Les diesel dans le gaz

Tous les grands constructeurs automobiles vendent des voitures diesels plus polluantes qu’il n’y paraît. C’est ce qu’affirme un rapport sur la pollution atmosphérique en Europe publié jeudi par la Fédération européenne pour les transports et l’environnement (Transport & Environment) qui regroupe cinquante ONG et associations favorables aux transports «durables» en Europe – dont le Réseau Action Climat (Rac) et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), basés en France.

Les voitures et camionnettes roulant au diesel seraient en moyenne cinq fois plus polluantes que ce à quoi les règles européennes les y autorisent, selon le rapport, qui compile plusieurs études menées sur des véhicules dans des conditions réelles de trafic. «Le pire d’entre eux, de la marque Audi, affichait des émissions 22 fois supérieures à la limite autorisée par l’Union européenne», assure Transport & environment.

Un véhicule conforme sur dix

Au total, seul un véhicule sur dix serait conforme à la nouvelle norme Euro 6 entrée en vigueur le 1er septembre. Connue depuis 2007, celle-ci oblige notamment les constructeurs à «prouver que tous les véhicules neufs vendus, immatriculés ou mis en service sont conformes aux normes en matière d’émissions fixées dans le règlement». A savoir : 5 mg/km pour les particules et 60 mg/km pour les oxydes d’azote.

Les voitures à essence, réputées moins polluantes pour ce qui est des particules fines, sont également montrées du doigt dans ce rapport : une sur cinq ne respecterait pas la norme Euro 6.

En bleu ce que les véhicules sont censés émettre, en noir ce qu'ils rejetteraient réellement, selon Transport & environment.

Ces résultats sont d’autant plus préoccupants que le trafic routier est aujourd’hui le principal responsable de la pollution atmosphérique, «qui coûte des dizaines de milliers de vies et plus de 100 milliards d’euros en France chaque année», selon le Réseau Action Climat. En Ile-de-France, il pèse pour 56% des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et 28% des rejets de particules (PM10), d’après Airparif, l’association locale de surveillance de la qualité de l’air.

Un système d’homologation «inefficace»

Si les constructeurs vendent des voitures qui ne sont pas dans les clous, c’est d’abord parce que le système d’homologation est «inefficace», estime Transport & Environment. Le cycle de test mené en laboratoire pour vérifier la conformité des véhicules à la norme – 11 km à 34 km/h de moyenne – «n’a pas été pensé pour refléter la conduite réelle mais […] pour faciliter sa répétition exacte», afin de ne pas trop varier d’un véhicule à un autre, déplorent les auteurs du rapport. Qui dénoncent aussi la frilosité des grands constructeurs à installer des filtres efficaces (qui existent déjà) au profit d’équivalents low-cost. «Tout le monde sait que ce cycle d’homologation ne reflète pas la conduite en conditions réelles», reconnaît un porte-parole de PSA. Mais le constructeur français se dit prêt à soumettre ses véhicules à des tests «plus fidèles quand ils entreront en vigueur au niveau européen».

«Il incombe aux décideurs européens, dont fait partie la France, de résister aux pressions des lobbies automobiles pour s’assurer du respect des normes avec la mise en place du nouveau test en conditions réelles avant 2018 et sans échappatoires», réclamait lundi le Réseau Action Climat sur la base de l’étude. Sollicités en fin de matinée, plusieurs constructeurs, dont Audi, n’avaient pas encore donné suite en début d’après-midi. Du côté de PSA, on assurait que tous les véhicules de la marque sont «conformes» à la réglementation, alors qu’un modèle Citroën est pointé du doigt par l’étude de la Fédération européenne pour les transports et l’environnement.

Gabriel Siméon

«De la fosse, je me fais l’avocat de Mozart»

Cette semaine de postrentrée, Jérémie Rhorer décrypte le sens de l’Enlèvement au sérail, l’Académie de l’Opéra de Paris est officiellement lancée, la directrice du département musique nous parle des 2 millions de partitions de la BNF et le Quatuor Artemis exhume deux quatuors de Brahms, avant une surprise.

L’empire du sens : «l’Enlèvement au sérail» avec Jérémie Rhorer

On avait laissé le chef d’orchestre Jérémie Rhorer sur la scène du théâtre de l’Archevêché après la première de l’Enlèvement au sérail, le 2 juillet à Aix-en-Provence. Heureux d’avoir mené à bien son entreprise, il saluait avec vigueur alors que la salle tétanisée, sous le choc de la mise en scène de Martin Kusej, applaudissait à cadence lente ou sifflait : «Débâcle intellectuelle», «cliché». Chez Mozart, les quatre Occidentaux sont libérés, fruit de la mansuétude du pacha ; dans cette mise en scène, ils sont libérés, puis assassinés en coulisse par des islamistes. Au moment des saluts, l’oasis d’énergie entretenue par Rhorer au milieu d’un désert houleux en forme de catastrophe scénique nous avait émus.

Le 21 septembre, Jérémie Rhorer dirigera au Théâtre des Champs-Elysées une version de concert de l’Enlèvement au sérail, avec les mêmes interprètes et sans mise en scène. Nous lui avons donc demandé pour l’occasion de revenir sur ce projet controversé et mal accueilli, mené en collaboration avec l’Autrichien Martin Kusej.

Jérémie Rhorer dirigeant Don Giovanni au Théâtre des Champs-Elysée en 2013. (Photo Yannick Coupannec)

Le soir de la première, vous étiez content alors que la salle sifflait la mise en scène…

Oui, ça montre bien que, même en façade, il n’y avait pas de collaboration avec Martin Kusej. Je conçois l’œuvre de Mozart comme un projet intellectuel et humaniste. C’est un objet façonné dans la voie de l’humanisme, avec un message extravagant pour l’époque : le pardon n’est pas l’apanage des civilisations occidentales. Moi, de la fosse, je me fais l’avocat de la valeur de ce propos. C’est là que nous différons avec Martin Kusej.

Qui, lui, a transposé la suite du pacha en une bande d’islamistes…

Oui, mais Kusej n’allait pas tout le temps à l’encontre de ce que disait Mozart. Quand il transforme Osmin, le gardien du sérail, en islamiste, pourquoi pas ? Osmin est un personnage bouffon, mais par convention. Au fond, il est très ambigu. A la limite, le radicaliser ainsi peut même aller dans le sens de Mozart. En revanche, la dernière image de sa mise en scène [Osmin brandit les vêtements ensanglantés des protagonistes tués en coulisse, ndlr] dénature le propos de Mozart.

Mais pourquoi ? Justement, Osmin est ambigu, et les violons montrent qu’il y a une tension. Il peut très bien tuer tous les Occidentaux, c’est tordu mais acceptable…

Je pense que le message de Mozart est différent. Sur ce dernier air, justement, le livret pose que rien n’est plus haïssable que la vengeance. Il y a des accents sur hässlich, laid, et Rache, vengeance. C’est clair, c’est ce que Mozart veut dire, il ne veut pas au contraire montrer la haine. Durant les réunions préparatoires, j’avais dit à Martin Kusej : «Je peux te suivre jusqu’à un certain point, mais pas dans cette interprétation finale.» En plus, on ne sait pas vraiment si le pacha [une figure du pardon pour Mozart, ndlr], est d’accord ou pas avec ce que vient de faire Osmin.

Tout est dans les forte. Photo Gallica. BNF

Et alors ?

En réunion, Kusej disait qu’il changerait des choses pour la première.

Vous n’avez pas l’impression d’avoir été instrumentalisé ?

Complètement. Kusej est un personnage intéressant, et sur l’Enlèvement… son travail comporte des points de force, comme l’enfermement dans le désert, mais il n’a absolument pas respecté les solutions communes. Il n’a pas beaucoup de considération pour ses collaborateurs. Il appréciait par exemple mon travail au premier degré sur la direction, mais refusait que je donne mon interprétation de l’œuvre. Alors que, de mon côté, je refuse que la mise en scène s’arroge le monopole du sens. Le manque de considération de la partie musicale est un des symptômes inquiétants de l’opéra d’aujourd’hui, hérité du «Regietheater» [liberté de transposition accordée à la mise en scène, ndlr]. En France, les metteurs en scène sont tout de même plus respectueux de la musique.

