulez dire que quatre Québécois sur cinq acceptent l’étranger? Mais c’est énooorme !» Quand je suis sorti, des gens sont venus me dire: «Après vous avoir entendu, on s’est mis debout».
Il y a une haine quotidienne rampante, délétère, un peu partout dans le monde. En France, je n’y vis pas assez, mais on le sent, physiquement. C’est dans l’air. Il y a de la peur. On a une grisaille qui n’est pas la grisaille courante, presque consubstantielle de l’esprit français. Des choses se sont passées à Paris, deux fois en une année, terriblement. Et d’autres choses ont eu lieu, qui sont graves aussi: elles sont de l’ordre des déclarations publiques, de la haine ordinaire qu’on trouve sur internet, un peu partout. C’est une haine qui se sent bien, qui a l’impression qu’elle peut se déclarer publiquement, un monologue qui n’écoute pas l’objection, et auquel on ne fait d’ailleurs pas trop d’objection. On se contente de pleurer en soi.
Je crois qu’on a besoin d’une forte énergie, que les quatre cinquièmes se lèvent, et disent que l’avenir ne sera pas fait par ce cinquième qui est en train de distiller dans la société une haine rampante, quotidienne, intime. Quelqu’un comme Madame Morano – c’est bien son nom? – ne peut pas me décourager tant que je rencontre plein de gens qui n’ont rien à voir avec ce qu’elle dit. Tout ce qu’elle a, c’est un micro. Mais en démocratie, chaque voix compte, quotidiennement.
Vous restez optimiste ?
D. Laferrière. Il y a une réalité économique désastreuse et une réalité sociale qui souffre de ce manque de pédagogie dont parlait Alain. On ne peut pas tout le temps cacher la poussière historique sous le tapis: ni à l’école ni à l’Académie, où il faut faire entrer des mots, des cultures. Il faut ouvrir tout cela, pour préparer l’avenir. Enfin, la haine n’existe pas seulement sous sa forme raciste, en France. Je vois autant de Noirs que de Blancs sous ma fenêtre, qui viennent manger dans la poubelle. Il y a une misère. On sait très bien qu’il y a de la nourriture pour tout le monde. Pourquoi l’argent s’est-il concentré ainsi? La société est malade de partout, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume.
Pour moi, les propos racistes ne sont pas si importants. Mais ça dit beaucoup. C’est comme la fièvre. Ce n’est pas une maladie. C’est l’indication que vous avez une maladie. Et pour moi les propos racistes disent qu’il faut aller en-dessous pour guérir la maladie, pour voir ce qui a bougé dans la structure profonde de la France et la politique française des droits de l’homme. Il faut descendre pour aller colmater la brèche. On a besoin de spéléologues. Si on ne colmate pas la brèche, on aura toujours des poussées de fièvre.
Propos recueillis par Grégoire Leménager
Alain Mabanckou et son « cantique de la négraille »
Version intégrale de l’entretien paru dans « L’Obs » du 4 février 2016.
BIBLIOBS. Dany Laferrière, un académicien pas…par LeNouvelObservateur
«Loi Travail. #Faut que ça bouge»: les syndicats «réformistes» ont exigé samedi une modification du projet de loi El Khomri, lors d’actions à Paris et dans toute la France, deux jours avant l’annonce des arbitrages du gouvernement.
«Si le gouvernement ne nous entend pas, nous sommes prêts à lui montrer notre détermination (…) et nous n’aurons pas d’état d’âme à nous mobiliser dans la rue», a prévenu le numéro un de la CFDT Laurent Berger.
«Le temps de la concertation est passé, c’est le temps des décisions», a-t-il dit, aux côtés des leaders de l’Unsa, de la CFTC, de la CFE-CGC et de la Fage (étudiants), lors d’un rassemblement de 600 à 700 personnes, selon la police, place de la République, à Paris, aux côtés des leaders de l’Unsa, de la CFTC, de la CFE-CGC et de la Fage (étudiants).
A lire aussi : La CFDT dans le rôle de l’arbitre
«Si nous ne sommes pas entendus, nous utiliserons tous les moyens pour faire plier le gouvernement», a-t-il insisté, sans exclure une mobilisation commune avec les opposants plus radicaux au texte qui prévoient une nouvelle manifestation le 31 mars. «Nous en discuterons en interne».
Pour le secrétaire général de l’Unsa Luc Bérille, «ce texte a un besoin urgent de rééquilibrage en faveur des salariés». Si, lundi, il n’y a «que des ajustements à la marge, c’est dans la rue et en masse qu’il nous trouvera». Même avertissement de la part de Carole Couvert, présidente de la CFE-CGC: «Oui, nous allons étudier la manifestation du 31 mars si nous ne sommes pas entendus». «Ce texte est un cadeau aux employeurs. C’est la vieille marotte du patronat, faciliter les licenciements». «Il faut rejeter cette doxa libérale qui veut que pour embaucher plus, il faut faut licencier plus facilement», a rechéri M. Berger.
