Atwood, Montero, Le Guin: les grands hommes de la SF sont des grands-mères

Bruna Husky n’a que dix ans à vivre. C’est une androïde qui, contrairement à ces «lents et lourds pachydermes» d’humains dont l’existence s’étire interminablement, possèdela longévité d’un papillon dans un corps de brute épaisse.

Présentement, la belle Bruna cherche à quitter la Zone Zéro, une banlieue du monde où vivent des classés qui ne peuvent se permettre de résider dans les Zones Vertes, moins polluées. En Zone Zéro, l’air est gorgé de sulfure et d’oxyde, un cocktail qui vous crame les poumons s qu’on met le nez dehors. Les sous-hommes qui peuplent cette charge à ciel ouvert aimeraient bien fuir, mais une paroi en méthacrylène renforcé les dissuade de tenter quoi que ce soit de ce genre.

Science-fiction, ton univers impitoyable. Tes robots, tes extraterrestres, tes mutants. Tes romans aux couvertures colorées, où Martiens sanguinaires et araignées géantes semblent s’être donné le mot pour envahir la Terre et asservir l’Humanité. Tes auteurs à l’imagination impayable, toujours prêts à inventer des mondes – H.G. Wells, Ray Bradbury, Stanislas Lem (le romancier de «Solaris»), pour n’en citer que quelques-uns. Tous des hommes ? Pas du tout. Si vous imaginez que, pour écrire un roman SF, il faut être un type chauve, collectionner des figurines R2-D2 et regarder sans fin des vidéos de tarentules géantes, vous vous trompez. Les grands hommes dela science-fiction, aujourd’hui, sont des femmes et elles sont en âge d’être grand-mères.

Prenons Rosa Montero. L’auteur du «Poids du cœur», deuxième tome du cycle Bruna Husky qui vient de paraître en France, est une élégante Madrilène de 65 ans, collaboratrice du quotidien «El País» qui, quand la nuit tombe, imagine des «technos de combat», des «guerres robotiques» et toute une panoplie de gadgets futuristes à faire saliver le professeur Q de James Bond.

Mais où va-t-elle donc chercher tout ça? «J’ai toujours aimé la science-fiction, répond-elle. J’ai commencé à lire Jules Verne et H. G. Wells quand j’étais enfant. J’ai publié mon premier roman de science-fiction, “Temblor”, il y a vingt-cinq ans.» Parmi ses influences, Rosa Montero cite Asimov, Clarke, Lem, Bradbury, Philip K. Dick, Ballard ou Gibson (que des messieurs !), mais aussi celle qu’elle tient pour l’une des grandes romancières du XXe siècle, Ursula Le Guin.

La « fiction spéculative »

Fille de zoologue née dans l’Ontario, Margaret Atwood a grandi dans les forêts du Canada. Savoir reconnaître les empreintes d’un loup ou d’un écureuil ne la prédisposait nullement à remporter le prix Arthur C. Clarke (la récompense la plus prestigieuse en matière de littérature de science-fiction anglo-saxonne) pour le livre qu’elle a publié en 1985, «la Servante écarlate», un roman qui s’est vendu depuis à des millions d’exemplaires dans le monde.

L’histoire ? Celle deDefred, une femme vêtue de rouge qu’une dictature asservit, l’obligeant à procréer pour assurer la survie du genre humain, sans que celle-ci puisse faire valoir son droit au sir et à la séduction. Dans cette république gouvernée par une confrérie de fanatiques, les femmes sont une espèce en voie de disparition. Une fable qui a fait bondir les ultrareligieux dont certains ont jugé le roman «antichrétien et pornographique».

L’auteur confie, du reste, que son livre a toujours excité les dingos en tous genres: «Le roman a été banni de certains lycées. Des lecteurs m’ont envoyé des photos de leurs tatouages empruntés à des phrases du livre. Certains se guisent en servante écarlate pour Halloween. Je n’avais rien imaginé de tout cela en l’écrivant.»

Peut-être, mais, à 76 ans, Margaret Atwood est l’une des figures majeures dela littérature de science-fiction. Un mot qui lui plaît du reste: elle préfère parler de«fiction spéculative». Militante écologiste, fervente utilisatrice de Twitter (avec un million d’abonnés au compteur), Margaret Atwood explique qu’elle a beaucoup lu, dans les années 1940 et 1950, les œuvres de Huxley, Orwell, Bellamy, Bradbury.

Margaret Atwood (Pascal Saez/Sipa)

Quand elle commence à écrire «la Servante écarlate», au printemps 1984, la romancière se trouve à Berlin-Ouest. Le mur de barbelés qui sépare l’Est et l’Ouest semble tout droit sorti d’un de ces romans dont elle raffole. Pas besoin de voyages interplanétaires pour entrevoir des royaumes fantastiques: notre barbare XXe siècle constitue, pour Margaret Atwood, une matrice romanesque que H.G. Wells fut l’un des premiers à ensemencer.

La SF, un club masculin ?

Si les mondes étranges que crivent Atwood et Montero sont froids, inquiétants, inhumains, c’est aussi qu’ils annoncent les sordres écologiques de notre époque. Sur les ruines de l’utopie, la barbarie techno-informatique exerce un pouvoir qui ne laisse aucune place à la singularité affective.

Dans «la Servante écarlate», l’amour est un penchant criminel, et la tristesse, dans «Des larmes sous la pluie», le roman de Rosa Montero, apparaît comme un inutile et dangereux «luxe émotionnel». C’est Nopal qui, dans le livre, a forgé de toutes pièces la cybernétique Bruna, mais il a enfreint toutes les règles: il a doté sa dernière création de ses propres souvenirs, quand les autres n’ont droit qu’aux émotions de base. «Pauvre Husky: parce qu’il s’agissait de sa dernière œuvre, elle avait reçu le cadeau empoisonné de sa douleur.»

On a compris que la science-fiction était loin d’être un club exclusivement masculin. L’une des pionnières du genre, Ursula Le Guin, a influencé des générations d’auteurs des deux sexes avec son cycle de «Terremer» ou son livre le plus célèbre, «la Main gauche dela nuit», paru en 1969. Fille d’un célèbre anthropologue, Ursula Kroeber naît à Berkeley, en Californie, et passe ses étés dans un ranch que son père avait acheté à Napa Valley.

« C’était à la fin des années 1930, raconte-t-elle. Il y avait des réfugiés arrivant de partout, des gens du monde entier. C’était très contracté.» Ursula lit avec passion «le Rameau d’or» de Frazer, rédige vaillamment une thèse sur la poésie de Ronsard, semble promise à une très ennuyeuse carrière professorale. C’est qu’elle les aime, les universitaires. Elle en épouse même un, professeur d’histoire à l’université de Portland, qu’elle rencontre sur le «Queen Mary», lors d’un voyage transatlantique. Ursula devient ainsi Mme Le Guin.