Comment faites-vous ensuite pour tenir six dates avec ce hiatus artistique ?

C’est difficile, il faut porter un spectacle avec une mise en scène sur laquelle vous êtes en désaccord. Alors que le metteur en scène, lui, est absent. Ensuite nous l’avons tourné en version demi-scénique, en Allemagne notamment. Et nous le jouons lundi prochain au Théâtre des Champs-Elysées.

L’Enlèvement au sérail de Wolfgang Amadeus Mozart, en version concert au Théâtre des Champs-Elysées le 21 septembre.

Opéra de Paris: l’Académie des 9 musiciens

Jeudi 10 septembre, dans son bureau en demi-cercle de l’Opéra Bastille à la vue imprenable, Stéphane Lissner, son directeur, organisait une conférence de presse pour lancer l’Académie de l’Opéra de Paris. Du moins son extension, car le principe existe déjà, avec l’Atelier lyrique, mais n’était jusque-là cantonné qu’au chant.

Une Académie, pourquoi faire ?

«La transmission est une mission de service public», explique Stéphane Lissner. Le but du projet est d’accompagner des artistes sur le chemin de la professionnalisation. La formation est reconnue par l’Afdas (Assurance formation des activités du spectacle) et les élèves bénéficient d’un contrat rémunéré. Lissner n’en est pas à son coup d’essai : il a déjà monté de telles structures pour le festival d’Aix-en-Provence et à la Scala de Milan. L’Académie coûtera 3,5 millions d’euros, financée pour l’instant à hauteur de 2 millions par le mécénat. Philippe Jordan, le directeur de la musique, regard clair et arcades sombres, en vieilles baskets, passé en coup de vent dans le bureau avant des répètes à la Philharmonie  – il y présente le 16 un programme Mahler-Schönberg (le musicien phare de la programmation 2015-2016) –, explique : «Nous avions l’idée depuis cinq ans avec les musiciens de monter une académie. Et, évidemment, Stéphane Lissner en a fait un projet plus vaste.»

Quels champs couvrira-t-elle ?

Plus vaste. Cela signifie qu’à l’Atelier lyrique seront adjointes des formations pour musiciens, chorégraphes et metteurs en scène, qui aboutiront ensuite à un travail sur des productions. La sélection, drastique, privilégie les profils déjà mûrs : l’Académie pouvait accueillir 12 musiciens, au terme de plus de 350 auditions, elle n’en a sélectionné que 9. Il y aura donc pour cette première année 11 chanteurs, 4 chefs de chant, 1 metteur en scène, 9 musiciens et 4 chorégraphes qui, pour l’instant, ont été recrutés parmi les danseurs du ballet de l’Opéra, mais dont la filière de sélection s’ouvrira à l’extérieur la saison prochaine. Tout cela avant d’élargir encore l’éventail pédagogique de l’Académie, les saisons suivantes, aux métiers d’art – la perruquerie a été prise en exemple.

Quelles retombées pour l’Opéra ?

Cette Académie produira des musiciens qui interviendront dans l’orchestre, comme des musiciens supplémentaires. Par exemple, l’opéra pour enfants Vol retour, de la compositrice Joanna Lee, mis en scène par la Britannique Katie Mitchell, verra en décembre les musiciens en résidence à l’Académie intégrés à l’orchestre et sera interprété par des chanteurs de l’Atelier lyrique – tout comme Orfeo de Monteverdi en mai 2016. Cette initiative s’inscrit aussi dans des démarches destinées aux jeunes, existantes ou sur le point d’être mises sur pied, comme Dix Mois d’école et d’opéra, les Petits Violons ou la sensibilisation à la musique des élèves décrocheurs de Sarcelles.

BNF : «Chaque partition a une histoire»

C’était la grande nouvelle de la semaine dernière : la découverte des partitions du Chant funèbre, œuvre de Stravinsky d’une douzaine de minutes composée en 1908 à la mémoire de Rimsky-Korsakov, dont Stravinsky avait été l’élève, puis considérée comme disparue, y compris par son auteur, peut-être détruite, et retrouvée par hasard par une bibliothécaire, Natalia Braguinskaïa, lors d’un déménagement au conservatoire de Saint-Pétersbourg.

Une histoire qui tient du conte de fées. «Oui, mais encore faut-il une fée, explique Elizabeth Giuliani, directrice du département musique de la Bibliothèque nationale de France, que nous avons interrogée pour l’occasion. On peut retrouver dans les archives des écoles, des conservatoires ou encore des orchestres, les partitions des jeunes années. Mais il faut savoir reconnaître l’écriture et l’évolution du compositeur. Il faut une fée.» Continuons avec Elizabeth Giuliani sur le fonds de la BNF et ses trésors, passés ou à venir.

Combien avez-vous de partitions ?

Plus de 2 millions. Dont 80 000 manuscrites, et 30 000 manuscrites autographes, c’est-à-dire écrites de la main de l’artiste. C’est l’un des fonds les plus riches avec ceux de Munich, Berlin et Londres.

Pour combien de titres ?

Il n’y a pas de doublons concernant les manuscrits : tous ont des différences. Jusqu’au début du XIXsiècle, par exemple, les amateurs s’adressaient à des copistes professionnels pour des transpositions, des simplifications, des adaptations… chacune a sa particularité.

Le répertoire français est-il plus important dans votre collection ?

Il est important, mais il ne se résume pas à cela. Nous avons une collection autographe de Beethoven – il y a beaucoup d’études, mais nous avons par exemple la sonate Appassionata, qui nous a été donnée par une pianiste au XIX–, ou encore de Schumann. Nous avons la partition autographe de Don Giovanni, qui avait été achetée par la cantatrice Pauline Vierdot au gendre de l’éditeur Johann André, qui l’avait lui-même achetée à Constance Mozart à la mort de ce dernier. Pauline Vierdot en avait fait don au Conservatoire, dont nous avons récupéré le fonds en 1935. Chaque partition a une histoire. Une partie de ces partitions a été numérisée et est disponible sur le site Gallica.

La partition autographe de Don Giovanni. Photo Gallica. BNF

Combien de partitions faites-vous rentrer par an ?

Entre 1 000 et 1 200 par le dépôt légal. Environ 500, selon le budget, par l’achat d’éditions musicales étrangères. Et assez peu, une dizaine, d’acquisitions patrimoniales. Lorsque cela dépasse un certain montant [de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros, ndlr], il faut l’aval du directeur de collection, mais aussi l’autorisation de la BNF et de son président, après consultation d’une commission des acquisitions exceptionnelles. Il y a aussi la possibilité de passer par le ministère de la Culture, dans le cadre d’un classement «trésor national», c’est-à-dire une œuvre, même étrangère, qui porte sur un point de la culture française. Ces temps-ci, par exemple, nous faisons une recherche de mécénat pour l’acquisition d’une réduction piano-voix des Troyens de Berlioz.

Nous avons aussi beaucoup de dons, des compositeurs ou des ayants droit. Le but étant qu’ainsi les documents restent disponibles pour les chercheurs.

Qui consulte ces partitions ?

Des musicologues, des chercheurs, mais aussi des interprètes. Notamment avec la redécouverte du baroque, dans un souci de reconstitution des interprétations, il y a eu toute une vague. Encore aujourd’hui par exemple, Sébastien Daucé est venu se documenter pour son Ballet royal de la nuit. Et puis il y a les grands amateurs, qui cherchent souvent des versions différentes des œuvres, des réductions.

Vous trouvez-vous souvent face à des faux ?

Oui, il y a des faux, mais il y a longtemps qu’on n’en a pas vus. Nous avons beaucoup de critères, les faux sont rares. Le marché des partitions est moins important que celui des textes littéraires.

Avez-vous eu une bonne surprise à la façon de la redécouverte de Stravinsky ?