«Réécriture en profondeur du texte»
Les syndicats réformistes veulent obtenir «une réécriture en profondeur du texte, totalement déséquilibré» selon eux, et jugent des points inacceptables: plafonnement des indemnités prud’homales, nouveaux critères de licenciement économique ou encore augmentation du pouvoir unilatéral de l’employeur en matière d’aménagement du temps de travail.
Mais ils ne demandent pas le retrait pur et simple du projet de loi, contrairement aux syndicats de salariés et d’étudiants qui ont mobilisé mercredi plus de 220.000 personnes, selon la police, 500.000, selon les organisateurs. «Le retrait, ce serait le retrait du CPA (compte personnel d’activité) pour lequel nous nous battons depuis des décennies et de davantage de négociations collectives dans l’entreprise», a expliqué Laurent Berger. Le ralliement de la CFDT au projet paraît primordial, mais son secrétaire général a mis les choses au point: «c’est le gouvernement qui porte la loi».
Des rassemblements ou de simples distributions de tracts et explications «pédagogiques» étaient organisés aussi dans une centaine de villes en région. Ils étaient 300 à Rennes, quelques dizaines à Lille, Toulouse ou Bordeaux, une vingtaine à Marseille pour tracter et échanger avec les passants. A Rennes, une centaine de jeunes réunis derrière une banderole détournant le sigle de la CFDT avec «C’est Fini De Trahir» ont raillé les militants, en majorité CFDT, mais aussi CFE-CGC et CFTC.
Le Premier ministre réunit, avec la ministre du Travail Myriam El Khomri et le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, les partenaires sociaux et les organisations étudiantes Unef et Fage, lundi à 14h30, à Matignon, pour leur dévoiler ses intentions. Manuel Valls a promis vendredi de «bâtir un compromis dynamique et ambitieux», au terme d’un marathon de consultations. Il entend «corriger, rectifier, changer ce qui doit l’être». Une conférence de presse du trio gouvernemental est prévue à 17H00. Le projet de loi doit être présenté le 24 mars en conseil des ministres.
Une nouvelle journée de grèves et de manifestations est fixée au 31 mars, à l’appel de sept syndicats de salariés ( FO, CGT, Solidaires, FSU), d’étudiants (Unef) et de lycéens (Fidl, UNL). Les organisations de jeunes prévoient de défiler le 17 mars.
Excellent festival installé à Nantes depuis 2013, Assis ! Debout ! Couché ! reconduit chaque année le même singulier concept, désormais éprouvé : proposer chacun de ses trois soirs au Lieu Unique une programmation pensée pour une posture. Le très aguichant plateau de l’édition 2016 (qui se déroulera du 25 au 27 mars) ne relâche rien, pas plus en termes d’exigence que d’éclectisme, croisant la techno de Dopplereffekt, Chloé ou Arnaud Rebotini (en duo avec l’electroaccousticien Christian Zanesi) à la dark-pop de The KVB et l’ambient d’Alessandro Cortini (ex-clavier de Nine Inch Nails), entre une création de Pierre Henry et une messe orchestrée par la grande pretresse folk sixties Vashti Bunyan.
Pour fêter ça, Peter Kember alias Sonic Boom, compagnon de route du festival depuis sa première édition et éminence absolue du psychédélisme électrique depuis plus de trente ans – via surtout son défunt groupe Spacemen 3 -, a réalisé un formidable et (très) long mix pour chaque posture, dix heures de musique en tout, que nous avons le plaisir de vous proposer en exclusivité cette semaine sur Libération.fr, assorti d’une introduction à chacun par le festival.
Aujourd’hui : Couché !