Fait étrange, l’université a toujours été un vivier pour les romanciers de science-fiction. A commencer par Tolkien, ce philologue pur et dur qui, lorsqu’il ne préparait pas ses cours sur les sagas islandaises écrites en vieux norrois, lançait ses créatures terrifiantes à l’assaut de Minas Tirith dans «le Seigneur des anneaux».

La gent féminine a-t-elle marqué la science-fiction d’une empreinte particulière? Pas pour Margaret Atwood: «Affirmer que la science-fiction est un genre plutôt masculin ou plutôt féminin reviendrait à sous-entendre que tous les hommes écrivent dela même façon, que les romancières disent toutes la même chose. Tout ce qu’on peut reconnaître, c’est que les auteurs masculins de science-fiction, au XXe siècle, ont toujours pris un malin plaisir à shabiller leurs pulpeuses héroïnes – mais quoi de neuf sous le soleil ?»

La différence, si différence il y a, avec les romanciers mâles, tient peut-être dans ce que, chez les dames, les explorations futuristes sont davantage l’occasion d’une réflexion sur la société humaine et son organisation qu’un bourre-pif généralisé à la «Mad Max». Dans «la Main gauche dela nuit», Ursula Le Guin explore une planète gelée, semblable au no man’s land glacé filmé par Christopher Nolan dans «Interstellar». Les habitants y sont asexués, sauf pendant leur poussée hormonale qui, au gré du hasard, les transforme tous les mois en homme ou en femme. Dans les années 1970, le roman fait l’effet d’une bombe. Et il alimentera, aux Etats-Unis, la réflexion post-gender qui renvoie l’antique distinction homme-femme au rang de vieillerie obsolète.

Aujourd’hui trois fois mère et trois fois grand-mère, Ursula Le Guin réside à Portland, dans une maison victorienne, avec son chat. Pour l’aventure, vous repasserez. Sans doute s’est-elle toujours passionnée pour les philosophies orientales, mais, comme Philip K. Dick (les deux étaient dans la même classe au collège), elle n’a pour ainsi dire jamais quitté son bled.

Ce qui n’a pas empêché Ursula delaisser galoper son imagination au fil d’une centaine de livres, au bas mot. Sa passion pour le fantastique, comme celle de Margaret Atwood, a contribué à populariser le genre, et surtout à le faire accepter, dans les milieux intellectuels, comme un domaine à part entière, aussi digne d’intérêt que la fiction classique. «Quand je raconte les aventures de Bruna Husky, confirme Rosa Montero, je m’inspire surtout des auteurs que j’aime, de Nabokov à Borges, de Conrad à George Eliot, de Flaubert à Patricia Highsmith.»

Il est vrai que la romancière espagnole est tout-terrain. Figurez-vous que son précédent livre, «l’Idée ridicule de ne plus jamais te revoir», se roulait dans le Paris des années 1900 ! Elle y racontait la mort de Pierre Curie et la vive douleur de sa femme, Marie. En somme, les sentiments, c’est un sacré voyage aussi – dela science-fiction sans les soucoupes volantes.

Didier Jacob

La science-fiction, un truc de garçons ?

A lire

Le Poids du cœur, par Rosa Montero, traduit par Myriam Chirousse, Métailié, 360 p. , 22 euros.

La Servante écarlate, par Margaret Atwood, traduit par Sylviane Rue Malroux, Robert Laffont Pavillons poche, 546 p. , 11,50 euros.

Tehanu, par Ursula Le Guin, traduit par Isabelle Delord-Philippe, Le Livre de poche, 290 p. , 6,60 euros.

Article paru dans « L’Obs » du 3 mars 2016.

Fusillades à Bruxelles : un suspect tué, une policière française blessée

Un suspect a été tué mardi à Forest (une commune de Bruxelles) lors d’une vaste opération de police franco-belge lancée après une série de fusillades, débutées à la suite d’une perquisition dans le cadre du volet belge de l’enquête sur les attentats de novembre à Paris. Quatre policiers, dont une française, ont été légèrement blessés au cours d’un échange de tirs qui a débuté vers 15 heures.

Le ministre belge de la Justice s’est exprimé au cours d’une conférence de presse débutée peu après 21 heures, alors que les opérations se poursuivaient alors encoredans la chaussée de Neerstalle, toujours à Forest, d’après la RTBF. «Nous avons sans doute eu beaucoup de chance, avec quatre blessés légers, car cela aurait pu être un drame», a déclaré le Premier ministre Charles Michel au cours de ce point presse. «L’enquête se poursuit activement, de jour comme de nuit, et il n’est pas possible de donner davantage de précisions actuellement afin de ne pas nuire à l’enquête» précise un communiqué du parquet fédéral, qui signale qu’une nouvelle conférence de presse aura lieu ce mercredi à 10h30.

Revenons sur les faits. Vers 16h45, d’autres coups de feu sont tirés, selon la RTBF, à travers la porte de l’habitation que la police était venue perquisitionner, et où un individu s’était retranché. Un quatrième policier a été touché lors de cette deuxième fusillade. L’individu à l’origine des coups de feu a été tué arme à la main lors d’un assaut donné vers 18h20, ont rapporté les médias belges, citant le parquet fédéral belge. Son identité n’a pas encore été dévoilée, mais on sait d’ores et déjà qu’il est soupçonné d’être lié à la mouvance jihadiste. Selon BFMTV, cette personne était connue des services de police. 

Selon Le Soir, un deuxième homme s’était parallèlement retranché dans un terrain vague situé non loin de l’habitation. La police avait encerclé les lieux, où un chien policier muni d’une caméra avait été envoyé pour une inspection. Le Soir avait précisé plus tôt que «les forces policières [étaient] incapables de déterminer si elles [avaient] ou non affaire à plus de deux agresseurs». Le bourgmestre de Forest, Marc-Jean Ghyssels avait lui aussi déjà indiqué qu’il était impossible à ce stade de connaître précisément le nombre des tireurs, dont certains pourraient par ailleurs être actuellement en fuite, ni leur identité potentielle, ni le type d’armes utilisées. D’après La Dernière Heure deux suspects avaient pris la fuite par les toits des habitations après la première fusillade. Pour l’heure, on ne sait pas si ces personnes évoquées à l’époque par le quotidien belge sont les deux hommes cernés plus tôt par la police, ni si un ou deux autres suspects sont toujours en fuite.

La perquisition ne concernait pas Salah Abdeslam

Située non loin du quartier populaire de la gare du Midi de Forest, la rue Dries, où la fusillade a éclaté dans l’après-midi, a rapidement été fermée à la circulation, aux transports en commun, et le quartier bouclé. Un périmètre de sécurité a été mis en place. L’école et la crèche situées dans la même rue ont été bouclées, avec les élèves à l’intérieur, en sécurité selon le cabinet du bourgmestre de Forest, cité par Le Soir, lequel indiquait avoir débuté l’évacuation des autres écoles et crèches pas directement situées dans la rue Dries vers 19 heures. Un important dispositif policier franco-belge avait déjà été déployé, selon les ministres de l’Intérieur français et belge Bernard Cazeneuve et Jan Jambon, et un hélicoptère sillonnait les alentours.