Oui, mais plus modeste et plus récente. Par exemple, nous accueillons les archives Messiaen-Loriod, et nous y avons trouvé une partition autographe de Pierre Boulez, annotée de sa main et de celle d’Yvonne Loriod. Dans les archives du conservatoire, parmi les copies d’examen, nous avons aussi trouvé une partition autographe d’une cantate de Bizet composé pour le prix de Rome, David. Et qui a été jouée en 2009. A propos de Bizet, d’ailleurs, il existe une partition réputée perdue, celle des Pêcheurs de perles.

Le disque : les quatuors 1 et 3 de Brahms par le Quatuor Artemis

A la question bête : dans le corps de quel compositeur mort aimeriez-vous être réincarné ? le chef Jérémie Rhorer a lâché : «Brahms.» Vie compliquée. «Oui, mais quelle inventivité !» On pourra une nouvelle fois s’en rendre compte, au large des œuvres symphoniques, en se penchant sur sa musique de chambre, et par exemple ces 1er et 3quatuors du Hambourgeois enregistrés par le Quatuor Artemis, et qui sortent le 18 septembre chez Erato.

Quatuor Artemis (gauche à droite) : Eckart Runge, Gregor Sigl, Vineta Sareika et Friedemann Weigle. (Photo DR)

«Ce n’est pas difficile de composer, ce qui est incroyablement difficile, c’est de faire tomber sous la table toutes les notes inutiles», écrivait Brahms au dédicataire du quatuor numéro 1, écrit sur une période de huit ans, et décrit comme accouché «au forceps». Schumann, vingt ans avant la publication de cette première œuvre, parlait déjà de quatuor à cordes écrits par Brahms, et l’on évoque une vingtaine de partitions détruites par Brahms (et ne cherchez pas, il n’y a aucune partition autographe de Brahms disponible sur Gallica).

L’enregistrement boisé et brillant, équilibré et à bonne distance, voit les instrumentistes d’Artemis se répartir les pans et laisser libre le centre de l’écoute où résonnent parfois les pizzi de la contrebasse et où débordent des coulées impromptues de descentes à l’unisson. L’ensemble dégouline et frappe d’un même allant, «progressiste dans un domaine [de la musique de chambre] alors en friche», écrivait Arnold Schönberg. Inventif, donc. Et on n’ose pas imaginer ce qu’il y a «sous la table».

Brahms, String Quartets Numéro 1 & 3, Artemis Quartet (Erato). Sortie le 18.

Le Quatuor Artemis sera en concert le 30 septembre à Anvers (De Singel).

Coda bonus : la fosse du TCE

En 1928, Strawinsky s’écriwait awec un w. (Photo DR)

En 2010, des travaux ont été réalisés dans la fosse d’orchestre du Théâtre des Champs-Elysées. Pourquoi ?

1. Parce qu’elle avait disparu. Dans un souci de rentabilité, les directeurs successifs avaient d’année en année rogné l’espace de la fosse et rajouté des premiers rangs aux premiers rangs. La supercherie a été découverte quand il n’est plus resté, en 2009, que la place du chef d’orchestre entre les chanteurs et les spectateurs.

2. Parce qu’elle n’avait jamais existé. Le Théâtre des Champs-Elysées est la seule institution du monde qui éparpille ses musiciens dans la salle selon un système de spatialisation mis en place en 1913 par Stravinsky avant la présentation du Sacre du printemps : l’immanophonie.

3. Parce qu’il n’y avait pas d’eau. Or, la Convention internationale des musiciens de scène signée en mars 1936 oblige les salles de spectacle à fournir de l’eau courante à l’orchestre pendant les représentations, notamment pour prévenir les départs d’incendie.

4. Parce qu’elle était rongée. En l’espace de cent ans, la fosse était progressivement passée de 100 à 60 musiciens, l’espace s’étant transformé en volume de stockage, notamment pour un système hydraulique encombrant empilant des cadres métalliques sous la scène.

Réponse : 4 (toutes les autres sont fausses, évidemment). Elle peut donc à nouveau accueillir 92 musiciens, comme lors de la création du Sacre du printemps le 29 mai 1913.

Guillaume Tion

PHOTOS. Les héros de « Star Wars » sont timbrés

Nous savons, grâce à Maître Yoda, que la Force est partout : dans les arbres, dans la roche, dans l’air… Eh bien désormais, elle sera même présente sur les enveloppes postales britanniques, puisque le « Royal Mail » a fait imprimer 18 timbres inspirés de « Star Wars » en l’honneur du prochain épisode de la saga, « L’Éveil de la Force ». Ces œuvres philatéliques, commandables en ligne, seront disponibles à partir du 20 octobre. À tout seigneur (Sith), tout honneur : voici le timbre de Dark Vador.

(Royal Mail)

Forum citoyen au Gabon

L’Afrique fut le berceau d l’humanité. Est-elle désormais son avenir ? Dans trois décennies, les Africains formeront un quart de la population mondiale. Depuis dix ans, le taux de croissance du continent, au nord comme au sud, est nettement supérieur à celui de l’économie de la planète. Un remarquable effort d’éducation lui a permis de rattraper progressivement dans ce domaine les autres régions du globe. Héritière d’une riche histoire où se sont succédé les grands empires et les royaumes puissants, elle est sortie peu à peu des confrontations coloniales et post-coloniales, maîtrisant, malgré les convulsions, son indépendance chèrement acquise. L’abondance d’une main d’œuvre formée et l’émergence d’une classe moyenne industrieuse, conjuguées avec l’immensité de ses ressources naturelles, lui ouvrent les portes du 21ème siècle. Ouverte sur le monde, dotée d’une jeunesse ambitieuse, progressant vers la stabilité et la modernité, elle est maintenant la terre de l’espoir.

Depuis 2007, Libération organise dans les villes de France des grands forums citoyens destinés à débattre des affaires publiques. Ces forums sont ouverts, libres et gratuits. Ils rencontrent partout un grand succès parce qu’il permettent à tous les citoyens intéressés d’écouter et d’interpeller les responsables de tous bords, les experts, les intellectuels ou les journalistes. Notre journal a décidé d’étendre ces débats d’idées à l’étranger en commençant par le continent africain, en raison des enjeux décisifs qui le traversent. Ces forums africains obéiront aux mêmes règles, qui sont réunies dans la charte qui gouvernent depuis l’origine cette activité civique. Comme toujours, nous travaillons avec des partenaires engagés dans le combat démocratique. Les deux premières réunion auront lieu à Fes, au Maroc et à Libreville au Gabon, en coopération avec Reporters Sans Frontières, Transparency International, la Banque Mondiale, l’OCDE et le réseau des Défenseurs des droits de l’Homme en Afrique centrale. La liste des participants, qui mêle responsables et militants locaux de tous les horizons, représentant la société civile autant que le monde politique, et les experts africains ou internationaux spécialisés dans les questions qui concernent l’Afrique comme les pays du nord : développement économique, progrès social, avenir de la jeunesse, combat pour l’environnement, lutte pour le pluralisme et les droits humains. Les tribunes des intervenants sont d’ores et déjà disponibles sur notre site ; les discussions seront couvertes en direct par notre rédaction et par une équipe d’étudiants en journalisme issus les écoles et des universités africaines. Ces forums sont ouverts à tous et l’inscription s’effectue sur le site Liberation.fr. Le débat est ouvert.

Laurent Joffrin

Les enjeux climatiques, une opportunité pour une croissance verte en Afrique

Les pays Africains sont parmi les moins responsables du dérèglement climatique mais aussi parmi les plus vulnérables et les moins bien équipés pour faire face à ces dérèglements, en particulier dans le domaine agricole. A ce titre ils sont les plus légitimes pour défendre les intérêts des pays en développement dans les négociations climatiques à venir à Paris en décembre 2015. 

L’esprit de la compensation carbone à l’origine était la solidarité entre les pays riches et pauvres pour faire face à la crise climatique. Mais cet esprit a été oublié au profit du développement d’un marché des crédits carbone, centré surtout sur les bénéfices environnementaux, et financiers. Perdant ainsi dans de nombreux cas, l’essence même de ce mécanisme de développement. 