COUCHÉ ! c’est la position idéale pour écouter cette mixtape de Sonic Boom qui voit s’acoquiner Edgar Varèse, les Troubadours du roi Baudoin, Panda Bear, Erik Satie et Cheval Sombre… Après cette plongée en eaux troubles, vous serez prêts à évoluer dans les vagues envoûtantes de drones électroniques avec Alessandro Cortini, à lâcher prise au rythme des percussions primitives d’Alexis Degrenier et à partager avec Chloé un doux moment entre transe et rêverie imaginé spécialement pour le festival…
La sélection COUCHÉ ! de Sonic Boom :
Alan’s Tune- The Tornados
Boneless (Panda Bear remix) – Notwist
You Still Believe in Me – The Beach Boys
Imidiwan Afrik Temdam – Tinariwen
Heaven – Talking Heads
Welcome to the Now Age – Prince Rama
Ghost Runs – Chocaloyoh
Drugs – Talking Heads
In Limbo – TEEN
Nightvision – Daft Punk
Haze Interior – Tamaryn
Agnus Dei 76 – Peter Zinovieff
Piano Song (demo) – Amen Dunes
Lute & Lyre – Sun Araw
Painted Doll – The Seeds
Sqaures – The Beta Band
Moonlight Mile – The Rolling Stones
Search for Delicious – Panda Bear
My Only Child (demo) – Nico
Sanctus – Les Troubaours Du Roi Baudouin
Benedictus – Les Troubaours Du Roi Baudouin
Gesang de Jungelinge – Karlheinz Stockhausen
Glob Waterfall – Joe Meek
Buzz – Experimental Audio Research
On Your Shore – Enya
Scheherezade ( vocal only) – Panda Bear
Space 123 – Dual Split
Big Science – Laurie Anderson
Trippin’ With The Birds – Stereolab and Nurse with Wound
What Is There in Uselessness to Cause You Distress? – AMM
Former Reflection Enduring Doubt – The Red Crayola
Wooden Toys (Sonic Boom remix) – Amon Tobin
Poeme Electronique – Edgar Varese
Gymnopedie #2 – Erik Satie
Tick Tock – The Innocents
The Delian Mode – Delia Derbyshire
The Nearness of You (sonic mix) – Cheval Sombre
Love Is A Drug – Bachelorette
Is This And Yes – My Bloody Valentine
Cosplay (demo) – Panda Bear
Le dimanche 27 mars au Lieu unique, à Nantes : COUCHÉ ! – CHLOÉ – ALESSANDRO CORTINI – ALEXIS DEGRENIER CONTEMPORAIN
Aujourd’hui : Debout !
Sur un pied, pour danser, pour accompagner un jogging ou encore pour faire le ménage, découvrez la playlist DEBOUT! de Sonic Boom. On y croise Stereolab, Nurse With Wound ou Silver Apples ; un programme rêvé pour se mettre en jambe avant la diffusion d’une nouvelle pièce de Pierre Henry et les concerts de Dopplereffekt, d’Arnaud Rebotini & Christian Zanési avec leur passionnant projet Frontières et du Cabaret Contemporain, le tout précédé d’une parenthèse entre shoegaze et garage avec The KVB et Baston. Venez expérimenter des danses inédites, des marches stupides, ou une verticalité chic et détendue….
La sélection DEBOUT! de Sonic Boom :
Collarbone – Fujiya & Miyagi
Virginia Plain – Roxy Music
Goat – Goat
I Don’t Care What the People Say- Silver Apples
Zanya Jumma – Group Doueh
Internal Wrangler – Clinic
Shocks of Mighty – Dave Barker
Cold Turkey – John Lennon
Die Roboter – Kraftwerk
Moogie Wonderland – Stereolab
Simple Headphone Mind – Stereolab and Nurse with Wound
Cosplay (demo) – Panda Bear
Destrokk – MGMT
I Only Said – My Bloody Valentine
Cities (alternate mix ) – Talking Heads
Wave Riding – Leisure Connection
Psych Rock – Pierre Henry
You Can Count on Me (vocal only) – Panda Bear
Arts Ferhem – Acid Arab
Scars (Sonic Boom remix) – Moon Duo
The Wisdom of Stone (Do You Believe in …? ) – Zombie Zombie
You Don’t Care – Bo Diddley
Love is Strange – Mickey & Sylvia
Lyin’ Goat – Laika
Here Today (stereo backing track) – The Beach Boys
Pretty Suzanne – The Monks
Mothlight pt2 – Cloudland Canyon
Walkabout – Altas Sound (w/ Noah Lennox)
Je Sais Qui Tu Es – Moodoid
Le samedi 26 mars au Lieu unique, à Nantes : DEBOUT! – PIERRE HENRY – DOPPLEREFFEKT – THE KVB – ARNAUD REBOTINI & CHRISTIAN ZANÉSI – BASTON – CABARET CONTEMPORAIN
Retrouvez également la playlist Assis !
Confortablement ASSIS!, profitez de cette sélection signée Sonic Boom, une playlist large d’esprit et maximaliste, qui imagine un monde allant de Tinariwen à Red Crayola, pour vous préparer à flotter dans les sonorités de la folk vespérale de Vashti Bunyan, à suivre le fil de la musique répétitive du nouveau projet de Benjamin Jarry, à découvrir Gabriel Kahane et sa pop qui a la bonne idée de flirter avec de la musique de chambre, à vous laisser illuminer par les mélodies gracieuses de Will Samson avant de redécouvrir la position debout, passé minuit, pour réveiller votre corps sur le groove nonchalant de MC Pinty.