Onze personnes ont été inculpées à ce jour en Belgique en lien avec les attaques qui avaient fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015. L’enquête a montré que ces attentats avaient largement été préparés et coordonnés depuis Bruxelles. Huit de ces onze inculpés sont toujours en détention provisoire. Un suspect clé, Salah Abdeslam, originaire de la commune bruxelloise de Molenbeek, n’a jamais été appréhendé. Le Français serait resté caché du 14 novembre au 4 décembre dans un appartement de Schaerbeek, en région bruxelloise, avait rapporté mi-février La Dernière Heure.

Les autorités belges ont cependant précisé mardi que la perquisition franco-belge organisée cet après-midi rue Dries ne concernait pas Salah Abdeslam. Celle-ci avait été organisée sans renfort particulier, car les policiers franco-belges ne s’attendaient pas forcément à trouver des personnes dans l’appartement visé, réputé vide, selon la RTBF, et visait «l’entourage d’un ou plusieurs» des onze hommes déjà inculpés en Belgique, selon une source policière française; citée par l’AFP. Mardi soir, le parquet fédéral belge a précisé que l’homme retrouvé mort dans l’habitation n’était pas Salah Abdeslam. 

LIBERATION

Les garde-côtes argentins coulent un navire de pêche chinois

Les garde-côtes argentins ont coulé mardi un bateau de pêche chinois après avoir été attaqués par ce navire dans les eaux territoriales argentines, dans l’Atlantique sud, ont annoncé les autorités du pays sud-américain.

Le Lu Yan Yuan Yu 010 «a été détecté alors qu’il pêchait illégalement. Le navire en infraction a tenté d’entrer en collision avec les garde-côtes de la préfecture navale. L’ordre de tir a été donné, causant des avaries», selon un communiqué de la préfecture navale. Les membres de l’équipage du navire chinois ont pu être secourus. Le capitaine du navire chinois devait être livré à la justice et entendu par un magistrat.

L’incident est survenu au large de la Patagonie. C’est la base navale située dans la ville de Puerto Madryn, à proximité de la zone touristique de la Péninsule de Valdès, qui a découvert la présence du bâtiment chinois. Les garde-côtes ont tiré sur la coque du navire après les communications et sommations de rigueur, assurent les autorités argentines. «Le capitaine n’a stoppé les moteurs que lorsque le bateau a commencé à couler, l’équipage a pu quitter le navire», selon la version argentine. Deux autres bateaux de pêche opéraient illégalement dans la zone, selon la Préfecture navale argentine.

La semaine dernière, lors d’une patrouille au large de la Péninsule de Valdès, les autorités navales argentines avaient tiré en direction d’un navire pêchant illégalement dans la zone économique exclusive de l’Argentine. La pêche illégale est fréquente dans les eaux poissonneuses de l’Atlantique sud, notamment des navires chinois et russes.

AFP

Pamela Anderson, reviens !

La nouvelle est d’importance. Copé est de retour ? Bof. Michel Polnareff remonte sur scène ? Indifférence. Platini s’oppose à l’arbitrage par vidéo ? On s’en talque le nombril. Le vrai scoop de cette semaine m’a été communiqué par l’attaché de presse de Paramount, qui m’annonce, dans un mail estampillé « pour distribution immédiate », le début du tournage de « Baywatch : alerte à Malibu ». Ça, c’est du solide ! Du dur ! Alors qu’on est noyé sous les drames philippins, les divorces sud-américains, les adoptions africaines, les conflits du travail à Saint-Nazaire, enfin un rayon de soleil ! Sea, sex and sun, y a que ça de vrai !

Inutile de vous dire que, vu l’émotion (purement artistique, vous me connaissez) que m’ont procuré, dans le temps, les grandes actrices d’ »Alerte à Malibu » – je cite, en vrac, Nicole Eggert, Yasmine Bleeth, Erika Eleniak, Carmen Electra et, bien sûr, Pamela Anderson, des filles qui ont porté la bimboïsation à un niveau supérieur – je me suis précipité pour voir les photos des nouvelles arrivantes. Et, je te le donne Émile, elles sont canon-top-de-la-fiesta. Il n’y en a pas une qui peut prendre sa douche en se mouillant les pieds. C’est le signe d’une grande exigence cinématographique.

Un Prix de la Bimbo d’or ?

Donc, pour Alexandra Daddario (aperçue dans « True Detective »), je dirais trois étoiles. Kelly Rohrbach, mannequin pour maillots de bain dans « Sports Illustrated », quatre étoiles ; Ilfenesh Hadeka a de très beaux pieds (selon le site « WikiFeet.com »), mais je réserve mon jugement ; et Priyanka Chopra, ex-Miss Monde, est tout simplement sublime, cinq étoiles d’or, de platine et de Nutella. Le reste, l’intrigue, les acteurs masculins, la mise en scène, le scénario, les dialogues, les costumes, le montage, la musique, le décor, who cares ? Seul le lâcher de bimbos sur la plage de Malibu nous intéresse. Il est d’ailleurs temps de revaloriser l’image de la fille carénée comme un missile sol-sol, en maillot rouge, se jetant à l’eau pour sauver les bébés phoques, les sexagénaires cardiaques, les épouses droguées, et les surfeurs évanouis.

Une photo publiée par therock (@therock) le 3 Mars 2016 à 11h04 PST

The Rock et Priyanka Chopra (@therock / Instagram)

C’est ce qui nous manque, dans le cinéma actuel (français notamment). Nous avons Julie Gayet, Catherine Frot, Marion Cotillard, Mélanie Laurent, Charlotte Gainsbourg, Mathilde Seigner, Sylvie Testud, oui. Des bonnes comédiennes, certes. Mais pas des bimbos. La situation est grave. Quand la bimbo vient à manquer, le bambou tend à s’affaisser (vieux proverbe tibétain). Je ne critique pas, j’alerte.

L’histoire secrète de la sextape de Pamela Anderson et Tommy Lee

Le Centre National du Cinéma devrait se saisir du problème. Créer une Bourse des Bimbos, un Prix de la Bimbo d’or, un concours de la Bimbo Mieux-Disante, je sais pas moi. Si on est obligés de feuilleter en soupirant les numéros de « Swimsuit Illustrated » pour admirer Lily Aldridge, Kate Upton, Sara Sampaio ou Chanel Iman, c’est que le cinéma ne nous offre plus de quoi réjouir la rétine. Même James Bond a abandonné le filon : Léa Seydoux, c’est l’anti-bimbo par excellence. Elle est aussi sexy qu’un œuf dur mayo. Le retour d’ »Alerte à Malibu » réchauffe le cœur. Ce n’est pas du cinéma, dieu merci. C’est mieux : du cinoche. Pamela Anderson, reviens !