Les négociations du Climat à Paris (COP21) seront un moment clé pour défendre à nouveau cette vision solidaire, et mobiliser des fonds pour investir dans des projets climatiques créateurs de valeurs multiples. Dans le domaine agricole, l’agroforesterie par exemple, qui consiste à planter des arbres au sein et autour des cultures agricoles, est un excellent outil, tant pour compenser une empreinte Co2, qu’aider à l’adaptation aux dérèglements climatiques, les arbres protégeant les cultures. Ceux-ci génèrent de nombreux bénéfices pour les fermiers et leurs écosystèmes : ils séquestrent du carbone, enrichissent les sols, dépolluent et stockent l’eau, préservent la biodiversité et diversifient les revenus des fermiers. Nous avons ainsi listé plus de 100 bénéfices de l’arbre, sur des plans multiples : économique, social, environnemental, culturel, spirituel…

Avec l’agroforesterie, et plus globalement la forêt, au menu des négociations a venir, c’est une grande opportunité pour l’Afrique d’accompagner la transition agricole directement vers l’agro-écologie et la valorisation de son écosystème, de ses terroirs, grâce a ces programmes climatiques. Dans certains cas sans même passer par le modèle de l’agriculture intensive, en accompagnant les petits producteurs directement de l’agriculture traditionnelle à l’agro-écologie.

L’injustice climatique envers les pays pauvres doit être réparée, c’est un préalable pour qu’il y ait un accord à Paris et aussi une opportunité pour accompagner cette transition agricole et une croissance verte en Afrique. Une opportunité pour tous, de montrer notre humanité et d’arriver a un accord commun, pour le bénéfice de tous.

 

Tristan Lecomte co-fondateur et président de Pur Projet

“Vous n’avez rien compris aux selfies”

André Gunthert occupe la chaire d’histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Le chercheur, par ses travaux et avec ses élèves, est le premier à avoir fait de l’image numérique un objet d’étude à part entière. Une image qui s’est démocratisée, démultipliée, socialisée au mitan des années 2000, avec l’apparition des réseaux sociaux.

“La photographie est devenue une pratique de niche au sein d’un univers plus vaste, celui de la communication électronique”, écrit André Gunthert dans son dernier ouvrage, “L’Image partagée” (éditions Textuel) qui vient de paraître. Le chercheur, classé à gauche, y offre une lecture radicalement nouvelle de ce phénomène, au-delà des idées reçues.

Le selfie, cet autoportrait au smartphone, est parfois regardé avec mépris du haut du balcon de la société. Destiné à être partagé, souvent afin de faire rire et réagir, il n’a pourtant rien de futile.

Au contraire, raconte André Gunthert, c’est une révolution “comme on n’en a pas connu depuis des siècles”. Pas seulement iconographique, mais bien sociologique, sociale – voire politique. Voici ce que les détracteurs du selfie n’ont peut-être pas saisi du phénomène, selon le chercheur que nous avons interrogé :

1 Le selfie n’est pas récent

« On pourrait penser que le selfie est le produit d’une prise de vue innovante par une nouvelle technologie, celle des smartphones. Mais cette pratique existait, bien avant l’image numérique.

L’exemple du film “Thelma et Louise”, sorti en 1991, est parlant. Les deux personnages, deux femmes, se prennent en photo avant leur virée sur la route. Elles attrapent leur Polaroïd et immortalisent le début de leur road-trip. Elles n’ont besoin de personne pour faire leur photo. Et surtout pas d’un homme. Le selfie leur permet d’affirmer leur liberté, leur autonomie.

Susan Sarandon et Geena Davis dans « Thelma et Louise »

Le selfie a existé dans l’ombre, sans être reconnu comme un genre entier, ni même susciter l’attention. L’intérêt pour cette pratique naît en 2013, lorsqu’une série d’articles le désigne comme le support du narcissisme des adolescents. Le succès est tel que les éditeurs des “Oxford Dictionnaries” le sacrent mot de l’année.

Très vite, les critiques pleuvent. On avait déjà vu ce scénario lors de l’apparition des webcams, des blogs ou des réseaux sociaux. Les jeunes ne respectent rien, c’est bien connu. Un Tumblr montre même qu’ils se prennent en photo lors de funérailles. C’est bien la preuve que le selfie, c’est le mal : il ne respecte pas les codes sociaux.

C’est alors que, par réaction, cette pratique plutôt discrète devient une forme de contre-culture, un signe de contestation bon enfant, bientôt imité par l’establishment.»

2 Le selfie n’est ni futile, ni vide de sens: c’est de l’hypercontextualisation

« Le selfie n’est pas une image : c’est la marque de ma présence dans une situation. Thelma et Louise, en se prenant en photo avec un Polaroïd, fabriquent le souvenir d’un moment précis. Ce n’est pas un simple autoportrait. C’est une contextualisation dans le temps et dans l’espace. Le réalisateur Ridley Scott en fait un symbole: on retrouve ce cliché à la fin, tragique, du film.

Le selfie traduit la capacité de traduire une situation sous forme visuelle.

Ce cliché montre une réinterprétation du réel – le philosophe Michel de Certeau parlait de “l’invention du quotidien”. Avec la communication électronique, les repères auxquels ont est habitué disparaissent.

Le selfie répond à l’effondrement du contexte (comme les mimiques du visage, les signes d’émotion dans la voix) par une hypercontextualisation. On se prend en photo pour fournir des indications de situation (“Je viens d’arriver à l’aéroport”) ou encore pour des vérifications d’apparence (“Regardez ma nouvelle coupe de cheveux”).»

3 Les selfies devant la Joconde témoignent d’une forme de respect

« Prenez des touristes qui se photographient devant la tour Eiffel. Ils concrétisent quelque chose qui est aussi vieux que le tourisme : partager l’expérience d’un monument ou d’un site.

Quand on les voit tous reproduire le même geste, c’est perçu négativement. Pourtant, quand un professeur de lettres impose à toute une classe la lecture de “Germinal”, personne ne s’étonne ! Germinal”, c’est un monument de notre culture, qu’il importe de partager.

Voir la tour Eiffel, c’est la même chose : c’est faire l’expérience individuelle d’une référence culturelle. Faire un selfie devant un monument est donc une très bonne manière de manifester cette appropriation.

Quand des touristes se prennent en photo devant la Joconde, c’est un signe d’intérêt et de respect. La Joconde devient soudain leur Joconde. Cette image leur est précieuse. Ils vont la garder, la montrer à leurs amis, en disant : “Regardez, j’ai vu la Joconde, en voici la preuve”

4Dans le selfie, l’image n’est pas le plus important : c’est la conversation

« L’image devient une conversation. Les réseaux sociaux, ce n’est pas des conversations à propos des photos, mais des conversations avec les photos.

La photo connectée n’existe pas sans destinataire. On ne fait pas un selfie pour soi, mais pour les autres.

Il y a eu d’emblée un malentendu avec le selfie, car on s’est arrêté à la surface du phénomène : à l’image elle-même. Sous l’iceberg se niche une ramification de pratiques beaucoup plus larges.

L’usage fondamental du selfie, c’est l’image connectée, partagée, depuis les smartphones, en temps réel à mes proches sur les réseaux sociaux. Le selfie ne s’apparente pas au portrait : sa vocation est très souvent de communiquer.»

5 Le selfie choque, car il incarne la désacralisation ultime de l’image

« Snapchat, la dernière application de messagerie qui connaît un succès foudroyant auprès des ados, illustre bien ce concept. Sur Snapchat, on ne fait pas des photos de soi pour apparaître sous son meilleur jour. Son image, on la triture, on la surligne, on la salit, et in fine, on la laisse s’effacer au bout de quelques minutes, au maximum 24 heures.

Sur Instagram, de manière assez classique, on produit des images. Sur Snapchat, on lance une conversation, en raturant sa propre image.