La sélection ASSIS! de Sonic Boom :
Desert Wind – Tinariwen
Street Flash – Animal Collective
My Electric Husband – Bachelorette
Black Paradise – Zombie Zombie
In My Room – The Beach Boys
Sound and Vision – David Bowie
Seamless Boogie Woogie (BBC2 sessions) – Clinic
Sleep is Noise – TEEN
Since I Lay My Burden Down – Dean & Britta
Moogie Bloogies – Anthony Newley & Delia Derbyshire
Beatlemania – Eric Copeland
One Four – Moondog and Suncat Suites
Every Blossom (Sonic Boom remix) – The Lightships
..And May Your Last Words Be A Chance To Make – Magnetophone
Congratulations (sleeve notes) – Sonic Boom
I Found A Whistle – MGMT
Animal or Vegetable (A Wonderful Wooden Reason) – Nurse with Wound
Comfy in Nautica – Panda Bear
Moonrise – Peaking Lights
Summer of Love – Prince Rama
Fisherman – The Congos
Radio 4 – Public Image Ltd
Victory Gardens (stereo) – The Red Crayola
Flower Lady- The Seeds
Cheree (remix) – Suicide
Horse Steppin’ (Sonic Boom mix) – Sun Araw
This May Be The Last Time – The Staple Singers
Raasay Gigitised – Peter Zinovieff
The Preakness – Panda Bear
I Wonder – Rodriguez
Exotic Siren Song – Moonshake
The Day Summer Fell – The Sand Pebbles
Squeaky – Laika
That Bird Has A Broken Wing – Sun Kil Moon
Wonder 2 – My Bloody Valentine
Fire – TEEN
Cosplay (demo) – Panda Bear
Le vendredi 25 mars au Lieu unique, à Nantes : ASSIS ! – VASHTI BUNYAN – BENJAMIN JARRY – GABRIEL KAHANE & QUATUOR DEBUSSY – WILL SAMSON – MC PINTY
Renaud revit pleinement. Pour preuve, l’ambitieuse tournée que le chanteur de 63 ans vient d’annoncer sur sa page Facebook. Tandis que l’on attend son nouvel album justement intitulé « Toujours Debout » (dont un premier single éponyme est déjà disponible en téléchargement) le 8 avril prochain, il a d’ailleurs déjà retâté de la scène en y rejoignant le 6 mars dernier le groupe corse « I Muvrini », au Zénith de Montpellier.
Sa méga-tournée s’intitule « Phénix Tour ». Phénix est un mot qui est souvent revenu dans sa bouche, ces temps derniers. Notamment en janvier lorsque, sur France Inter, il évoquait sa forme retrouvée après une cure et son désir de rattraper « le temps perdu ». Un mot qu’il avait déjà prononcé dans une autre interview, sur Europe 1.
Au programme, pas moins d’une cinquantaine de dates en France (avec des détours en Belgique et en Suisse) qui sont détaillées sur une photo où un Phénix (encore) est dessiné sur le portrait de Renaud torse nu.
La première aura lieu à Evry (Essonne) le 1er octobre prochain pour s’achever le 18 février 2017 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). La banlieue, la province mais aussi Paris où il se produira à cinq reprises au Zénith du 11 au 15 octobre prochains. Les billets seront en vente à partir du 17 mars.
Et encore, la liste n’est pas exhaustive puisque le chanteur énervant explique :
« La tournée n’est pas finie de boucler, il y aura des villes que je doublerai, voire triplerai en fonction de la demande, et il y aura bien évidemment la Corse (Bastia, Ajaccio et peut-être Erbalunga) et la Suisse (Genève, Lausanne) qui vont être bookées très vite. »
Une soif de retrouver son public qui lui revient après une retraite de plusieurs années dans son fief de L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Sa dernière tournée remonte en effet à 2007. Il défendait alors son album « Rouge Sang ». C’est donc à un sacré challenge que s’attaque Renaud puisque ce retour sur scène durera pas moins de 5 mois. Mais que l’on se rassure, lorsqu’on le questionne sur sa santé, il répond : « Mieux ça serait indécent. »
♥♥♥ « Je suis en vie« , par Akhenaton (Universal).
♥♥♥ « Le Film« , par Katerine (Wagram, sortie le 8 avril).
Ils chantent la chair de leur chair. Le rappeur marseillais Akhenaton publie, en 2014, « Souris, encore », une ode à sa fille adolescente ; le chanteur vendéen Katerine célèbre ses petits dans la chanson « 3 ans », sur un album à venir. Tous les deux sont nés en 1968, mais tout oppose ces deux modèles de paternité. Akhenaton, 47 ans, c’est le père vertical, non pas fouettard, mais prêchard : « Je m’en fous d’avoir le mauvais rôle. » Katerine, 47 ans, c’est le père horizontal, le cher petit papa post-soixante-huitard.