François Forestier

Htin Kyaw, proche de Aung San Suu Kyi, élu président de Birmanie

Htin Kyaw, un fidèle compagnon de dissidence d’Aung San Suu Kyi, est devenu le nouveau président de la Birmanie, le premier démocratique élu depuis des décennies, après un vote du Parlement mardi. La Ligue nationale pour la démocratie (NLD), qui a largement remporté les législatives de novembre, a proposé le nom de ce proche de la prix Nobel de la paix, qui ne peut elle-même devenir présidente en raison de la Constitution héritée de la junte. Il a été élu, sous les applaudissements, par 360 voix sur un total de 652 députés.

Le président et le nouveau gouvernement, dont la composition devrait être annoncée dans les jours qui viennent, prendront leurs fonctions le 1er avril. Après son éclatante victoire lors des législatives de novembre 2015, la NLD était certaine de pouvoir faire élire son candidat malgré la présence au Parlement d’un quart de députés militaires non élus. Mais le parti n’a pu avancer la candidature d’Aung San Suu Kyi, la Constitution interdisant la fonction à quiconque a des enfants de nationalité étrangère, ce qui est le cas d’Aung San Suu Kyi, qui a deux fils britanniques. Mais la dame de Rangoun a déjà prévenu qu’elle serait «au-dessus» du président.

Les deux autres candidats, celui de la chambre haute et celui présenté par les militaires, vont devenir vice-présidents. Ils ont respectivement obtenu 79 voix et 213 voix. Choisi pour sa loyauté envers la prix Nobel de la Paix, Htin Kyaw, fils d’un poète birman très célèbre, est un ami d’enfance d’Aung San Suu Kyi, qui a été la première à voter devant le parlement réuni en session conjointe. Htin Kyaw est le premier président civil du pays depuis des décennies après près de 50 années de dictature militaire suivi par la constitution d’un gouvernement dirigé par d’anciens généraux. Aung San Suu Kyi n’a toujours pas précisé si elle serait ministre du gouvernement qui doit être formé pour début avril ou si elle tirera les ficelles de l’exécutif depuis son poste de députée.

AFP

Syrie, loi travail, Htin Kyaw… le point sur l’actu mardi matin

Syrie. Après cinq mois d’intervention pour soutenir l’armée de Bachar al-Assad, le président russe, prenant tout le monde de court, a ordonné le retour au pays du gros de ses troupes. De quoi relancer les pourparlers de paix ?

Birmanie. Ce mardi, Htin Kyaw (photo AFP), proche de Aung San Suu Kyi, a été élu président de Birmanie, sous les applaudissements, par 360 voix sur un total de 652 députés.

Etats-Unis. Des millions d’électeurs de cinq grands Etats américains -Floride, Caroline du Nord, Missouri, Ohio, Illinois- voteront ce mardi pour les primaires démocrates et républicaines, une journée monumentale que Donald Trump (républicain) espère transformer en plébiscite, alors qu’il est attaqué de toutes parts pour sa rhétorique incendiaire. La journée sera d’autant plus conséquente chez les républicains que 3 Etats (Floride, Ohio, Illinois) attribueront la totalité de leurs délégués à l’homme qui sera arrivé en tête. Retrouvez notre dossier spécial.

So-so-so-solidarité (ou pas). Vingt-cinq minutes : c’est le temps qui a suffi aux riverains du très chic arrondissement parisien pour interrompre lundi soir une réunion consacrée à un projet de centre d’hébergement d’urgence, après des dérapages en tous genres. Nous y étions.

Loi travail. Manuel Valls a reculé hier sur les articles les plus contestés du projet de loi travail, dont le barème des indemnités prud’homales, une initiative saluée par les syndicats dits «réformistes» mais décriée par le patronat, tandis que CGT, FO et Unef ont maintenu leurs appels à manifester.

Justice. Le procès du braqueur Redoine Faïd et de huit complices présumés est entré lundi dans sa troisième semaine. Des agents ont décrit la folle course poursuite qui s’est soldée par la mort d’une policière, en 2010.

Et aussi… Les 120 évêques catholiques de France sont réunis à partir de ce mardi à Lourdes pour leur assemblée de printemps, dans un huis clos plombé par l’affaire de pédophilie qui ébranle le diocèse de Lyon et son archevêque, le cardinal Barbarin ; un homme d’une vingtaine d’années a été tué d’une rafale de kalachnikov tirée par des agresseurs à moto à Marseille hier.

Les secrets de Drouot devant le tribunal

C’est un procès fleuve qui va débuter ce lundi après-midi au tribunal de correctionnel de Paris. Quarante-quatre « cols rouges », quatre commissaires-priseurs, un directeur de vente et un employé sont cités à comparaître pour association de malfaiteurs, vols ou complicité de vols en bande organisée.

Qui sont ces cols rouges ? A Drouot, la salle des ventes parisiennes, on les appelait aussi les « savoyards ». Reconnaissables à leur veste noire à col rouge (d’où leur surnom), ils appartenaient à l’Union des commissaires de l’Hôtel des ventes (UCHV), corporation fondée en 1834. A l’origine, la plupart de ses membres étaient originaires de villages de Haute-Savoie. A Drouot, ils assuraient la manutention et le transport des objets mis en vente.

Des objets qui disparaissent

En 2009, le scandale éclate : plusieurs de ces cols rouges sont suspectés d’avoir dérobés des objets soit chez des particuliers (à l’occasion d’inventaires établis après un décès par exemple), soit à Drouot même. Dans les lots volés on trouve un tableau de Courbet, des fauteuils d’Eileen Gray, des bijoux, des dessins de maître, des meubles et autres objets précieux.

Problème : s’il est facile de laisser tomber un objet du camion, encore faut-il pouvoir en tirer profit. Certains cols rouges affirment que ces objets volés étaient écoulés à Drouot avec la complicité de commissaires-priseurs qui les incluaient dans leurs catalogues de vente.

Lorsque ces combines sont mises au jour, tous les regards convergent vers Drouot. Les plus pessimistes pensent que la salle des ventes parisiennes va imploser. Et d’annoncer déjà la fin de ce temple des enchères.

Drouot victime ?