L’acteur Jared Leto adoptant les codes de Snapchat

C’est la première application qui ne respecte pas l’image. Ailleurs, l’intégrité de l’image est préservée : les commentaires et interactions sont placés en dessous, à côté. Sur Snapchat, on écrit sur l’image – et les ados adorent, encore davantage qu’Instagram, en terme de volume d’interactions.

Sur Snapchat, on rature l’image et on programme sa destruction. C’est sans doute le summum de la subversion, la désacralisation ultime de l’image.

L’image n’a pas vocation à être belle, mais à faire parler. Et à rigoler, aussi.

La dérision, le lol, sont devenus des vecteurs très importants de la conversation, et pas seulement en ligne. Le rire est un vecteur de sociabilité plus puissant que la respectabilité. Dans une conversation normale, on plaisante. Discuter avec majesté et sérieux, c’est plus rare quand on est au café. Ces images sont réalisées pour faire réagir, et souvent dans la dérision.

Une preuve de plus que les critères de réussite d’une image partagée ne sont pas vraiment esthétiques : les seules jauges sont celles du nombre de likes et de commentaires suscités. Des jauges sociales.»

6 Le selfie n’est pas un acte narcissique

« Le narcissisme ? Cela relève de la psychiatrie. Pour les Américains, le “narcissisme” est perçu comme un trouble pathologique du comportement.

En faisant du selfie un problème psychologique, on passe totalement à côté de sa dimension sociale (et sociologique). On individualise le phénomène – et du coup il est tentant de le corriger chez le “patient”. Or, pour moi les selfies racontent une évolution de la norme sociale.

Ne vous y trompez pas : le selfie, c’est une pratique de classe.

Cette appropriation de réalité par le second degré raconte une évolution sociale qui n’a rien à voir avec la psychiatrie. Le selfie, c’est une image qui est faite pour être partagée. On l’envoie toujours à quelqu’un, jamais à soi-même. Pour cela, le miroir suffit.

Les selfies sont devenus omniprésents dans les conversations intimes, amoureuses – ce qu’on appelle les sextos. On a mis son image sur l’oreiller. Ces images, on les adresse à quelqu’un, par l’intermédiaire des messageries privées, sans que le monde extérieur s’en aperçoive : ça n’est pas une manifestation narcissique.

La psychologue Jean M. Twenge, auteur de “Generation Me”, avait propagé le mythe d’un tsunami narcissique submergeant le monde, une thèse relayée par les médias. Mais une étude menée dans “Psychological Science”, parue en 2008, a montré que les jeunes n’avaient pas fondamentalement changé de comportement ces trente dernières années.»

7 Le selfie n’est pas laid

« Lorsque l’image était faite par un professionnel, c’était normal d’attendre qu’elle soit maîtrisée, belle, parfaite. Le selfie, où le bras apparaît dans le cadre, c’est du bricolage, mais à dessein : le bras appose le cachet de l’authenticité. Ce défaut est devenu la signature du genre.

Les jeunes stars comme Rihanna réalisent des selfies très réussis sur Instagram, très authentiques. Les clichés sont souvent un peu ratés, mal éclairés, de guingois.

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Une photo publiée par badgalriri (@badgalriri) le 25 Mai 2015 à 0h41 PDT

Mais ces photos racontent une histoire à ses fans. Elle dit : me voici au saut du lit, ce que vous voyez, c’est mon intimité. Cela ne l’empêche pas de faire la couverture de Vogue avec une image parfaite. Les photos officielles persisteront.

La beauté fait partie de l’ancien modèle de l’image. Celles qui se trouvaient dans les cathédrales, dans les églises. Sacralité et beauté étaient liées. L’évolution de l’image raconte celle de la société.

Avant, seuls les artistes avaient le droit de bouleverser les normes.

Marcel Duchamp détournant des objets de la vie quotidienne pour en faire de l’art avec ses “ready-made”, c’était très subversif. Mais c’était Duchamp. En 1910, le grand public, exclu, restait confiné dans une logique du spectacle : admirer l’oeuvre. C’est tout. On n’avait pas le choix.

Aujourd’hui, tout le monde peut détourner les oeuvres, diffuser sa production en ligne, et devenir prescripteur. Ce qu’on accordait à Duchamp, un ado a maintenant le droit de l’exercer.

Faut-il regretter ce déploiement du “goût barbare”, au sens de Pierre Bourdieu? Non. La conversation reste un domaine autonome, distinct de la création. C’est une victoire de l’usage sur le contenu.»

8 Le selfie bouscule avant tout l’élite

« Le selfie gêne, car il n’est pas dans l’ordre des choses. Il n’est pas respectable. Qui cela dérange-t-il le plus? Qui affirme “Le selfie, c’est le mal”? Les représentants d’un monde installé, protégé. Ceux qui bénéficient à plein des leviers offerts par ce que Guy Debord appelle la société du spectacle. Bien sûr que ça les dérange que des gens se collent à eux pour être dans l’image !

Prenez le Prince Harry. Alors qu’une jeune fille lui demandait de poser à ses côtés lors d’un voyage en Australie, il lui a répondu : “Non, je déteste les selfies. Sérieusement, vous devriez laisser tomber. Je sais que vous êtes jeune, mais les selfies, c’est mal. Prenez plutôt une photographie normale.”

Je comprends très bien le prince Harry. Il pense : “Je ne partage pas la représentation, allez jouer ailleurs. Moi qui suis le prince, j’ai le droit au spectacle. Vous, vous avez le droit de me regarder.”

On a retrouvé cette même réaction lors du Festival de Cannes de 2013, lorsque Thierry Frémaux a qualifié le selfie de “laid, vulgaire, ridicule et grotesque” et tenté – vainement – de l’interdire aux stars lors de la montée des marches.

Catherine Deneuve n’en pensait pas moins : pour l’actrice,“le selfie banalise tout”. Cannes, c’est le symbole même de cette industrie qui produit du spectacle.

Regardez Cannes juste avant la querelle du selfie : on voit la vedette, seule, entourée d’une nuée de photographes professionnels. Un an après, tout a changé : le selfie impose une nouvelle proximité avec le public.

Le Festival de Cannes avant / après le selfie (montage A. Gunthert / AFP)

La scénographie de la célébrité a changé. On voit de grandes stars – qui ont adopté ces codes – au milieu du public. Tout le monde est hilare. C’est cette proximité que le prince Harry fuit.

Avec le selfie, nous, les sans-grades, sommes rentrés dans l’image.

Il n’y a plus de distinguo entre le regardant et le regardé. Ce n’est pas de l’irrespect : c’est une nouvelle forme d’affection qui passe par une appropriation visuelle.

Les stars qui imitent un mouvement venu du bas, c’est un phénomène rare. En général, l’élite dirigeante inventait les codes, le peuple imitait. Napoléon III décide de se promener dans la forêt de Fontainebleau? La cour, puis la bourgeoisie, tout le monde enfin va se balader au même endroit. Le selfie inverse cette logique: Rihanna fait les mêmes photos que ses fans.

Le selfie représente le symbole de l’autonomisation des pratiques culturelles.

Le selfie a bouleversé la scénographie de la vie sociale, la mise en scène de soi que nous explique le sociologue Erving Goffman, en bousculant la hiérarchie et le protocole. En haut de l’échelle, cela peut être perçu comme insupportable.

On est bien au-delà du narcissisme : le selfie, c’est une question de lutte des classes et de représentation.

Pourtant, l’élite va devoir se soumettre à ces règles. Dans quelques années, j’en fais le pari, il y aura des selfies royaux et princiers.»

9 Le selfie est une révolution. De l’iconographie, mais surtout de la société

« La désacralisation de l’image dérange. Qu’on soit d’accord ou pas, il faut le prendre en compte. C’est un message. Un changement dans les représentations, c’est quelque chose de rare, encore plus rare qu’une révolution technologique. Le prince Harry et sa défiance par rapport aux selfies, c’est une révision de plusieurs siècles d’histoire de la représentation.

Selfie à Brixton (Royaume-Uni), avril 2015 (cc Flickr / UlyssesThirtyOne)

On est bien dans une révolution qui n’est pas seulement une révolution iconographique, mais sociale, voire… politique.