Akhenaton use de l’impératif et de la défense, en mode « Fais pas ci fais pas ça » : « Ne sors pas s’te-plaît. » On note que cette autorité se veloute, modernité oblige, d’un « s’te-plaît ». Akhenaton fixe des limites à sa fille, sans étouffer sa féminité qu’il défend contre la bêtise fondamentaliste : « Si tu t’promènes en ville, ne cache pas ces beaux cheveux. » En bonne copine patriarcale, il lui recommande de goûter au « militant de Greenpeace » plutôt qu’au « ‘bad boy' ». Fertile en sentences, il condamne la dictature de la télé, de l’argent, le pétard et le gin-fizz. Parfois, il enferme sa fille dans le Guantánamo d’une double injonction contradictoire : « Ta life c’est la tienne et pas un mec ne va la guider », dit ce mec qui est en train de guider la life de sa fille. Il régente même le fiancé de sa progéniture : « Inutile de la couvrir de cadeaux. »
Là où Akhenaton juge, tranche, coache et légifère, en père pharaon, Katerine, papa brioche, se pâme et s’abîme dans la fascination jouisseuse et la béatitude descriptive. Pour ce père Narcisse, l’enfant est un double idéal : « On dirait toujours qu’ils sont un peu bourrés. » Katerine observe et adhère tout entier à la poésie pop du premier âge : « Ils disent : c’est beau d’une bouteille en plastique/C’est vrai que c’est beau les bouteilles en plastique. » Commander ? Non. Communier ? Oui. Katerine immole avec volupté l’autorité paternelle à l’extase parentale. Le sublime limon de l’incontinence enfantine l’émerveille : « Ils restent une heure dans leur caca/Et ça ne les dérange pas », dit-il comme avec envie.
Les sorties
♥♥ « Toybloïd« , par Toybloïd (Bellevue Music/Differ-Ant).
ROCK. Avec deux filles pour un garçon, Toybloïd est un trio made in France qui a un temps d’avance sur le gouvernement en matière de parité. Il a surtout assez d’énergie pour avoir séduit Liam Watson, qui après avoir produit The Kills et les White Stripes a enregistré ces trois-là dans son studio londonien. Le résultat est un premier album ultra-efficace, qui ressemble au produit d’un accouplement sauvage entre les Breeders (pour l’acidité des voix féminines) et les Offspring (pour le son punk un peu gras). Ceux qui aiment le rock énervé vont pouvoir bondir comme des kangourous en état d’ébriété.
♥♥ « Coffee Dreamer« , par Volage (Howlin Banana/Modulor).
FOLK ROCK. Au-delà de l’influence évidente de la scène californienne avec guitares fuzz et haute énergie, on avait été séduit par la touche pop anglaise sixties qui vibrait sur le premier album de Volage, « Heart Healing ». Les voici de retour avec un EP où ils s’affranchissent du pouvoir de l’électricité. La pédale fuzz débranchée, les harmonies vocales et l’émotion prennent le dessus, avec une compo originale (« Coffee Dreamer »), une reprise de Neil Young (« Cowgirl in the Sand ») et quatre vieux titres passés à la moulinette folk, aussi bien maîtrisée par ces jeunes Berrichons que la fureur.
« Bach : le Clavier bien tempéré, livre I« , par Christophe Rousset (clavecin) (2 CD Aparté).
♥♥ CLASSIQUE. Il ne fallait peut-être pas enregistrer cette œuvre sur le grand Rückers/Blanchet (1628 et 1706) du château de Versailles, opulent, fastueux, mais terriblement nasal, monochrome, et pour tout dire épuisant. Il faut le talent de Christophe Rousset pour conserver, en dépit de cette débauche sonore, la clarté polyphonique de l’écriture. D’autant que l’appartement du Dauphin est très réverbéré. Mais sa manière stricte, son expression discrète, redonnent un peu de densité à cette matière quelque peu ramollie.
Chanson
♥♥ « De quoi faire battre mon cœur« , par Clarika (Athome).
C’est une rupture amoureuse que Clarika raconte tout au long de ce septième album. Le disque débute vraiment avec « Je ne te dirai pas ». Soutenu par une rythmique pop plutôt banale, le texte puissant évoque la douleur crue de l’absence et le vertige qu’elle peut provoquer. L’autre chanson-clé, « Il s’en est fallu de peu », une ballade au piano d’une tristesse folle, fait le constat de la rupture. Ces titres marquent le grand retour de Clarika, à croire qu’il fallait qu’un événement fort survienne pour voir la chanteuse interpréter des titres qui retiennent à nouveau l’attention, comme ce fut le cas jusqu’à la fin des années 2000. Seule ombre au tableau ici : les mélodies et les arrangements ne brillent guère par leur originalité.
Ça ressort
♥♥♥♥ « Born Like This« , par MF Doom, Lex Records (shop.lexrecords.com).
MF Doom a signé parmi les meilleurs albums de rap de tous les temps, et ce « Born Like This », sorti en 2009, compte parmi ses meilleures productions. Lex Records le ressort en vinyle, « à la demande du peuple », disent-ils. Daniel Dumile de son vrai nom a commencé sa carrière à la fin des années 1980, sous le pseudonyme vintage de Zev Love X, en duo avec son frère. A cause d’une jaquette d’album jugée un peu trop hardcore pour l’industrie, son groupe s’est retrouvé sur la liste noire des maisons de disques. Puis son frère est mort, fauché par une voiture. Dumile a basculé dans la dépression et vécu quelques années dans la rue.