Dès le début de l’instruction cependant Drouot Patrimoine (la société qui exploite l’Hôtel des ventes) décide se porter partie civile, estimant être victime dans cette affaire. « Drouot entend se faire entendre comme une victime de ces vols », commente son avocat, maître Karim Beylouni :

« Cette affaire a causé un préjudice matériel et un préjudice d’image. Le marché des ventes publiques repose sur la confiance. Si vous la brisez, vous mettez en péril son activité. Or, contrairement à ce qui pu être dit, jamais la direction Drouot n’a eu connaissance des vols qui avaient été commis. D’autre part, elle n’était pas l’employeur des cols rouges, ceux-ci étant membres de l’UCHV. »

Reste le rôle des commissaires-priseurs. Pouvaient-ils ignorer que les objets qu’ils vendaient avaient été dérobés ? Quatre d’entre eux n’ont-ils pas été mis en examen ? Pour Karim Beylouni, « ils représentent une minorité, ils sont quatre sur une centaine organisant des ventes à Drouot. Le tribunal devra déterminer s’ils ont agi sciemment, s’ils sont complices ou si au contraire ils ont agi par négligence. Quoi qu’il en soit, il est évident que ce n’était pas de leur intérêt d’agir frauduleusement. »

La concurrence en profite

Ce qui certain en tout cas , c’est que dans cette affaire, Drouot a laissé des plumes. En 2013, le produit de ses ventes s’élevait à 407 millions d’euros. Pour 2014 et 2015, ce produit est tombé à 385 millions d’euros. Une glissade qui se produit au moment où ses principaux concurrents triomphent : en 2015, les ventes de Christie’s (maison de vente basée à Londres et propriété de François Pinault) a vu son chiffre d’affaires parisien progresser de 28% alors qu’Artcurial pouvait se targuer d’avoir doublé ses ventes en l’espace de 5 ans.

Les audiences du Tribunal correctionnel risquent en tout cas d’être agitées. Face aux parties civiles et à une vingtaine de plaignants, cols rouges et commissaires-priseurs devront répondre aux nombreuses questions qui continuent à agiter le milieu des ventes publiques. Les débats devraient durer 3 semaines et le verdict prononcé le 4 avril .

Bernard Géniès

Régis Debray : « Je découvre le monde de l’opéra, sa complexité, sa lourdeur »

A l’occasion du festival de mi-saison à l’Opéra de Lyon qui se déroulera du 15 mars au 3 avril, quatre œuvres seront jouées dont « Benjamin, dernière nuit », une création de Michel Tabachnik sur un livret de Régis Debray. Une première pour l’écrivain français.

Régis Debray (Baltel/SIPA)

Vous voilà librettiste, à présent.

– Régis Debray : Au départ j’avais fait une pièce de théâtre. J’aime beaucoup ça, j’ai fait des petites revues, des galéjades, des vaudevilles, du music-hall – alors que mon état civil de philosophe devrait m’obliger à faire des pièces à thèse. Cette pièce était en prose rythmée, un peu à la façon de Brecht, années 1930. J’imaginais un petit accompagnement musical : un violon, un pianola… Je l’ai montrée à Michel Tabachnik, qui l’a montrée à Serge Dorny, directeur de l’Opéra de Lyon. Et c’est devenu un opéra.

Pourquoi avoir choisi le philosophe allemand Walter Benjamin ?

– D’abord parce qu’en tant que médiologue je le considère un peu comme un parrain, et ensuite parce qu’étant à Portbou, en Espagne, pour voir où il avait choisi de mourir, le 26 septembre 1940, j’ai entendu un bruit de bogies, de train, et aussi de carillon. J’ai vu que se retrouvaient, de façon sonore, les deux visages de ce Janus de Benjamin : la technologie et la théologie, Brecht et Scholem, Moscou et Jérusalem. Mais ma pièce n’était pas mélodramatique, plutôt « Opéra de quat’sous » ! Il y avait des refrains, des chansons… De fil en aiguille, c’est devenu un livret, et une grosse production. Dorny a pris un risque terrible : Benjamin, ce n’est pas Carmen, et Tabachnik sortait péniblement de l’affaire du Temple solaire…

Votre pièce a-t-elle été charcutée ?

– Absolument pas. Ils n’ont rien touché. Ils ont seulement dédoublé le personnage de Benjamin : il y aura un acteur pour le « discursif », le logos, et un chanteur pour le melos, le « mélodique ». C’est enlevé, pas pompeux du tout. Je découvre le monde de l’opéra, sa complexité, sa lourdeur, je découvre à quel point il coûte cher. J’ai vu les magnifiques décors, sobres, élégants, le metteur en scène John Fulljames m’a bien plu. Mais je n’ai aucune compétence musicale. Je n’ai que l’œil, pas l’oreille. Et je décroche après Stravinsky.

Avec Tabachnik, vous allez être servi !

– Je lui ai demandé de faire quelque chose de pas trop contemporain. Il l’a fait ; il a joué sur plusieurs registres. Ce sont des petites scènes, des « anciens éclats de temps messianique » , comme dirait Benjamin, qui viennent se loger dans le présent. Donc une série de retours en arrière, la nuit de sa mort. Il est arrivé à Portbou, l’aubergiste l’a repéré comme suspect, il est sur son lit et revit des scènes passées : à Berlin, à Moscou, à Paris avec Gide, avec Hannah Arendt, Koestler, Brecht. L’homme des fragments revoit sa vie en fragments.

Arendt parle longuement de son invraisemblable malchance.

– Oh oui, elle est devenue quasi proverbiale. Il a tout raté, c’est l’homme de l’échec. Il n’a trouvé sa place nulle part. Arendt mise à part, il n’a eu que de faux amis. Les Parisiens l’ont snobé, les Russes l’ont rejeté, les Allemands l’ont expulsé, les Espagnols ne l’ont pas accueilli, et les Français l’ont fichu dans un camp. Et le hasard avec lui est toujours malencontreux : à vingt-quatre heures près, il pouvait passer, être sauvé. D’ailleurs, j’imagine qu’on vient le lui dire : demain vous pourrez passer. Mais il répond : c’est trop tard, je m’en fous, laissez-moi.

Quel rapport entre lui et vous ?

– J’ai eu plus de chance que lui, mais nous sommes l’un et l’autre entre la philosophie et la littérature, et nous sommes des réactionnaires progressistes, nous refusons à la fois d’être des « pionniers de la modernité » et d’être scrogneugneu. Comme Pasolini, Orwell, Pessoa, il a bousculé les catégories. Un marxiste qui a besoin des ressources de la théologie ! Qui a besoin du passé pour aller de l’avant ! Aussi bien ses amis cabalistes, genre Scholem, que les marxistes, genre Brecht, jugeaient qu’il tournait mal : trop porté sur le matérialisme pour les premiers, sur le religieux pour les seconds. Il était entre deux chaises, et il est tombé dans le vide.

Mais ses 19 thèses sur l’Histoire (1) annoncent parfaitement le monde d’aujourd’hui. Un multi-identitaire qui n’avait pas de papiers ! Personnage irrégulier, embarrassant. Un passant considérable, qu’il faut considérer, et ne pas laisser passer. Parce que, comme il le dit lui-même, les désespérés nous apprennent l’espoir.