Pourquoi le selfie est-il porteur d’un message subversif ? Les selfies, plébiscités par les jeunes, représentent le triomphe d’une forme de second degré.

Prenez la photo de mariage. Pierre Bourdieu a analysé à quel point la photo de mariage au milieu du siècle dernier incarnait la famille: respectable, rigide, guindée, verrouillée au plus haut degré. L’image que les couples réalisent alors d’eux-mêmes transmet une représentation hautement artificielle, lisse, crispée des conventions.

Aujourd’hui, la photo de mariage s’est désacralisée. On voit de jeunes couples photoshopper leur cérémonie en incrustant des dinosaures ou des robots – tout l’arsenal de la culture geek y passe.

Le second degré a gagné. Si les jeunes générations ne respectent plus les institutions, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui ont perdu en respectabilité.

En bref, les selfies racontent quelque chose sur les évolutions de notre société, des signes que l’on peut apercevoir si on les prend au sérieux.

Le potentiel du selfie est confirmé par le degré d’irritation que le phénomène produit. En sociologie, on appelle cela une “panique morale”.

Comme le rock ou la musique pop dans les années 1960, qui ont d’abord beaucoup choqué, et qui étaient les manifestations de mouvements profonds de la jeunesse partout dans le monde, révélés par mai-1968, aux effets durables.

Plus la société se crispe face à ce genre de phénomènes, moins on s’aperçoit que le mouvement est déjà engagé. De ce point de vue, je pense que le selfie est un signe avant-coureur plutôt fiable. Au-delà d’une révolution, l’image, c’est le miroir d’un bouleversement profond des codes sociaux.»

Propos recueillis par Aurélien Viers

Vins de Vouvray : clochemerle sur les bords de Loire

La douceur angevine aurait-elle quitté les bords de la Loire entre Vouvray et Montlouis-sur-Loire ? Ces deux terroirs situés à l’est de Tours, distants l’un de l’autre de 6 kilomètres et qui élaborent tous deux de savoureux vins blancs à base du cépage chenin (sec, demi-sec, liquoreux et effervescent), sont le lieu d’un conflit symbolique entre le syndicat de l’appellation Vouvray et deux vignerons réputés (Jacky Blot et François Chidaine) de ladite appellation, également figures emblématiques, c’est le noeud du problème, du vignoble de Montlouis-sur- Loire.

Le 5 janvier dernier, lors d’une visite d’inspection, les services de l’Inao constatent que les raisins issus de leurs parcelles de Vouvray sont, en fait, vinifiés dans leurs caves de Montlouis-sur-Loire, c’est-à-dire en dehors de l’aire de l’appellation, ce que n’autorise nullement le cahier des charges de cette dernière. Résultat ? Une déclassification séance tenante de leur millésime 2014 sous la bannière, beaucoup moins qualitative, de vin de France.

Problème : les bouteilles des deux vignerons incriminés étaient vendues jusqu’alors entre 15 et 25 euros et jouissaient d’une flatteuse réputation en France comme à l’international. D’où une stupéfaction dans le landerneau vinicole. Jean-Luc Dairien, directeur de l’Inao, souligne :

La qualité du travail des ces deux vignerons n’est pas remise en question par cette décision. Mais, en l’espèce, la traçabilité des raisins n’est pas garantie. »

Du côté des intéressés, on subodore, en revanche, une volonté de leur porter atteinte, en raison de leur engagement sans faille, depuis de longues années, pour l’appellation Montlouis-sur-Loire, qui aujourd’hui détrône celle de Vouvray.

Parole contre parole

« Avant la naissance des AOC en 1936, les vins de Vouvray et de Montlouis étaient vendus sous la même dénomination vin de Vouvray, rappelle François Chidaine, également président de l’appellation Montlouis-sur-Loire. Tandis que Vouvray détenait déjà une véritable notoriété, Montlouis était un petit vignoble totalement moribond qu’il a fallu reconstruire. A partir des années 1980, Jacky Blot et moi-même avons été les artisans de ce renouveau en posant les exigences qualitatives de ce terroir qui ont fait ce que Montlouis est devenu aujourd’hui. »

Avec 60% de sa production réalisés en vins effervescents, Vouvray fait en effet aujourd’hui figure de belle endormie aux yeux des spécialistes. A l’inverse, Montlouis-sur-Loire a su attirer de jeunes vignerons, séduits par les pratiques viticoles en bio et biodynamie qui s’y sont développées ces dernières années.

Jacky Blot, actuellement propriétaire de 5 hectares, se défend :

A mon arrivée dans le vignoble de Vouvray en 1998, lors de l’acquisition de mon premier hectare, j’ai demandé à pouvoir vinifier à Montlouis, où je possède une cave. Le syndicat de Vouvray était, à l’époque, vent debout contre ma requête. J’ai finalement obtenu l’autorisation pour une durée permanente de la part de l’Inao. »

De son côté, François Chidaine, propriétaire de 10 hectares, a vinifié à Vouvray pendant une dizaine d’années avant de revenir à Montlouis où il jugeait son outil de production mieux adapté :

Des rumeurs annonçaient que nous allions faire l’objet d’un contrôle et que nous étions dans le collimateur du syndicat, mais, pour être franc, nous n’y avons pas cru. »

Il soupçonne clairement que la décision prise par l’Inao ait été fortement motivée par le Syndicat des Vignerons de l’Aire d’Appellation Vouvray. Jean-Michel Pieaux, président de l’appellation Vouvray, plaide pour sa part :

On ne modifie pas le cahier des charges d’une appellation pour deux individus qui ne le respectent pas. Ils ont été prévenus au printemps 2014 par un courrier du syndicat les invitant à se mettre en conformité, mais ils n’en ont pas tenu compte. »

Un air de déjà vu

Pour l’heure, nos deux vignerons réfractaires envisagent de porter l’affaire en justice, forts d’une jurisprudence similaire de décembre 2013 sur l’appellation Pomerol dans laquelle le Conseil d’Etat avait donné raison aux vignerons requérants, qui eux aussi vinifiaient en dehors de l’aire de l’appellation. Pour Jean-Luc Dairien :

Une AOC n’est pas un musée, elle a vocation à évoluer. De nombreux cas similaires sont constatés sur l’ensemble du vignoble français. Le rôle de notre organisme est de prendre en compte la réalité économique des acteurs viticoles qui, bien souvent, souhaitent réunir leurs activités de vinification de différentes appellations sur une seule installation. »

Il poursuit : « Nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet et les premiers résultats de ses travaux devraient voir le jour d’ici à deux, trois ans. » Une bonne nouvelle pour nos deux vignerons qui, en attendant, pourraient bien voir leurs bouteilles estampillées vin de France devenir de véritables collectors.

Olga Delon

# Comment choisir les meilleurs millésimes

Parmi les plus représentés dans ces foires aux vins 2015, les millésimes 2009 à 2014 ne possèdent pas tous le même niveau de qualité. Quelques repères pour éviter les mauvaises surprises.

2009

On l’achète les yeux fermés, ce millésime ayant été exceptionnel dans toutes les régions en raison d’un climat idéal pour la vigne.

2010

Excellent millésime pour le Bordelais, la Bourgogne, le Rhône et l’Alsace.

2011

Moins clément pour le Bordelais et la Bourgogne, ce millésime se révèle très intéressant dans le Languedoc.

2012

Très compliqué au niveau climatique, ce millésime est extrêmement hétérogène en termes de résultats. En fonction du travail effectué par le vigneron, on peut dénicher de belles pépites, à boire dans leur jeunesse.

2013

Une année plutôt fraîche dans l’ensemble des vignobles. Le millésime est plus favorable aux vins du Sud (Rhône, Languedoc-Roussillon). A éviter sur le Bordelais.

2014

Millésime en demi-teinte en fonction des maturités atteintes pendant l’arrière-saison, plus ensoleillée que l’été. Une année remarquable pour les vins de Loire, rouges comme blancs.