Il réapparaît en 1997 sous le pseudonyme de MF Doom, et se construit un personnage de super-vilain psychotique. Il porte un masque, ce qui lui permet d’envoyer d’autres rappeurs donner des concerts à sa place. De 1999 à 2009, sous divers noms de scène, il fabrique une œuvre extrêmement riche et poétique, servie par son écriture presque parfaite et sa voix d’outre-tombe. « Born Like This », qui a donc clos cette décennie prolifique, est plein de cuivres lugubres et de samples menaçants, avec en prime une apparition surprise de Charles Bukowski, frère de tous les vagabonds crépusculaires. Un album pesant, à écouter les soirs d’apocalypse.
Fabrice Pliskin, David Caviglioli, Sophie Delassein, Grégoire Leménager, Frantz Hoëz et Jacques Drillon
L’«intifada des couteaux» se transforme progressivement en intifada tout court. Certes, les attaques à l’arme blanche, qui sont lancées au rythme de deux à trois par jour, restent majoritaires mais elles ne sont plus les seules puisque les armes automatiques ont fait leur apparition. Surtout la mitraillette «Karl Gustav», une copie de fusil-mitrailleur soviétique fabriquée dans des ateliers clandestins de Cijsordanie occupée et vendue de 400 à 500 euros pièce.
Dans le courant de la semaine écoulée, plusieurs attaques à la «Karl Gustav» ont ainsi été lancées dans les territoires occupés, dont une au milieu de la rue Salah-El-Din, la principale artère commerciale de Jérusalem-est (la partie arabe de la ville). La, des policiers israéliens et deux Palestiniens se sont livrés à une bataille rangée en plein jour, au milieu des passants. Une première depuis la conquête de ce quartier par l’Etat hébreu en 1967.
«Il ne fait aucun doute que l’intifada des couteaux est en train de muter, estime Avraham K., un officier des Renseignements militaires israéliens (Aman) fraîchement démobilisé. Outre les tirs de Karl Gustav, une voiture de colons a d’ailleurs été visée vendredi matin par l’explosion d’une « road side bomb » [un engin explosif placé sur le bord d’une route, ndlr]. C’est bien la preuve que la situation empire.» Et de poursuivre : «Grosso modo, la société civile palestinienne soutient ces actions mais n’y participe pas. Est-ce que cela va durer ? Pas sûr du tout. En tout cas, dans les camps de réfugiés, les « Tanzim » [les milices du Fatah, ndlr] astiquent leurs armes et rongent leur frein.»
Expulsion des familles de «terroristes» vers Gaza
Informés de la situation, Benyamin Nétanyahou et son ministre de la Défense, Moshé Yaalon, ont réuni jeudi soir le cabinet israélien de la sécurité afin d’envisager des mesures censées «mater la vague de terreur». La plus emblématique d’entre elles est sans conteste l’expulsion automatique et immédiate des familles de «terroristes» vers la bande de Gaza (l’une d’entre elles a inauguré la mesure dans la nuit de jeudi à vendredi) ainsi que l’accélération de la procédure de destruction de leurs domiciles cisjordaniens.
Dans la foulée, les ministres ont ordonné à Tsahal (l’armée) de démanteler les ateliers clandestins de fabrication d’armes et de faire taire les médias palestiniens accusés d’«inciter au terrorisme». C’est ainsi que les bureaux cisjordaniens de Falastin al Youm, la chaîne télé du jihad islamique émettant par satellite à partir de Gaza, ont été vidés de leur matériel.
Quasiment oubliée depuis la deuxième intifada (2000-2004), la «barrière de sécurité» érigée en Cisjordanie sera reconstruite dans les environs d’Hébron afin d’interrompre le flux quotidien de dizaines de milliers de Palestiniens venant gagner leur vie clandestinement en Israël. Et à Jérusalem, le chantier pour le dernier tronçon de ce mur bétonné de huit mètres de hauteur sera également accéléré afin de couper définitivement plusieurs quartiers arabes du reste de la ville.
Coulisses, brèves, choses vues et entendues par les journalistes de «Libération», et pas lues ailleurs : c’est le happy hour politique.
La trouille électorale d’Ayrault
Nommé ministre des Affaires étrangères mi-février, Jean-Marc Ayrault doit être remplacé à l’Assemblée. Son suppléant en Loire-Atlantique étant décédé, une législative partielle aura lieu les 17 et 24 avril, soit au beau milieu des préparatifs du référendum sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui fracture la gauche. «Ayrault ne la sent pas du tout cette élection, il pense que ce sera très difficile pour le PS, c’est pour ça qu’il n’y va pas, rapporte un dirigeant de la majorité. Mais ça devrait être lui le candidat pour tirer la liste et laisser son nouveau suppléant siéger» au Palais Bourbon. Le contexte inflammable n’a pas refroidi les ardeurs des prétendants : cinq se sont présentés aux suffrages des militants socialistes jeudi soir. Un deuxième tour doit départager la semaine prochaine Karine Daniel, adjointe au maire de Nantes, et Jocelyn Bureau.