Propos recueillis par Jacques Drillon

(1) « Sur le concept d’histoire », Payot.

« Benjamin, dernière nuit », par Régis Debray et Michel Tabachnik, à l’Opéra de Lyon, du 15 au 26 mars.

Maylis de Kerangal : «Les idées viennent du premier monde, celui des sensations, de l’expérience»

Ce n’est ni par obsession culinaire ni par passion pour Un dîner presque parfait que Maylis de Kerangal vient de publier au Seuil dans la collection «Raconter la vie» le portrait de Mauro, jeune cuisinier porté par l’énergie filante de l’ambition. En suivant de bistrot en restaurant étoilé ce chef atypique, l’auteure de Réparer les vivants, best-seller vendu à 300 000 exemplaires qui vient de lui valoir d’être sélectionnée pour le Man Booker International Prize 2016, sort de l’invisibilité le monde des cuisines fait d’exaltations mais aussi d’épuisement d’un autre âge. Entre fiction et documentaire, Maylis de Kerangal répond au but de la collection initiée par l’historien Pierre Rosanvallon : exposer les vies ordinaires afin de «remédier à la mal-représentation qui ronge le pays». Un enjeu démocratique doublé d’un questionnement théorique : comment restituer au plus près le réel ? Quelle place peuvent avoir les idées dans un récit de fiction ? Réponses de Maylis de Kerangal, qui revendique une écriture «totalement poreuse avec la texture du monde contemporain».

N’est-il pas délicat pour un écrivain d’écrire dans une collection qui sollicite chercheurs en sciences sociales et journalistes afin de rendre compte d’une France qui n’aurait pas la parole ?

Le principe même de la collection Raconter la vie laisse à l’écrivain la liberté d’intervenir car il permet de porter le regard vers les marges de la fiction. Cette commande d’un texte court, une centaine de feuillets environ, m’a donné l’occasion de me positionner à un carrefour d’écritures situées entre documentaire, enquête, reportage et fiction.

Qu’apporte la fiction dans cette chasse au réel ?

La fiction est pour moi un moyen d’accéder à des réalités qui ne sont pas celles de nos vies, celle de ma vie. C’est aussi un moyen d’accéder à des lieux ou des états auxquels le documentaire ne donne pas accès : des zones invisibles ou interdites, l’intériorité, la vie psychologique. Dans ce texte, je m’invente comme personnage de fiction : dans le livre, je suis l’amie de Mauro, qui partage de rares moments de loisir avec lui. Ce «je» fictionnel permet d’assumer le regard de la subjectivité, qui n’est pas celui du sociologue ou du reporter, et inscrit le texte dans une empathie. Dans ce récit, c’est ce «je» qui raconte la vie. Mais pour autant, tout comme l’écriture de reportage ou l’écriture documentaire, la fiction requiert d’être précise dans la restitution de ce monde du travail. Par ailleurs, le documentaire, lui, ne peut aller vers l’extrapolation langagière. Par exemple, dans ce livre, je ne m’en tiens pas à écrire que «Mauro est fatigué», le mot fatigue ne me suffit pas, la littérature, elle, me permet de décliner les différentes formes de cette fatigue, ses nuances.

Ce recours à la fiction est-il un moyen plus efficace de restituer le réel ?

C’est la grande question ! A la naissance du projet, je ne pensais pas écrire un récit de fiction, mais plutôt faire un reportage pour aller quérir du matériau brut parce que j’avais l’idée que nous sommes souvent en déficit de réel. Mais c’est le contraire : nous devons faire face à un trop-plein de réel. Aucune description, par exemple, ne peut contenir la totalité du réel. Le passage par la fiction permet d’en donner une lecture, d’en dégager une forme. C’est déjà quelque chose. Mais pour moi, l’enjeu de la fiction n’est absolument pas la restitution du réel, mais la captation de la vie : dans ce livre comme dans les précédents, la matière documentaire est au service de la fiction, toujours fondue en elle et colonisée par elle. La fiction, c’est alors le réel augmenté de l’expérience du langage, c’est le réel qui se perce de tunnels, de galeries, de passages, d’ouvertures par lesquels je m’engouffre, pour l’habiter. Elle devient ce lieu où le réel s’augmente d’une intériorité, où le présent se frotte à l’archaïque, où le contemporain se reconnecte à l’histoire.

En racontant la vie, adhérez-vous au projet politique de Pierre Rosanvallon de montrer la France des invisibles ?

Le monde de la cuisine est un espace scindé, avec une séparation étanche entre la salle et les fourneaux, matérialisée par cette porte battante. Entre la scène et les coulisses. Là, dans ce monde peu visible, même et a fortiori quand il est exhibé par les caméras de la télé-réalité, se tient un monde dur, parfois violent, mais où l’on trouve aussi, par un esprit familial, de la solidarité. Comme un travelling qui n’en finit pas, je me mets dans ce livre dans les pas de Mauro, je décris ce par quoi il est passé, son parcours professionnel. Mauro occupe tout le temps le champ. Le lecteur est tout le temps avec lui. Le texte lui donne les salaires, les heures de travail, lui décrit la dureté d’un métier qui exige une disponibilité totale, lui raconte comment, à 25 ans, Mauro tient seul un restaurant et assure 70 repas par jour midi et soir.

Pourquoi trouvez-vous des correspondances entre les métiers de cuisinier et d’écrivain ?

Dans ce livre, c’est vrai, le travail du cuisinier m’a fait penser au travail de l’écrivain. Longtemps, le cuisinier a été considéré comme d’autant plus génial, ou un artiste d’autant plus extraordinaire, qu’il arrivait à métamorphoser un produit. Aujourd’hui, par exemple, la vogue du fooding valorise au contraire le produit brut, restitué. Là est le talent du chef. Or, en tant qu’écrivain, où sommes-nous au plus près de la vérité ? Dans la métamorphose ou dans la restitution ?

De la Naissance d’un pont à ce livre, vous manifestez un fort intérêt pour le monde du travail. Pourquoi ?

Ce qui m’intéresse, c’est la dépense à l’œuvre dans le travail. Comment se déroulent les journées. Le travail regarde immédiatement vers le corps, même si on est assis toute la journée derrière un bureau. C’est encore, évidemment, une organisation humaine, un lieu de pouvoirs, où existent de la domination, de l’exploitation. Pour autant, j’envisage le travail comme pouvant être un accomplissement de soi. Ce qui m’intéresse, d’ailleurs, c’est la notion d’expérience : qu’est ce que l’expérience ? Comment s’incarne-t-elle ? Dans les gestes. Dans une capacité à faire face à des situations. Ou dans une forme de sédimentation, un rapport au temps.