L’hémorragie des écolos se poursuit

La plaie est grande ouverte. Après le choix fait samedi, à près de 75%, par les militants écologistes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie de partir aux régionales de décembre sans le PS, mais avec tout ou partie du Front de gauche, la lente hémorragie d’élus au sein d’Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) va se poursuivre. Dans le sillage des présidents de groupes parlementaires, Jean-Vincent Placé (Sénat) et François De Rugy (Assemblée nationale), partis fin août en pleine université PS de La Rochelle, c’est au tour de la trésorière nationale du parti, Marie-Pierre Bresson, et de Christophe Rossignol, ancien membre de la direction, de claquer la porte d’EE-LV.

Dans un mail envoyé aux adhérents et que Libération s’est procuré, Marie-Pierre Bresson, adjointe à Lille auprès de Martine Aubry, annonce qu’elle «par[t]», écœurée du choix des siens de tourner le dos à l’union de la gauche dès le premier tour malgré le risque Front national dans cette grande région du Nord. «Mon engagement politique puise ses origines dans ce combat contre le FN. Il précède EE-LV et ne s’y est pas dissous, écrit-elle. Je pars, mais en réalité, c’est EE-LV qui s’éloigne et me quitte.» Car pour cette professeure dans un lycée de Lille-Sud, qui a adhéré aux Verts il y a quinze ans, le choix de s’allier avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui «rejette tout préalable en vue du second tour», c’est se «constitu[er] prisonniers volontaires». «Je m’y refuse. Les errements de cette alliance vont conduire à une hésitation au second tour», se désole-t-elle.

«Tragédie»

Proche de Jean-Vincent Placé, actuellement conseiller régional dans la région Centre et numéro 4 cette année sur la liste EE-LV en Ile-de-France, Rossignol dénonce, lui, «la lente agonie d’EE-LV». «Aujourd’hui en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, demain sans doute en Paca, deux régions où le FN peut gagner, quelques dizaines d’adhérents ont décidé de mettre en place une stratégie mortifère de désunion qui risque pour des millions de personnes de se transformer en tragédie», balance-t-il dans sa lettre de démission citée par Le Parisien.

Ces deux nouveaux départs, certes moins forts que ceux de De Rugy et Placé, illustrent la lente désagrégation du parti écologiste. A trois mois des régionales, d’autres responsables locaux, en désaccord avec le choix d’alliance avec tout ou partie du Front de gauche dès le premier tour en décembre, pourraient ainsi les imiter et taper à la porte des listes socialistes. A l’Assemblée nationale, le groupe écologiste – qui ne s’est pas réuni depuis le départ de De Rugy – devrait se déchirer à son retour à Paris cette semaine. Barbara Pompili, élue de Picardie, pourrait annoncer son choix de quitter EE-LV.

Duflot à la manœuvre ?

Que deviendrait alors ce groupe ? De Rugy et Pompili ont transmis des propositions de règles de bonne conduite à leurs collègues pour maintenir le groupe en l’état, avec liberté totale de vote. Mais l’appel lancé vendredi dans Libération d’un nouveau groupe «rouge-rose-vert» pourrait faire exploser l’actuel, si Cécile Duflot décidait d’y embarquer ses proches. «Je pense qu’on arrivera à garder un groupe, dit un membre de la direction. C’est trop important pour les députés qui n’ont que ça. Mais Cécile essaie quand même de tout faire péter.»

Au Sénat, c’est la sénatrice du Val-de-Marne Esther Benbassa qui a lancé l’offensive anti-Placé. Dans une pétition, elle demande que son camarade de l’Essonne ne soit plus président du groupe, puisqu’il n’est plus membre d’EE-LV. Cette «clarification», dont se félicitent les proches de Cécile Duflot, prend la forme d’une douloureuse décantation : les plus à droite du parti, favorables à un retour des écologistes au gouvernement, devraient petit à petit se regrouper au sein du nouveau parti créé par De Rugy et Placé – «Les écologistes !» – et faire partie d’une Union des démocrates et écologistes (UDE) fondée par d’anciens Verts et anciens Modem, comme Jean-Luc Bennahmias. Une lente décomposition.

 

Lire l’intégralité du mail envoyé par Marie-Pierre Bresson, trésorière de EE-LV et adjointe à la maire de Lille, aux adhérents écologistes, le 13 septembre :

«Chères toutes, chers tous,

Les Anglais ont cette jolie formule pour ne pas céder à la première impulsion : «sleep on it». Le lendemain pourtant, c’est pareil.

Je pars. Ni facilement, ni légèrement et pas de gaîté de cœur, mais je pars.

J’étais lycéenne à quelques kilomètres de Dreux quand, en 1983, Jean-Pierre Stirbois y est devenu adjoint FN, avec la complicité du RPR. J’étais rue Monsieur le Prince à Paris le 5 décembre 1986 quand Malik Oussekine a été tué. Je n’ai jamais oublié qu’il était mort parce qu’un ministre de l’Intérieur fonçait derrière le FN avec ses voltigeurs motorisés. Spontanément descendue dans la rue en avril 2002, je n’ai eu aucune hésitation à voter Chirac.

Mon engagement politique puise ses origines dans ce combat contre le FN. Il précède EE-LV et ne s’y est pas dissous. 30 ans que ça dure. Il y a 15 ans, j’ai fait le choix de m’engager avec enthousiasme dans un parti écologiste prometteur, et je ne crois pas avoir ménagé mes efforts pour contribuer à son développement. Nous étions un beau collectif, avec des projets à foison et des réussites obtenues les unes après les autres, grâce à cette science du compromis qui est notre incomparable talent. Nous étions aussi inventifs et audacieux que sérieux et opiniâtres. Notre turbulente démocratie interne – parfois fatigante – était l’expression bruyante de notre richesse et de notre vitalité, lesquelles renouvelaient enfin une offre politique terne et anachronique.

Il y a eu d’éclatants succès – pléthore d’éluEs locaux, des groupes parlementaires nationaux et européen élaborant des politiques publiques ambitieuses – et des rendez-vous ratés. Le choix de la présidentielle nous a fait trébucher ; en claquant la porte, nos ministres ont achevé de nous faire tomber. Mois après mois, demi-succès électoral après semi-échec électoral, nous nous asséchons. Le monde n’a jamais eu autant besoin d’écologie, mais nous avons abandonné l’écologie.

Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ne me convient pas. Nous n’y avons pas recherché tous les moyens d’un indispensable accord de premier tour ; toute légitime qu’elle soit, nous nous arc-boutons sur une critique nationale au lieu de valoriser un copieux bilan régional et rendons hypothétique l’accord de deuxième tour.

Tout cela ne serait pas si grave si n’étaient concernés que les 600 adhérents EE-LV de la grande région NPDC Picardie, mais ce sont ses 6 millions d’habitants qui vont souffrir, d’abord parce que l’écologie va disparaître de la région – alors que c’est elle qui les protège –, mais aussi parce que, artisans d’une défaite annoncée, nous courons le risque de livrer la région à la droite ; pire, à l’extrême droite.

Celui que nous choisissons comme partenaire privilégié, le PG, rejette tout préalable en vue du second tour. Nous nous sommes constitués prisonniers volontaires. Je m’y refuse. Les errements de cette alliance vont conduire à une hésitation au second tour, donc c’est non. Avec le FN en embuscade, la première fraction de seconde d’hésitation est coupable.

Je suis professeure dans un lycée de Lille Sud, je m’efforce de donner à mes élèves des clés pour comprendre le monde. Avec d’infinies précautions, je recolle avec eux les morceaux épars de la République. Je veux que mes élèves continuent à ressembler au monde entier et pouvoir accueillir les prochains en provenance de Syrie, d’Irak ou de Libye. Je ne veux pas que Marine Le Pen puisse décider de l’avenir de ces lycéens, je ne veux pas de cet éléphant au milieu de mes porcelaines fines.

Le vote de l’AG d’EE-LV contient ce risque. C’est non. Je pars, mais en réalité, c’est EE-LV qui s’éloigne et me quitte.

Écologiquement vôtre,

Marie-Pierre Bresson.»