Lemorton ne vote pas Macron
Mardi soir, séminaire de travail de la majorité sur la loi El Khomri à l’Assemblée. Dans la traditionnelle salle Colbert, Manuel Valls et les dirigeants du groupe PS ont pris place dans la tribune officielle face aux députés. Les ministres du Travail et de l’Economie se sont eux installés sur le côté, face aux députés aussi, mais dans une petite tribune à part. Quand le patron du groupe, Bruno Le Roux, passe la parole à Emmanuel Macron, il lui demande de rejoindre la tribune officielle. Réponse négative de l’intéressé, qui souhaite rester à sa place. «Mais pour qui il se prend celui-là, ça va pas se passer comme ça», laisse échapper la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, assise à côté de Valls. «Le message subliminal que Macron voulait faire passer c’était: je suis à part, je ne me mélange pas, ni aux députés ni à l’exécutif», analyse un pilier de l’Assemblée. Mais Macron a dû céder : il a parlé de la tribune officielle.
Le Guen, crispateur en chef au PS
Ce séminaire s’est déroulé dans une ambiance constructive, de l’aveu de nombreux socialistes. Le ministre des Relations avec le Parlement, «Jean-Marie Le Guen n’était pas là, comme ça, ça détendait l’atmosphère, raconte une députée. Il est en grande partie responsable des crispations et de la défiance du cœur du groupe» PS sur la loi travail.
Hollande et les «couloirs ministériels»
Friture sur la ligne interdite. En conseil des ministres la semaine dernière, alors que la contestation de la loi travail débutait, François Hollande a fait un petit rappel au règlement à ses ministres : «Vous restez dans votre couloir, vous ne parlez que de vos sujets.»
Cambadélis joue Hollande pour contrer Macron qui lui-même contre Valls, vous suivez ?
En demandant aux dirigeants socialistes de réaffirmer que François Hollande était leur candidat présidentiel naturel vendredi matin, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis a semé la pagaille chez ses ouailles qui ne comprennent pas bien les intentions de leur chef. «Est-ce qu’il a voulu ramener [Emmanuel Macron] à la raison», s’interroge un sénateur. Le ministre de l’Economie sème tellement de petits cailloux sur la route de 2017 que le premier secrétaire aurait voulu provoquer un acte de loyauté de sa part ? «Tout cela n’a qu’une conséquence : faire monter Macron en fait, déplore le même sénateur. Quand Fabius s’est demandé « qui va garder les enfants » en parlant de Ségolène Royal, il croyait l’affaiblir. Il l’a adoubée.»
« Je choisis la violence », annonce Cersei Lannister. Le reste de cette nouvelle bande-annonce de « Game of Thrones » est à l’avenant. La saison 6, diffusée sur HBO à partir du 24 avril, promet d’être intense et sombre. On y retrouve tous les personnages habituels – ceux qui ont survécu en tout cas – pour la plupart déchus mais prêts à la bagarre, le tout sur une reprise solennelle de la chanson « Wicked Game » de Chris Isaak.
La bonne nouvelle, c’est que cette année, on ne pourra pas recevoir de leçons de la part de ceux qui ont lu les livres. La série a dépassé l’intrigue de la saga « Le Trône de Fer » de George R.R. Martin. Cette fois, le contenu sera nouveau pour tout le monde. Que nous réserve-t-il ? Indices.
# Jon Snow est bien mort
Le clip s’ouvre sur le cadavre de Jon Snow dans la neige, et se ferme avec Davos qui sort son épée devant le même corps. Jon Snow ne semble pas près de ressusciter. On ne verra donc plus le chef de la Garde de nuit partir à la chasse aux zombies congelés. Même si on peut se permettre de penser que la production joue avec nos nerfs.
# Arya Stark est toujours aveugle
Dans la saison précédente, Jaqen H’ghar a ôté la vue à Arya Stark en guise de punition pour le meurtre de Meryn Trant. On pensait que la punition serait temporaire, mais la jeune fille ne semble pas avoir retrouvé la vue.
# Sansa Stark a survécu à sa chute
Profitant de la confusion lors de la bataille entre Baratheon et Bolton, Sansa Stark et Theon Greyjoy s’étaient enfuis en sautant du haut de la muraille du château de Winterfell. La jeune femme, martyrisée par Ramsay Bolton, a l’air d’avoir survécu à sa chute dans cette nouvelle bande-annonce.
LIRE : Quelle sera la fin de « Game of Thrones » ? Les fans ont leur petite idée…
# Bran Stark rencontre les Marcheurs blancs
Bran Stark, qui n’est pas apparu de toute la saison 5, est de retour, même s’il semble s’être soudainement métamorphosé en jeune homme de 25 ans. On le voit être confronté au roi des Marcheurs blancs.
# Daenerys Targaryen retrouve les Dothraki
A la fin de la saison 5, Daenerys Targaryen fuit le massacre des arènes de Meereen sur le dos de son dragon Drogon. La veuve de khal Drogo arrive en pleine Mer Dothrak et se retrouve entourée de centaines de Dothrakis. Elle semble être faite prisonnière par eux, sans traitement de faveur.