Le travail est aussi une histoire de mots et d’expressions…

Les lexiques professionnels sont des continents de langage encore peu présents dans la littérature. Ils seraient purement utilitaires, rétifs à la sensibilité à la beauté. Insolubles dans le roman. Comme s’ils étaient en quelque sorte les bas morceaux du langage. Par exemple : en cuisine, blondir n’est pas roussir. Inscrire ce lexique dans un projet littéraire démine l’idée qu’il y aurait un seul lexique autorisé qui aurait droit de cité dans la littérature.

De Réparer les vivants à Un chemin de tables, il y a toujours ce regard sur les corps, notamment sur celui de l’adolescent, celui du jeune homme en mouvement…

Sans doute parce que ce corps est lié à la promesse. Il y a là une forme de disponibilité au futur et d’intensité à vivre. Dans Un chemin de tables, Mauro est sans cesse occupé à faire quelque chose. Il est sur son vélo, il nettoie une salle, épluche des légumes, tire un Caddy. Toujours proche de l’épuisement. Et l’épuisement, c’est la vie ! Car la vie est une forme de dépense de soi. Cette dépense peut tout aussi être intellectuelle et méditative. Mais pour moi, cette dépense est située dans le premier monde, celui des sensations, de l’expérience. C’est ça qui joue d’abord : ce matérialisme des sensations, ce monde physique, le froid, le chaud… Les idées viennent de là, elles n’existent pas d’avance. La vérité première est celle de l’expérience.

Quelle place pourraient avoir les idées dans un récit de fiction ?

La description se tiendrait toujours en-deçà des idées, car elle porterait le monde, se contenterait de la matérialité du réel. Mais il n’y a pas de livre si cela ne pense pas ! Les idées se dressent alors au cours de l’écriture, elles naissent dans ce regard qui décrit. Cette position est aussi pour moi une façon de me départir des discours, des discours comme prêt-à-penser, comme langage qui vitrifie le monde. Je me méfie des discours, pas des idées.

Décrire, est-ce suffisant pour porter un geste politique ?

Dans la période politique actuelle, sans doute qu’il ne suffit plus de décrire et qu’il faudrait réinvestir les discours. Coupler le geste descriptif à une animation des idées. Et mener, dans le même temps, un travail de précision et de définition. Plus personne ne sait vraiment ce qu’est le marxisme ou le libéralisme. Il y a besoin d’un travail d’éclaircissement et de sens.

Comment analysez-vous les discours politiques ?

Cela fait très longtemps que je n’ai pas été touchée par une parole politique. La langue des politiques peine à trouver une sève, les mots sont usés jusqu’à la corde : les politiques s’expriment, parlent par slogan. Cela m’évoque une langue morte. L’urgence serait de sortir de ces langages inaptes à restituer les expériences. Redonner du corps à la parole, ce serait ça, une des urgences politiques.

Cécile Daumas

Syrie : YouTube, témoin et mémoire de la guerre

Ils ont filmé la guerre en douleur

«J’ai eu le sentiment d’exister», murmure Sana Yazigi. La Syrienne de 45 ans repose délicatement sa tasse pour dessiner de plus grands gestes qui font trembler les petits anneaux dorés qu’elle porte à ses oreilles. «On dansait, on chantait, on sautait. Ce jour-là, ma voix est sortie sans que je m’en rende compte, je n’avais plus peur.» En 2011, Sana est allée manifester «pour sentir le goût de la liberté». Comme des centaines, puis des milliers de Syriens. Assise à la terrasse d’un café du quartier de Hamra, à Beyrouth, où elle vit depuis juin 2012, elle raconte le besoin qu’a eu son peuple, dès les premiers jours, de filmer cette révolution naissante, après quarante ans d’humiliation.

Cinq ans plus tard, ce flot d’images a rendu le conflit peu lisible. D’abord des souvenirs, puis des instruments de contestation, ces vidéos sont aussi devenues des éléments de preuves ou des outils de propagande. Leur exploitation et leur préservation sont aujourd’hui des enjeux majeurs pour permettre ensuite au peuple syrien de construire la mémoire de sa révolution.

QUAND FILMER DEVIENT UN ACTE DE PROTESTATION

Dès février 2011, des rassemblements commencent à avoir lieu, mais c’est à partir du 15 mars 2011, à Damas, que la prise de parole explose réellement. Les Syriens descendent ensuite dans la rue et exigent «dignité» et «liberté». Si les premiers soulèvements populaires sont passés sous silence par les médias officiels, les manifestants sont plus nombreux chaque semaine à brandir leurs téléphones. «Les gens filment alors que d’autres [les journalistes professionnels, ndlr] filment déjà, c’est donc qu’ils ont besoin d’une trace, de leurs propres images de ce qui a lieu», analyse Ulrike Riboni, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université Paris-VIII. Khaled al-Essa, au fort accent de la province d’Idlib, est de ceux-là. Sa première vidéo, il l’a faite le 1er avril 2011, à Kafranbel, dans le nord-ouest de la Syrie : «J’ai filmé, mais pas comme un journaliste. Je voulais juste garder un souvenir à montrer aux copains et à la famille.» Il a un sourire doux et timide, une présence presque en retrait dans cet hôtel de l’ouest d’Istanbul, en cette nuit de novembre 2015. Son ami et activiste Hadi al-Abdallah, 28 ans, de deux ans son aîné, donne une conférence le lendemain. Il est venu l’épauler.

«Le flou, la pixellisation, le mouvement»

En avril 2011, Khaled n’a pas encore de compte Facebook ni YouTube. Le régime n’a autorisé leur accès que deux mois plus tôt pour mieux contrôler les citoyens. Certains militants utilisent tout de même les réseaux sociaux pour organiser des manifestations chaque vendredi. On ne sait pas encore s’il faut réellement parler de révolution, et ces mouvements pacifiques sont critiqués par un grand nombre de Syriens. Mais le 8 avril, «vendredi de la fermeté», les manifestations gagnent la majorité des villes et villages du pays, à l’exception de Damas et d’Alep.

Les vidéos de ces vendredis se multiplient et se ressemblent. «Quand on a vu une de ces vidéos, on a l’impression de les avoir toutes vues car il y a une esthétique spécifique à l’image – dite d’amateur –, avec un certain nombre de motifs : le flou, la pixellisation, le mouvement. Pourtant, chacune d’elle est unique et peut raconter bien plus que ce qu’il paraît», explique Ulrike Riboni, qui est en train de terminer un travail de recherche sur les usages de la vidéo dans le processus révolutionnaire tunisien. «Ces vidéos documentent des manières d’être dans l’événement et de le donner à voir», complète sa collègue Cécile Boëx, politologue et spécialiste de l’image, maîtresse de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Filmer devient également un acte de protestation. Le régime instaure des barrages et interdit les manifestations. Les Syriens se retrouvent alors chez un ami, chantent, se filment et diffusent leur prestation sur les réseaux sociaux, comme un pied de nez à Bachar al-Assad. «Une culture protestataire s’invente et se renouvelle par le biais de la vidéo», explique Cécile Boëx.