Lilian Alemagna

L’indemnité vélo devrait tourner autour de 12 à 15 centimes par km, d’après Ségolène Royal

L’indemnité kilométrique vélo, un mécanisme pour inciter les salariés à se rendre au travail à vélo, pourrait être fixée aux environs de 12 à 15 centimes par kilomètre, a indiqué dimanche la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal devant le «Grand Jury» RTL/LCI/Le Figaro. «Je pense que cela devrait tourner aux environs de 12 à 15 centimes», a déclaré Mme Royal qui a toutefois précisé que le dispositif était toujours en discussion et qu’il ferait l’objet d’un décret. Pour un trajet quotidien de 5 km matin et soir, l’indemnité journalière s’éleverait donc à 1,5 euros en partant sur la base de 15 centimes par kilomètres.

Comme Libéle rappelait cette semaine, la loi relative à la transition énergétique a introduit cet été l’indemnité kilométrique vélo (IKV) permettant la prise en charge par l’employeur de «tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant à vélo ou à vélo à assistance électrique entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail». Et qui n’est donc toujours pas appliquée. L’objectif de cette mesure est d’augmenter la part de la bicyclette dans nos trajets quotidiens (moins de 3 % aujourd’hui au niveau national).

Ségolène Royal a rappellé qu’une expérience menée l’an dernier auprès de 8.000 salariés avait «très bien fonctionné» avec un triplement de la part de ceux  utilisant ce mode de transport pour aller de leur domicile à leur travail. Les entreprises volontaires avaient accepté d’octroyer une indemnité de 25 centimes net par kilomètre parcouru en vélo par leurs salariés. L’indemnité devrait en principe être exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé par décret. Pour les salariés, elle pourrait être déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Où est passé l’indemnité kilomètrique vélo ?

LIBERATION avec AFP

Adam Laloum : clavier bien inspiré

La silhouette longiligne jusqu’au bout des doigts, presque fragile, le vêtement à peine apprêté quand il entre sur scène, Adam Laloum n’a pas l’attitude d’un conquérant. Et lorsque les derniers accords résonnent sous ses mains, il a le salut modeste, encore étonné de susciter tant d’enthousiasme. Le public, séduit, loue son jeu nuancé et intense, son timbre poétique qui force l’admiration.

Originaire de Toulouse, le pianiste de 28 ans récolte des lauriers et affirme sa singularité au milieu de la pépinière de virtuoses de sa génération. Chambriste, en récital ou avec orchestre, il est de tous les festivals qui comptent et ses disques collectionnent les récompenses (> voir sa discographie). Le prochain album Schubert – Schumann a été enregistré cet été.

Pourtant sa rencontre avec le piano a bien failli être contrariée. Il n’a que six ans quand un professeur décrète qu’il n’est pas fait pour le clavier. Mais le bel instrument trône toujours à la maison, joué par le grand frère Tom, et la légende familiale raconte qu’une tante musicienne amatrice lui redonne le goût du piano.

Avec quelques notions de solfège, l’enfant fait ses premières gammes en autodidacte, déchiffrant toutes les partitions à portée de main, avant de ressentir, à dix ans, le besoin d’aller plus loin et de prendre au sérieux cet objet de désir. Commence alors un parcours classique d’instrumentiste : direction le conservatoire de Toulouse, avant d’intégrer à 15 ans le Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris.

Mais c’est après ses années de formation, qu’il va réellement apprendre en quoi consiste le métier de musicien, notamment en côtoyant des professeurs pour lesquels il a la plus vive reconnaissance : Daria Hovora, Claire Désert, qui le fait jouer en petits concerts privés, Jean-Claude Pennetier, rencontré lors de l’Académie Maurice Ravel qui lui dévoile l’importance de se donner entièrement à son art et Evgeni Koroliov dont il suit régulièrement l’enseignement à Hambourg.

« Il ne brûle pas les étapes »

C’est en jouant le 24ème concerto en ut mineur de Mozart, qu’Adam Laloum remporte en 2009, le prestigieux concours Clara Haskil qui fait la part belle aux musiciens plutôt qu’aux virtuoses, le propulsant comme par surprise sur le devant de la scène. Voilà ce qui rend le jeu d’Adam Laloum si particulier : un mélange de force et de tendresse, de puissance et de délicatesse, d’urgence et de contrôle ; sans esbroufe, sans effet de manche, tout en simplicité et subtilité.

D’année en année, le jeune homme discret et attachant gagne en assurance et en légèreté. Il cache sous une apparence juvénile une tête bien faite et une grande maturité d’esprit. René Martin, directeur artistique du festival de la Roque-d’Anthéron et fondateur du label Mirare, atteste :

Adam a cette richesse qu’on doit avoir quand on mène une carrière. Il ne brûle pas les étapes. Il est très lucide. Il a conscience de ce dont il a besoin sans se laisser happer par les compliments. Après chaque concert, il sait exactement comment il a joué. C’est ce qui lui permet de grandir. »

« On apprend de tout le monde »

La vie d’un concertiste est rude, confesse Adam Laloum : « Il faut être fort mentalement, savoir prendre du recul et s’endurcir pour gérer la pression des concerts qui se suivent avec des programmes très différents, tout en gardant l’exigence artistique. Si l’on n’est pas bien organisé, on peut se retrouver dans des situations très difficiles ». Les moments de pause sont rares. Pas facile de jouir d’un temps libre sans culpabiliser. « Quand on est musicien, on n’a jamais l’esprit tranquille, et la culpabilité est un frein à l’épanouissement ».

L’artiste a toujours développé un penchant pour la musique de chambre qu’il cultive avec bonheur. Avec deux amis du Conservatoire, la violoniste Mi-Sa Yang et le violoncelliste Victor-Julien Laferrière, il fonde en 2012 le trio Les Esprits qui se produit régulièrement en concert :

J’aime cette idée du collectif qui nous empêche de nous centrer sur notre propre nature, nos petites angoisses personnelles. C’est important de côtoyer d’autres musiciens. On apprend de tout le monde. Jouer avec quelqu’un d’autre, ça ouvre l’esprit et l’on se ressource ».

De cette passion et d’un coup de cœur pour un village des Corbières a germé l’idée d’un festival, réunissant une quinzaine d’interprètes, Les Pages musicales de Lagrasse, dont la première édition se déroule en ce début septembre (2 au 12). Endossant le rôle de directeur artistique, Laloum s’enflamme : « C’est une belle réussite, en partie grâce à la générosité des habitants de la commune. Nous attirons chaque soir 150 personnes dans une église qui ne compte pas beaucoup plus de places ».

Quand on lui demande de raconter une de ses plus belles expériences musicales, il répond : « C’était le premier soir du festival, quand j’ai joué après avoir réglé des détails techniques et ensuite, assis dans la salle en écoutant mes amis inspirés et épanouis donner le quintette à deux violoncelles de Schubert ».

La musique, c’est avant tout cela. Des moments de partage et de dialogue entre musiciens qui s’estiment.

Lise Tiano

Discographie

2011 : Brahms, pièces pour piano. Mirare

2013 : Schumann, Grande Humoresque et sonate N°1 opus 11. Mirare

2013 : Schumann, Schubert, Brahms avec Lise Berthaud à L’Alto. Aparté

2014 : Brahms : Sonates N°1 et 2 pour Clarinette et piano ,Trio en la mineur pour clarinette, violoncelle et piano avec Raphaël Sévère et Victor-Julien Laferrière. Mirare

2014 : Trio les Esprits : Beethoven,Trio en mi bémol majeur opus 70 n°2, SchumannTrio n°3 en sol mineur opus 110 . Mirare



Dates

1987 : Naissance à Toulouse

2002 : Entrée au CNSMD de Paris dans la classe de Michel Béroff

2007 : Participe à l’Académie Maurice Ravel et obtient le prix Maurice Ravel

2009 : Premier prix du concours Clara Haskil de Vevey

2011 : Premier disque Brahms

2012 : Nominé aux Victoires de la Musique

2012 : Fonde le trio « Les Esprits »

2013 : Disque Schumann

2015 : Création du festival Les pages musicales de Lagrasse

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