On voit aussi que Jorah Mormont trouve la bague qu’elle a laissé tomber dans l’herbe. Nul doute que chevalier très (trop ?) loyal se mettra à sa recherche avec acharnement.
# Jaime et Cersei Lannister sont toujours proches
Après qu’Ellaria Sand a empoisonné sa nièce (officieusement fille) Myrcella, Jaime Lannister est de retour à Port-Réal. Manifestement, il ne craint pas d’aller se confronter à la colère de la maman, Cersei Lannister. Les deux frère et soeur reprennent même leurs jeux incestueux.
# Cersei Lannister veut sa revanche
Douloureuse scène dans la dernière saison : Cersei Lannister est contrainte par le Grand Moineau à se soumettre à une marche de la honte, nue et les cheveux coupés, dans les rues de Port-Réal. Dans cette bande-annonce, elle se confronte à Lancel Lannister, son ancien amant qui lui demande de partir sans quoi il y aurait de la violence.
« Je choisis la violence », répond-elle sans hésiter.
Cersei Lannister voudra se venger des représentants de la religion des Sept et de la reine Margaery Tyrell qui l’a trahie. A ses côtés, une impressionnante créature prête à la défendre.
# La maison Greyjoy au coeur de l’action
Alors que Theon Greyjoy s’est échappé de l’emprise de Ramsay Bolton, on devrait faire plus ample connaissance avec la famille des îles de Fer. Une nouvelle armée prête à conquérir le Trône.
Cette saison introduit un nouvel acteur : Pilou Asbaek, qui joue Euron Greyjoy, l’oncle de Theon. Il pourrait bien devenir un nouveau favori des fans : il est décrit comme un pirate « rusé, impitoyable, avec une touche de folie ».
# Mélisandre a des remords
« La victoire que j’ai vu dans les flammes était un mensonge », se désole la prêtresse rouge Mélisandre, qui a envoyé Stannis Baratheon à la mort. Plus loin dans la bande-annonce, on la voit ouvrir son corsage : un sortilège pour ressusciter Stannis ? Ou Jon Snow ?
# Ned Stark ?!
Dans ce qui paraît être un flashback, on voit Ned Stark (mort dans la saison 1) se battre contre un garde royal de l’époque des Targaryen. La série nous montrera peut-être l’ancien épisode de « la Rébellion de Robert Baratheon », soit la chute de la dynastie Targaryen. Elle est déclenchée entre autres par l’enlèvement de Lyanna Stark, soeur de Ned Stark et fiancée de Robert Baratheon, par les Targaryen.
Près de quatre mois après la tragédie du Bataclan, le leader des « Eagles of Death Metal » fait d’étranges allusions quant à la sécurité de la salle de concert. Dans un extrait d’une interview qui sera diffusée ultérieurement dans son intégralité aux Etats-Unis, Jesse Hugues jette le soupçon sur les vigiles qui devaient veiller à la soirée qui s’est achevée dans l’horreur le 13 novembre dernier.
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Quand l’intervieweuse de la chaîne Fox Business lui demande s’il avait remarqué quelque chose de bizarre ce soir-là, Jesse Hugues répond :
« Quand je suis arrivé dans la salle de concert, je suis passé devant un gars censé être l’agent de sécurité des coulisses et il ne m’a même pas regardé. Je suis allé tout de suite voir le promoteur et je lui ai demandé : ‘C’est qui ce gars ? Je veux un autre mec à sa place’. Et il m’a répondu : ‘Les autres gars ne sont pas encore là’. Et j’ai finalement découvert que six d’entre eux au moins ne sont jamais venus. Vous savez, je respecte la police qui enquête encore. Je ne vais pas faire une déclaration officielle différente de ce que j’ai déjà dit mais il semble évident qu’ils avaient une raison de ne pas se présenter. »
L’extrait mis en ligne par Fox Business s’arrête là. Mais la dernière phrase de Jesse Hugues sonne comme une lourde insinuation à l’égard d’agents de sécurité qui ne seraient pas venus assurer leur service le soir du drame. Bref, la relecture complotiste n’est pas loin. A moins que la suite de cet entretien non encore diffusée ne vienne contredire cette fâcheuse impression.
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Quoi qu’il en soit, joints par nos confrères de RTL, « les enquêteurs ne considèrent (…) pas que ce témoignage est sérieux ». Il revêt « peu de valeur » à leurs yeux, des « vérifications » ayant déjà été effectuées en début d’enquête.
C’est aussi faire peu de cas du courage des vigiles présents lors de l’attaque. Une attitude saluée par Dominique Revert, un responsable du Bataclan qui avait expliqué peu après l’attentat que la sécurité avait « évacué un maximum de gens » avant d’ajouter : « Ils ont vraiment été héroïques et fantastiques. »
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