Les prises de vues s’orientent ensuite vers la production d’informations sur l’événement et les images sont de moins en moins spontanées. Au contraire, les actions protestataires sont mises en scène dans un but de sensibilisation. Chorégraphies, fresques humaines : l’euphorie révolutionnaire libère une énergie artistique jusque-là cachée. Chaque localité développe sa propre identité protestataire. Kafranbel, le village de Khaled, se fait connaître par ses banderoles satiriques et ses caricatures. «Les manifestants regardent ce qui se fait ailleurs, se réapproprient des répertoires et empruntent les codes», commente Cécile Boëx.

«ON S’EST MIS À FAIRE DU DIRECT»

Hama est dans toutes les mémoires. En février 1982, entre 15 000 et 30 000 Syriens ont été massacrés par Hafez al-Assad dans cette ville de l’ouest de la Syrie. A huis clos et sans images. Trente ans plus tard, les Syriens refusent qu’une telle chose se reproduise. Alors il faut tout montrer, tout dire, que le monde sache. Des groupes comme «Smart» aident à diffuser l’information des tansiqiyât, les comités de coordination qui organisent localement la contestation. Créé par Chamsy Sarkis, un Syrien dont les parents ont fui le régime de Hafez al-Assad en 1971, Smart achemine, dès avril 2011, du matériel vidéo et satellitaire. «Fin avril 2011, on en avait marre d’entendre les chaînes de télévision du monde entier dire qu’il fallait prendre des précautions avec l’authenticité des images venant de Syrie, alors on s’est mis à faire du direct en collaboration avec le réseau Shaam News», raconte le fondateur. Un bureau spécial est même créé à Homs. «On pensait que le régime n’oserait jamais tirer en direct à la télévision. On avait tort.»

A mesure que la répression s’intensifie, les images basculent dans l’horreur. Mais la révolution est trop jeune, mal organisée, les vidéos maladroites. Certains activistes mentent et gonflent le nombre de martyrs. D’autres sont donnés pour morts mais réapparaissent sur les écrans. Et si on entend les tirs, impossible de savoir d’où ils viennent. Bachar al-Assad en profite pour mettre en doute l’authenticité des vidéos et créer l’incertitude. Il parle de «terroristes», d’«infiltrés», de «complot médiatique».

«Une révolution journalistique»

L’armée a elle aussi recours à l’utilisation de vidéos. Les officiers du régime qui font défection se filment pour acter leur départ et, le 29 juillet 2011, une vidéo annonce le lancement de l’Armée syrienne libre (ASL) par le colonel Riad al-Assad peu après sa défection, créée à partir d’unités de soldats pour protéger les manifestants et sécuriser les périmètres des manifestations. Mais lors du mois de ramadan, à l’été 2011, les pertes humaines sont très lourdes dans les villes, àHama et à Deir el-Zor en particulier. On parle de 2 000 morts en cinq mois et demi mais, en août, les comités locaux de coordination rejettent les appels aux armes de certains Syriens.

Le régime fait tout ce qu’il peut pour entraîner le pays dans l’affrontement communautaire. La révolution sombre finalement dans le conflit armé. On filme pour rendre hommage à un martyr, pour recruter ou pour témoigner des avancées militaires et de la barbarie de l’ennemi. «Chacun y allait de sa vidéo. Les milices salafistes, par exemple, balançaient un obus en criant “Allah akbar” et espéraient qu’un cheikh d’Arabie Saoudite ou du Qatar les finance, s’emporte Chamsy Sarkis. Au début, Smart s’était mis d’accord pour ne travailler que sur la révolution pacifique, et pas sur le militaire. En 2012, on est revenus là-dessus, on ne pouvait pas laisser les militaires être leurs propres médias.» En août 2013, Smart se transforme en agence de presse et devient Smart News Media.

Au fil des mois, les images deviennent aussi de plus en plus «professionnelles» pour répondre à la demande des médias traditionnels. «Les Syriens ont très vite compris qu’en se professionnalisant, les médias auraient plus d’impact. La révolution syrienne a surtout été une révolution journalistique. Les activistes disposaient auparavant des téléphones de piètre qualité, ils ont aujourd’hui du matériel et des équipements professionnels», explique Joe Galvin, chef du service Europe de Storyful, une agence de presse d’une vingtaine de personnes créée en 2011 et dont le siège est basé en Irlande. Des centres médiatiques se créent,comme l’AMC (Aleppo Media Centre) à Alep, à l’été 2012, lorsque l’Armée libre s’empare de la moitié de la ville. Zein al-Rifai le rejoint et obtient une caméra. «Des journalistes étrangers qui passaient par l’AMC nous ont appris à nous en servir et à faire des reportages. A partir de janvier 2014, j’ai commencé à collaborer avec l’AFP.» Blessé aux deux jambes, Zein est joint par Skype. Il est dans la ville turque de Gaziantep, près de la frontière syrienne, où il se fait soigner depuis août 2015 : «En attendant de revenir enfin en Syrie.»

Mais la division territoriale complique le travail des journalistes. Mezar Matar, du collectif Al-Sheria («la rue»), raconte sur Skype depuis la Turquie également que «les différents groupes [le régime, les Kurdes, Jabhat al-Nosra, Daech et certains groupes de l’Armée syrienne libre imposent toujours plus de règles et d’autorisations pour contrôler toute l’information». Dans les régions aux mains de l’Etat islamique, ceux qui osent parler sont assassinés. Le 30 octobre 2015, Ibrahim Abdel-Qader, âgé d’à peine 20 ans, et Farès Hamadi, du collectif Raqqa est massacré en silence, sont décapités à Urfa, en Turquie – ce groupe raconte la vie dans la capitale du califat autoproclamé de l’organisation Etat islamique et publie témoignages, photos et vidéos. Deux mois plus tard, un autre assassinat est attribué à l’organisation Etat islamique, celui du journaliste et activiste syrien Naji al-Jarf, tué d’une balle dans la tête en plein Gaziantep. Il venait d’obtenir un visa pour se rendre en France avec son épouse et leurs deux filles. En janvier 2016, Hadi al-Abdallah et son collègue Raed Farès ont été détenus une journée par le Front al-Nusra et leur matériel a été confisqué.

Vidéos et propagande«Les médias occidentaux ne parlent bien souvent que des vidéos de décapitations, mais elles ne sont pas la majorité de la production de l’EI, explique le spécialiste Romain Caillet. A grand recours de mises en scène, les vidéos portent la plupart du temps sur la vie quotidienne du califat à des fins de propagande et de recrutement, mais elles sont signalées et supprimées en quelques minutes sur les canaux comme YouTube.» L’EI a publié plus de 845 vidéos entre janvier 2014 et septembre 2015.

Lire aussi notre décryptage sur la propagande de l’Etat islamique.

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